mardi 12 mai 2020

Richard Wayne Penniman (1932-2020)

Little Richard était une météorite de la culture nord-américaine, un artiste qui a explosé dans la conscience collective et qui a propulsé le futur dans les yeux et les oreilles de tous.

Il aimait se décrire comme un architecte du rock'n roll, et Chuck Berry, Buddy Holly, Fats Domino, Elvis, tous enterrés, ne pouvaient rivaliser contre ce qu'il offrait. D'intangibles et contagieuses qualités musicales indissociables de la rébellion sociétaire et du sexe, et vice versa. Son importance pour la musique ne se mesure pas. À la fois stupéfiant brillant musicien et à la fois bouleversement culturel de la forme humaine.

On se moquait de lui plus jeune car il était trop efféminé. Né en Goergie, un mois après que Franklin Roosevelt soit élu président des États-Unis, son enfance se lit comme un livre de Toni Morrison. Troisième d'une famille de 12 enfants, son père était à la fois pasteur furieusement religieux, propriétaire d'un bar et vendeur illégal de boisson alcoolique Moonshine. Sa mère le baptisait Ricardo, mais une erreur du baptistaire le débaptisait plus traditionnellement. Ce sera l'une des seules fois , s'appeler Richard, où Penniman errera du côté du traditionnel dans sa vie. Enfant, il est très agité.
Et efféminé. Il a une jambe plus courte que l'autre ce qui lui donne une marche "de femme". Il absorbe comme une éponge tout ce qui est musical. De l'église de son père au travail qu'il fait au Macon City Auditorium où il y vend du coca-cola, adolescent. Amoureux du talent de Sister Rosetta Tharpe, lorsqu'elle l'entend pianoter et chanter ses chansons à elle, elle l'invite, dès ses 14 ans, à faire ses premières parties. De toute manière, il est interdit de chanter pour lui à l'église de papa, car il chante "trop fou". À 16 ans, d'ailleurs, il est forcé de quitter la maison dans l'acrimonie car sa promiscuité sexuelle est trop ouverte et ses ambitions musicales ne font nullement l'unanimité parentale.

Il joint alors le Dr.Hudson Medecine Show où il y fréquente Eskew Reeder Jr, mieux connu sous le pseudonyme de Esquerita, un pianiste de la Caroline du Sud et un chanteur si flamboyant qu'il aura une influence énorme sur le jeune Richard. Il passera d'une étiquette à une autre dans les années 50. Tantôt chez RCA, tantôt chez Peacock, il envoie un demo à Speciality Records, en 1955, il n'a que 22 ans, mais est un véritable vétéran, et presqu'un vétéran désespéré. Le premier single qu'il fera chez Speciality Records marque l'histoire du rock'n roll à jamais.

A-bop-bop, a-loom-op, a-lop-bop-boom!

Au temps de Tutti Frutti, rien dans le rock'n roll ne se faisait de mieux. Bien qu'il ferait aussi bien, encore longtemps, même passé 65 ans, il était extraordinairement vivant. Qu'on l'écoute sur youtube, sur 45 tours, sur 33 tours, sur Spotify ou Apple Music, l'un de ses grands talents a été celui de vous donner l'impression qu'il atterrissait en tout temps à vos côtés, comme quelque chose de très spontané, alors qu'au contraire, quand il travaillait, tout était extrêmement poli et durement travaillé. Sa manière de chanter Tutti Frutti est très calculée jusqu'à la manière de placer le micro à son piano quand il jouait. Une technique oblique tout à fait sienne pour une meilleure qualité de son.

L'émergence du succès de Little Richard a eu un grand impact. Son étiquette de disque était alors convaincue que Sam Cook pouvait aussi faire plus que du soul ou du gospel, mais pouvais s'essayer dans la pop et le rock. Sam Cook devenait alors Sam CookE avec un "E". Comme dans "on Essaye".
Ironiquement la trajectoire de carrière de Cooke serait inverse à celle de Little Richard, Cooke allant signer avec l'ancienne étiquette de Richard, RCA, qui était alors devenu pratiquement la maison mère des succès d'Elvis.

Mais Little Richard allait amener beaucoup plus que de la musique. Il amènerait de la folie chez la jeunesse noire des gens du Sud. Le son d'une jeunesse qui avait besoin aussi de rock'n roller. Facile de penser que sans Little Richard, on a pas les mêmes Beatles. Jimi Hendrix a brièvement jouer pour Richard dans les années 60. Les Rolling Stones ne peuvent nier une grande admiration pour Little Richard. Toute la musique post-1955 a une trace de Little Richard. Et pourtant, il n'a pas eu l'exposition vedettarieenne que les autres ont connu.

Dans le Sud, il était la cible de gens du Ku-Klux-Klan, déguisés en gardiens de la morale des États^-Unis qui scandaient qu'il fallait sauver la jeunesse de gens comme lui. C'est la version de Tutti Frutti de Pat Boone, un blanc, qui vendra pour les radios. Les blancs volant les noirs, rien de tellement nouveau. Little Richard prend un hiatus de 5 ans, qui change dramatiquement le sens de sa carrière. Empochant assurément les droits d'auteur. Ou se battant pour les recevoir. convenablement.

Pour faire amende honorable à sa famille, il sera, lui aussi, fait pasteur.

Mais entre 1955 et 1957, il est au sommet du monde. Il EST le rock'n roll. Un monstre au piano et un des chanteurs les plus importants de l'époque naissante du rock d'Elvis, Jerry Lee, Chuck et les autres. Une vraie bombe d'énergie. Ses "woos" en falsetto ont précédé ceux des Beatles. Les ont assurément inspirés. Led Zep copie l'intro à la batterie de Keep a Knockin' pour une chanson au titre appropriée de Rock'n Roll. Sur un album contenant l'épique Stairway To Heaven, les 4 boys de Led Zep confirmaient qu'on ne faisait toujours pas mieux que Little Richard.

Des artistes comme Richard Wayne Penniman, ça n'existe presque plus.
Il y a bien encore Jerry Lee Lewis dont la viande froide sera compliquée à écrire sans jugement moral. Mais avec ce noir, gay, rien de compliqué. Juste du rock'n roll bien huilé.

C'est une bouchée importante de l'histoire de la musique d'Amérique du Nord qui s'est éteinte le 9 mai dernier.

Il avait 87 ans.

Goodbye War Hawk.
And Thanks for the legacy


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