Né à Zurich, en Suisse, dans une famille d'origine juive, en 1924, il est adolescent quand la Seconde Grande Guerre éclate. Son père, d'origine Allemande, perd sa nationalité puisque Juif. Mais en neutre Suisse, tout le monde reste protégé.
Robert, a un frère qui sera dans le milieu des affaires comme papa et maman. Robert, afin de se distancer de cet univers, se tournera vers la photographie. À 22 ans, il se tricote un premier livre de 40 photos. Un portefolio si intéressant qu'il se motive à émigrer aux États-Unis et à penser en faire une carrière.
Il se déniche presque aussitôt un poste de photographe pour le magazine Harper's Bazaar, à New York.
En 1949, l'éditeur du magazine Camera publie un subtantiel portefolio du photographe Jakob Tuggener, un autre photographe suisse, de 20 ans, l'aîné de Frank. Le magazine ne manque pas de souligner la talent de l'autre Suisse, Robert Frank, et parle de "nouveaux talents photographiques émanant de Suisse". Tuggener, qui photographie la haute société en interaction, mais aussi les usines et leurs employés, sera un mentor pour Robert Frank.
Il comprend qu'il doit voyager afin de ramener des images qui parlent d'elles-mêmes. Il quitte les États-Unis pour l'Amérique du Sud, puis pour l'Europe et revient aux États-Unis en 1950. Il participera au 51 American Photographers, expo organisée par le MoMA (Museum of Modern Art), il épouse la même année Mary Lockspeiser avec laquelle il aura une fille et un garçon.
Bien qu'originalement épaté par la grande liberté et l'animation sociale aux États-Unis, il s'en désenchante en constatant qu'un désir presque devenu universel est d'abord et avant tout de devenir riche. Ça le fait se concentrer sur le contraire. Il plante sa caméra sur des lieux/des gens isolés, sur des réalités plus glauques. Une perspective qui sera de plus en plus évidente dans ses photographies futures. Le contrôle des éditeurs sur son travail l'agresse aussi de plus en plus. Il ne cessera jamais de voyager, sa famille le suivant partout. Ils vivront un peu à Paris. Il travaillera pour les magazines McCall's, Vogue et Fortune.
En 1955, le MoMA présente une exposition de photos appelée The Family of Man. L'Expo sera un immense succès, accueillant rien de moins que 9 millions de visiteurs. Robert Frank y tient 7 photos. De nos jours, ce catalogue est toujours disponible, tellement il vend bien. Son nom devient important, on l'associe à ceux de Diane Arbus et de Saul Leiter, comme la nouvelle école de photographie de New York. L'école du réel. Il se mérite une bourse Guggenheim qui le feront visiter toutes les strates de la société Étatsunienne entre Détroit, Dearborn, Savannah, Miami Beach, St-Petersburg en Floride, New Orleans, Houston, Los Angeles, Reno, Salt Lake City, Butte au Montana et Chicago. Il documente en images mémorables tous ces lieux. 28 000 photos. 83 seront gardées pour le livre de photos qu'il s'apprête à lancer: The Americans.
Il s'inspire alors de son mentor, Tuggener, qui avait lancé The Fabrik, dépeignant visuellement l'univers et les gens des usines des États-Unis, et photographie pour sa part la haute et la basse société des États-Unis. Avec une certaine distance, il créé un portait compliqué d'une époque où les valeurs commencent à changer, et où la solitude semble prédominer. Le livre sera formidablement bien reçu et tout aussi bien vendu.
Pendant ses périples (ce sont les années 50, rappelons nous-le) En Arkansas, il est arbitrairement placé en prison pendant 3 jours sous prétexte qu'il est soupçonné d'être communiste. Les arguments seront les suivants: Il est habillé comme un clochard (comme Dostoievski l'aurait été), il est juif, il a sur lui des lettres d'amis aux noms "sonnant" russe, ses 2 enfants (Andrea & Pablo) ont des noms étrangers, et il a du whiskey étranger dans sa voiture.
Dumb, USA.
Tombant sur Jack Kerouac à la sortie d'un party à New York, Frank lui montre ses photos et Kerouac lui confirme qu'il pourrait écrire sur ses photos facilement. Ce qu'il fera. En plus de l'intro de son fameux livre de photos.
Frank, devenu ami d'Allen Ginsberg, sera le photographe officiel de la beat generation et de cette culture underground.
Il se distingue en montrant les disparités dans la richesse des États-Unis et la tension raciale latente, un peu partout au pays. Simone de Beauvoir, Erskine Caldwell, William Faullkner, Henry Miller, John Steinbeck en deviennent des fans.
Frank se lance alors dans le film. Explorant encore l'image différemment.
Il se sépare de Mary et épouse la sculptrice June Leaf en 1971, s'établissant en Nouvelle-Écosse.
Son film sur les Rolling Stones, en 1972, sera son plus connu. Les Stones le poursuive sous prétexte que ce sont eux les artistes et ne veulent pas que leur débauche (filmée) ne soit révélée en Amérique (prude et conne) où ils auront peur d'être interdit à jamais. Ils veulent les droits du film et l'interdire de publication. Même si ils trouvent le film fameux. Mais la cour donne raison à Frank qui fût l'artiste engagé par les artistes. Et le film aura droit à 5 diffusions par année, sous présence de Frank pour explications si jugé nécessaire.
La pochette d'Exile On Main St., chef d'oeuvre des Stones, est surpeuplée de photos de Robert Frank dans un collage.
Il laissera peu à peu tomber la photographie "normale", pour faire surtout des collages où des photos narratives, racontant des scènes.
Sa vie prend un tournant tragique quand sa fille meurt dans un accident d'avion au Guetemala en 1974 et que son fils est diagnostiqué schizophrène la même année. Il devient discret et vivre en réclusion jusqu'à la fin de sa vie. Noyant la désolation qu'il avait immortalisé sur pellicule, maintenant habitant son triste coeur de père en deuil.
Il acceptera quelques contrats de vidéos, d'artistes que J'ADORE, mais se gardera secret principalement.
Il décède tout aussi secrètement lundi dernier.
En Nouvelle-Écosse.
À 94 ans.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire