vendredi 3 juillet 2020

Cinema Paradiso****************Le Conformiste de Bernardo Bertolucci

Tous les mois, dans les 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans les 10 derniers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parle de l'une des mes trois grandes passions indécrottables, le cinéma.

Je l'ai étudié, j'y ai travaillé j'en suis sorti, mais le cinéma ne se sort pas de moi.

Je vous parle d'un film dont j'ai aimé tous les choix. Musicaux, de direction, de mise-en-scène, de comédiens, de sujets, de réalisation.

Je vous parle d'un film qui m'a séduit par sa facture visuelle, sa proposition narrative, son audace, son inventivité, ses images et ses sons, sa créativité, son flair, ce qui l'inspire, sont esthétique, son histoire, son propos, son angle de sujet choisi.

Et qui a eu un fort impact sur ma personne.

LE CONFORMISTE de BERNARDO BERTOLUCCI

Par météo de 30 degrés et plus, je dois être le seul plouc sur terre à aimer me taper un film de 1970 à 7h00 le matin, sous le gazebo, doublé en anglais et sous-titré en espagnol, même si tourné en franco-italien.

Le drame politique raconte l'histoire de Marcello Clerici, jeune homme convaincu de vouloir se marier et de devenir "un homme normal", donc de se conformer au vent qui passe. Et le vent qui passe dans la période évoquée est le fascisme de Mussolini en Italie.

Le film est une adaptation du livre de l'excellent auteur italien Alberto Moravia, un de mes auteurs favoris, et est le tout premier effort du réalisateur Bernardo Bertolucci.

Le style, la mise-en-scène, la prise des plans, la cinématographie de Vitorrio Storaro, la musique de George Delerue sont tout simplement parfaits. Dès le plan d'ouverture, le choix de présenter le personnage principal par une lumière incandescente rouge est très judicieux.

Celui qui recommande/recrute Marcello pour la police secrète fasciste est aveugle (ce qui n'est pas innocent de la part de Moravia et de Bertolucci) et lui dit que pour lui, un homme normal, c'est un homme qui tourne la tête pour regarder les belles fesses d'une Femme et qui se rend compte avec bonheur qu'ils sont 5 ou 6 à faire la même chose en même temps. Le film est riche, la mise-en-scène a quelque chose de Fellinien. Les espaces sont vastes et impressionnants.

L'hôpital psychiatrique où se trouve le père de Clerici est en fait le Teatro Libero du palais des Congrès italien, en banlieue de Rome.

Le film a une certaine grâce et une poésie élégante. Un côté baroque aussi. On sent dès le départ que le propos sera plus subtil que ce que l'on voit.  Bertolluci commençait sa carrière très fort. Mais la distribution du film sera chaotique. Ayant fait une très forte impression au Festival de Berlin dans les trois premiers jours du festival, celui-ci est annulé par controverse quand le film anti-guerre O.K. de Micheal Verhoeven fait trop de bruits. Le film ne sera jamais distribué facilement par la suite. Et découvert assez tardivement dans les Amériques.

La mise en scène a aussi quelque chose de Godard, ce qui n'est pas innocent non plus, Bertolucci en étant un grand admirateur au point de faire dire à son personnage principal le vrai # de téléphone de JLG ainsi qu'une ligne de son film La Chinoise. La narration non linéaire et ce n'était pas ainsi qu'originalement le film (ni le livre) avait été monté. En proposant un montage non linéaire, son monteur Franco Arcalli se trouvait un job à vie avec Bernardo. Heureuse décision au final.  Pierre Clementi y fait une présence courte mais comme toujours presque cosmique. Cet acteur ne pouvait jamais jouer un homme ordinaire.

Le film sera décrit comme un film intelligent sur la décadence de la classe sociale moyenne voulant aspirer à mieux.
Ici, trouvant pire.

Le passage sur les ombres entre Clerici et ce professeur anti-fasciste dont on ne verra pas le visage tout de suite suggérant qu'il est l'ombre lui-même, est tout simplement merveilleusement brillant.

Toutefois, par la suite, on le distingue très très bien. Et on sait comment le fascisme a progressé par la suite dans l'Italie de Mussolini.

Pour ceux qui apprécient les subtilités mais aussi les jeux de pouvoirs en surface et les évocatrices qualités d'une psychologie sombre, ce film est un véritable bijou.

À 30 ans, Bertolucci offrait un talent qui croisait la bravoure d'un Fellini, le sens aiguisé et raffiné d'une époque comme Visconti savait si bien le faire, et le fervent engagement politique d'un Elio Petri avec sa propre individualité et mieux encore, avec une totale absence d'indulgence personnelle.

Un très intéressant film.
Noir.

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