Je ne sais pas ce que les États-Unis retiendrons de l'époque que nous vivons actuellement.
Bien des visions changent avec le temps.
Prenons simplement l'implication des États-Unis dans La Guerre du Vietnam (1955-1975). La vision des réalisateurs/scénaristes des années 70 était claires. La défaite était si humiliante, que de retours au pays, vous n'étiez plus qu'un jouet brisé qui allait finir par faire pire contre son propre peuple.
Prenons nos exemples dans la représentation cinématographique du conflit.
1975: Scorcese tourne le scénario de Paul Schrader, Taxi Driver, racontant Travis Bickle, vétéran de la Guerre du Vietnam, voulant assassiner le président des États-Unis, et qui ne lésine pas sur la gâchette en fin de film.
1978: Christopher Walken, que l'on voit avant, pendant et après la guerre, reste au Vietnam, est sérieusement dérangé, suicidaire, et devient une menace constante dans The Deer Hunter.
1980: Dans Don't Answer The Phone! de Robert Hammer, Kirk Smith est aussi un Vietnam Vet, culturiste amateur, photographe pornographique, pourchassant les femmes de Los Angeles pour mieux les assassiner.
1982: Rambo: First Blood de Ted Kotcheff. John Rambo Vétéran du Vietnam, entre en conflit avec les autorités locales, est hanté par de violent souvenirs de guerre, et finit par assassiner la moitié de la ville.
Les États-Unis se retirant du conflit vietnamien en 1975, dès cette même année, on jase des cauchemars de la défaite et on dérive dans les excès de la dérape. Nous sommes des jouets brisés semblent dire les anciens combattants. Ils revenaient au pays afin de tenter d'entrer dans le moule de la société et la crainte était qu'ils étaient dérangés, dangereux, une menace pour cette société. La défaite était encore toute proche. C'était un reflet de l'ambivalence de la société des États-Unis par rapport à cette sale guerre et par rapport à la guerre en général. Et le cinéma n'aidait pas beaucoup à changer cette vision, montrant des héros tout à fait mésadaptés, auto-destructeurs et psychopatologiques. Les 4 films nommés plus haut nourrissaient cette idée.
Puis, il y a eu le formidable film Platoon d'Oliver Stone en 1986. Où il nous offrait ses propres souvenirs du conflit (y ayant participé) nous racontant sa patrouille, dans un excellent film tourné du strict point de vue d'une patrouille largement mal menée et égarée au Vietnam. Où l'ennemi était trop souvent soi-même. Expliquant en partie la défaite de manière extraordinaire.
Un an avant, même John Rambo n'était plus aussi vilain. Dans Rambo II, l'expérience passée au Vietnam de Rambo lui servait lorsqu'engagé par un ancien sergent, pour retourner au Vietnam et sauver des prisonniers de guerre, là-bas. On exorcisait les néo-monstres. Il passe de l'incompris Frankenstein-psychopathe nouveau genre du premier film au héros du second.
La même année, Arnold Schwarzenegger incarnait le colonel John Matrix à la tête d'un Commando, et se servant de son expertise de La Guerre Du Vietnam pour aller sauver sa fille, kidnappée par des terroristes.
En 1987, Barry Levinson tournait un film librement inspiré de la vie du DJ Adrian Cronauer, dont l'émission était enregistrée du Vietnam pendant le conflit, et diffusée pour les troupes en circuit fermé. Une émission radio très populaire même si trop souvent irrévérencieuse par rapport aux Étatsuniens impliqués dans le conflit et diffusée entre 1965 et 1966.
Quand Stone revisite le livre de la vie de Ron Kovic, en 1989, ce qui lui vaudra un second Oscar de meilleure réalisation (le premier étant pour Platoon) il présente un personnage presque de martyr, presque Jésus, revenu du conflit estropié, passant du soldat fier de l'implication de son pays au militant anti-guerre. Stone est le premier récipiendaire d'honneurs à avoir été aussi vétéran du conflit. Quand il tourne, les gens ont pris ses visions au sérieux. Il connaissait la matière qu'il traitait.
À la télévision, entre 1988 et 1991, la série télé China Beach mettait en vedette l'adorable Dana Delaney, héroïque infirmière comme on les admire de nos jours, traitant, du Vietnam, des traumatismes des soldats, tout en négociant avec la guerre en cours.
La transition entre le psychotique Kirk Smith, l'indésirable Travis Bickle, et le presque saint Ron Kovic, en moins si peu de temps reflétera aussi la vision des Étatsunien sur leur humiliante épisode sociétaire.
Trop près du conflit, le cinéma parle des dommages et des jouets brisés.
À peine plus loin, on explique pourquoi et on trouve du bien à en retirer.
Feront-ils de même avec la passage de cet homme d'affaires comme Président des États-Unis?
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