dimanche 3 avril 2016

Sextivisme

Sextivisme: Utiliser son sexe pour faire passer des messages, pour protester, pour s'affirmer.

Je ne réussis pas complètement dans mon métier de traducteur à faire passer le terme Étatsunien en remplacement d'Américain quand on parle de quelqu'un des États-Unis. Ce n'est pas encore totalement accepté que l'Amérique ne soit pas aussi le Canada, l'Argentine, le Mexique, le Brésil, le Guatemala, le Honduras, le Salvador, Belize, le Nicaragua, le Costa Rica, Panama, la Colombie, le Vénézuela, l'Équateur, le Pérou, le Bolivie, la Guyane, le Paraguay, l'Uruguay et le Chili même si c'est ABSOLUMENT le cas.

L'Amérique, ce sont ces 20 pays PLUS les États-Unis. Ne vous laissez jamais convaincre du contraire,

America ne s'épelle pas U.S.A. ou É-T-A-T-S-U-N-I-S.

Mais encore aujourd'hui, on souhaite en général entendre americain en ne parlant que des United Staters.

En revanche, sextivisme est un mot en pleine expansion populaire.
(Tout ce qui contient le mot sex est toujours populaire de toute manière)

Bien au de-là des femen, les femmes (presqu'exclusivement) s'activent beaucoup dans le sextivisme depuis quelques années.

Ça passe par les monologues de son appareil sexuel, l'exposition de ses menstruations, la diffusion des images transformatoires chez les transgenres, l'exposition de seins nus pour protester, la simple présence nue en publique pour aussi protester, la presque totalité des clips de jeunes chanteuses que l'on doit surtout désirer regarder même si leur métier exige aussi de l'oreille.

La question devient alors pertinente en cette ère de sextivisme:
"Quand elles sont vues, sont-elles aussi entendues?"

La nudité comme outil de militantisme a des limites qui se pointent très vite. Selon le contexte, ça peut devenir excessivement délicat de l'utiliser. La frontière entre la simple récupération dans sa participation et l'objectification du corps le femme est extrêmement nébuleuse, voire parfois inexistante. Où tracerait-on une limite de ce qui serait acceptable et de ce qui ne le serait pas?

Si la première question était pertinente, celle-ci est nulle en soi. Une femen par exemple veut d'abord le désordre. Elle souhaite déranger. Et quoi de plus dérangeant que de crier quand tout le monde parle tout bas et de se pointer dénudée chez les habillés? Pas question de limiter le subversif.

Mais une fois l'ordre brouillé, la nudité bien exposée, que contrôle l'être nu de ce qui se passe? Ne dit-on pas en général, quand on veut parler de vulnérabilité, que "je me sentais tout nu?". Dit ainsi, la nudité est présentée comme le contraire de la force. La totale vulnérabilité.

Dans le cas des femen, l'exposition des seins n'est pas celui habituellement attendu. Elles n'exposent pas un sein visant à exciter, elles n'exposent pas un sein nourricier, elles exposent des seins tout à fait inattendus. Un sein politique devenu dérangeant. Un sein tordu par des gardes du corps qui les cloueront face contre terre. Mais tapageuses et imprécises, je doute qu'elles remettent réellement en question l'ordre patriarcal ou la mâlitude qu'elles tentent de dénoncer. On écoute peu ceux qui murmurent, mais on écoute encore moins ceux qui crient.

Ce n'est toutefois pas à moi, le mâle, de dire comment la femme devrait utiliser son corps. Ça lui appartient.

Le sextivisme qui fonctionne vraiment, et qui m'énerve je l'avoue, est la nudité artistique. Celle de Rihanna, de Beyonce, de Miley, d'Ariana, de Selena, si ces filles ne s'offrent pas le corps avec leurs sons, je ne suis pas certain qu'elles susciteraient autant d'intérêt. Elles font fortune, pour un peu de cuisses, des fesses et des seins, pendant que ceux-ci sont en admirables formes et c'est fabuleusement payant pour elles.

Ça m'énerve parce que la musique est d'abord pour moi un intérêt auditif et des artistes énumérées plus haut, seule Gomez a intéressé plus que mes yeux. Et franchement pas trop. Je préfère encore la voir.

Je dis que leur sextivisme fonctionne, mais encore, si ces dames atteignent le statut Madonna de la fortune et accotent, voire dépassent, n'importe quel homme faisant le même métier, je ne suis pas convaincu que l'histoire retiendra leur musique autant que leur corps de rêve.

Si elles s'en moquent. Tant mieux pour elles. Elles auront ce qu'elles souhaitent. La richesse.
Leur art n'aura été que mise en marché.

Aux Oscars, la remise des prix du cinéma des États-Unis, j'étais ravi de voir qu'on avait lancé un hashtag qui suggérait aux animateurs du tapis rouge "ask her more". Faisant ainsi référence à l'inévitable question "quelle signature portez vous comme linge ce soir?" que l'on demande à toute les femmes. CES FEMMES SONT BEAUCOUP PLUS QU'UNE DÉCORATION OU UNE PUBLICITÉ. Mais bon, on les as quand même présentées comme des porte-manteau.

Pendant la crise étudiante qui a fait tomber le gouvernement Charest, certains se sont dénudés du haut dans les marches populaires et protestataires. Hommes comme femmes. J'ai aimé. Parce qu'on a pas séparé corps et raison. C'était homme et femme avec la même nudité revendicatrice. Et les femmes exposaient bien deux seins, mais cachaient deux mamelons d'un morceau de papier scotch. Ce qui rendait moins ambiguë l'exposition.

Certaines femmes ne se sont jamais senties plus fortes que lorsqu'elles se sont ainsi dénudées. "Vous n'avez pas voulu entendre nos voix? entendez nos corps!" que certaines m'ont dit.*

Et c'est là aussi que les signaux sont étonnamment brouillés. On est jamais plus vulnérables que nus...et en même temps pour certaines, jamais plus fortes...

Les nouveautés sont souvent difficiles à complètement digérer socialement.

Il en a va de même avec les nouveaux mots.

Sextivisme n'est pas reconnu par le web encore.

Mais au Québec, chez les traducteurs, le mot est de plus en plus accepté.

On "habille" nos phrases de ce mot.


*J'étais moi-même alors à l'U de M dont mon département n'avait pas voté en faveur de la grève, mais croisait les grévistes presque partout.




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