Ce matin là, il faisait plus de 30 degrés. Entre 36 et 40 avec l'humidex. Ouch! On ne paie pas ces pleins d'essence de nos poches. On a une carte de compagnie. Il nous faut un reçu pour justifier nos pleins d'essence. Mais voilà. Ce matin-là, comme trop souvent, le reçu ne sort pas. Je dois entrer dans la station et demande le reçu à la commis.
Dans l'avant Covid, ce moment n'était rien. Devrait encore rester du rien. Une opération de moins d'une minute. Quand tu as 86 adresses à faire le même jour, tu veux qu'on soit dans la vie d'avant. Où on opère plus vite et plus librement. Il y avait 9 personnes en ligne pour le commis.
Tabarnak...
Pour m'insulter davantage, au 7ème servi, on a changé la commis par une autre commis. Ce qui a ralenti davantage car elle prenait davantage de temps avec les autres, qui partaient tous relativement tendus. Forcément. Le niveau "chenille" de nos vies de papillons irrite depuis mars.
Après trop longtemps, ce fût mon tour.
"Un reçu pour la pompe #2, svp"
"C'est tout?"
"Malheureusement..."
"Comment vont vos dents?"
"oh?...beaucoup mieux, je peux tranquillement recommencer à manger sur la gauch...
...Mais...mais comment savait-elle?
Mais pourquoi me posez vous une telle question, commis de dépanneur/station-service?"
"Je suis en fait dentiste, vous auriez peut-être besoin d'un rendez-vous pour un nettoyage..."
C'est là que l'ancienne commis est revenue à la course, débaillonnée et avec des cordes aux poignets, excusant la situation et disant que c'était une imposture, la police s'en venait. La commis/dentiste avait alors pris la fuite à sa vue.
On me proposait un autre 300$ et plus pour me faire dire que j'avais une sinusite (+ frais de covid maintenant).
Ce serait une interrompue de journée. La première à travailler à Côte-St-Luc pour moi, depuis qu'elle était la première ville au Québec à obliger le port du masque à l'intérieur de ses endroits publics. Mais comme je ne vais théoriquement pas à l'intérieur nulle part, ne rencontre théoriquement personne et que je ne fais que les rues, ça ne me concernait pas.
Du moins, je le croyais. 18 adresses plus loin, une policière à barbe m'arrêtait. Ah! non, ce n'était pas une barbe, c'était son masque qu'elle avait placé dans son cou.
"Bonjour, vous n'avez pas de masque" m'a-t-elle dit.
"Je sais, pas besoin, je ne fréquente personne et ne travaille que des bacs dans les rues."
"De toute façon on ne donne pas vraiment de contravention, ce ne sont que des avertissements, nous n'en sommes qu'au premier jour"
"O.K....j'ai encore 68 adresses à faire, alors si ça ne vous dérange pas..."
"Sachez que si vous entrez quelques part dans Côte-St-Luc..."
"Je n'entre nulle part et vous ne portez pas le masque vous-même vous vous en êtes fait un collier, fermez votre gueule!"
Bon...
J'ai pensé cette dernière ligne, je ne l'ai pas dite. Mais j'aurais eu raison de la lui dire. Chenille. Pendant ma conversation avec
Les citoyens confinés, boomers surtout, sont presque tous à la maison de nos jours et m'attendent. Je n'ai jamais vu autant de grands adultes en pyjamas, en tenue de nuit ou en "mou". Je n'ai jamais besoin du citoyen pour faire ce que je fais. À moins que celui-ci n'ait une question à me poser ou ait patenté un système de réparation temporaire personnel dont je n'aurais pas les outils pour retravailler autrement. Ce qui reste rare. Mais dans certaines villes, comme Côte St-Luc, ils sont tous là, comme si ils m'avaient attendu toute la journée. Et ils viennent me jaser. De la courtoisie de bonhommes. Des échanges creux.
Je dois leur dire de rester loin de moi. Car ce sont surtout des baby boomers. Ils ne comprennent pas toujours. Et me dissertent sur la Covid. Aussi scientifiques et censés que Lucie Laurier. Mon téléphone a resonné trois autres fois. Dentiste. Pas répondu.
Je n'ai pas eu à porter mon masque. Ne suis entré nulle part et ça obligeait les citoyens à ne pas m'approcher. Ça m'a gardé papillon quand on me ramenait chenille.
Quand je suis revenu chez moi, 12 heures trop tard, la docteure Nguyen, ma dentiste, m'attendait dans l'entrée.
"Que me voulez vous?"
"
"Ça va, merci, le seul nettoyage dont j'ai besoin est celui de mon corps, et j'ai faim, dégage, parasite"
"Il ne faut pas réagir ainsi M.Jones, la vie est bonne, ça va bien aller. Il faut se réinventer...."
Au verbe "réinventer" j'ai craqué. J'ai planté un tournevis dans son oeil gauche, l'ai achevée à la hache et ai déposé ses restes dans le bac de compost qui était ramassé le soir même. Papillon se débarrassant de prédateur.
J'avais nettoyé quelque chose de ma vie.
Depuis mon téléphone ne cesse de sonner mais il s'agit cette fois d'un détective.
Pas le temps de lui parler.
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