(Tout ce qui sera révélé ici est 100% vrai, toute ressemblance avec la réalité n'est imputable qu'à cette dernière)
1988.
J'ai 16 ans. Ma copine aussi. Appelons-là Shakira. Elle en a les yeux et le teint. Shakira et moi on a été amoureux à 16 ans. Moi d'elle, plus qu'elle de moi. Je la trouvais extraordinairement belle. J'ai été la regoogler image avant de vous écrire ceci, elle est encore formidablement belle. À 48 ans (49 en août). J'avais 16 ans et j'avais trouvé mon but dans la vie. L'aimer à jamais. Mais elle, elle avait un agenda plutôt précis et différent. Et le 3 mai de cette année là, après plusieurs mois d'amour partagé, elle souhaitait mettre un terme à nous deux, en tant qu'amoureux. J'ai pas eu le choix d'accepter. Mais je n'avais pas tellement vu venir. J'ai extraordinairement eu du mal à encaisser le choc. Pendant plusieurs jours, en revenant de l'école où je la côtoyais dans mes cours, je me trouvais des raisons de ne pas rester chez nous pour ne pas faire endurer mon mal-être à mes soeurs, mes parents, nos deux chiens et notre chat, pour rien. Je prenais mon vélo, filais vers les Plaines d'Abraham, à 6 minutes de vélo de chez moi alors, et je balançais mon vélo dans le gazon pour m'assoeir quelque part et ainsi mieux plonger mon regard dans le fleuve. Et danser dans ma tête. Toute sorte de gigue.
"It's over, Hunter" |
Nooooooooooon je ne contemplais aucunement l'idée de me suicider. Je n'étais nulle part où je pouvait carrément plonger dans le fleuve ou encore m'étendre sur l'asphalte et me laisser mourir. J'en étais même très loin. Mais j'avais une belle vue sur l'eau du fleuve. L'eau, éternelle symbole de la liberté. Fallait que je plante mes yeux facilement humides vers du tout aussi humide. Je n'avais pourtant pas envie de goûter cette liberté en ce moment. Je voulais faire équipe avec Shakira amoureusement. Mais de l'amour, elle n'en avait plus tant, pour moi.
Je ne me rappelle plus exactement des promesses, des arguments, ni de la manière, mais quelques jours plus tard, vers le 5 ou le 6, on reprenait comme couple. Un deuxième essai. Mais on ne change pas 4 vingt-cinq sous pour 1 dollar sans que ça ne revienne au même. On se quittait pour vrai, le 11 suivant. date qui marquait justement notre anniversaire de couple de je ne sais plus combien de mois puisque rendu là, je perdais tous mes repères dans le déséquilibre du moment.
J'ai souhaité le célibat longtemps par la suite, jusqu'à passé le CEGEP. Ça avait fait trop mal. Je ne voulais plus me faire mal comme ça, et encore moins infliger un tel mal ailleurs. Mes aventures étaient brèves, éphémères et sans lendemain réels. J'ai développé une haine assez réelle au mois de mai par la suite, découvrant aussi que je n'étais pas le seul puisqu'au moins Ian Curtis et Dédé Fortin ont choisi ce mois pour s'enlever la vie et que le printemps est la saison la plus tenace pour les suicides. J'avais même gagné un prix humoristico/poétique proposant l'abolition du mois de mai et le passage directement de d'avril à juin, en secondaire 5.
Je découvrais par moi-même, au même moment où je sortais avec Shakira, en secondaire 4, la formation britannique Jethro Tull. L'album Aqualung plus précisément. J'ai associé leur musique à cette période peu heureuse de ma vie, la trouvant soudainement malsaine. Je n'ai reconnecté avec leurs sons, Thick As a Brick, plus précisément, facilement seulement 25 ans plus tard. J'avais emprunté le cd à la bibliothèque, c'était pré-Spotify/Apple Music, et à une époque où faire jouer un cd dans sa voiture était en soi, une petite révolution. Le disque de deux chansons avaient joué dans la voiture en rotation quelques mois.
Je ne crois pas aux "signes" que la vie nous lanceraient. Mais les signes me suivent effrontément. Je vous en reparlerai surement un jour, je ne suis pas 100% à l'aise avec cela encore. Parmi ceux-ci, depuis 2009, ces cardinaux, oiseau rouge au chant merveilleusement charmant, qui se mettent à apparaître et à chanter, à des moments importants de nos vies, là où mon père, décédé en 2009, serait intervenu. Quand ma fille gradue. Quand on achète la maison. Quand ma fille a son permis de conduire. Et ainsi de suite. Cette semaine, quand ma mère, son amoureuse, opérée aux deux genoux pour des reconstructions complètes, il y a trois semaines, sortait pour faire une marche dehors de chez elle pour la première fois, un cardinal se faisait pleinement aller les cordes vocales en se bombant fièrement le torse près d'elle et de ma soeur, J.J qui l'accompagnait et qui filmait, stupéfaite elle aussi.
2021
Ma fille et son petit amoureux ont respectivement 17 et 18 ans. Ma fille sera majeure dans deux semaines. Ils n'ont pas une tonne d'expériences amoureuses à leur actif. Lui, c'est sa première blonde, elle son second chum. Cette semaine, ils se sont assez brouillés pour penser cesser leur relation. Ce qui les bouleversait tous les deux. On a connu un mardi assez intense émotivement ou leur relation a été mise sur la glace.
On était le 11 mai. Ma fille avait le coeur brisé au même moment que papa, 33 ans plus tôt. Et un an plus vieille que papa.
C'est dans la nuit du 11 au 12 que je prenais pleinement conscience de drôle de hasard. Puis, en plaçant mon alarme sur mon téléphone pour le lendemain, je posais les yeux sur cette nouvelle liste de lecture que je venais de me faire quelques heures avant.
Une heure 59 de Jethro Tull...
Je n'ai pas supprimée cette liste. Fallait conjurer le sort. Je l'ai même écoutée tous les jours depuis mardi.
Puis, le couple de ma fille et de son chum à repris...
...jusqu'à...
Peu importe.
Les rêves cessent. Pas les nuits.
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