D'avoir un prénom de fille. Et si viiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiieux.
Sur la rue Belvédère à Sillery, il n'y avait que 5 gars de notre âge. Pat, les frères Prévost, Dave et moi. Il devait y avoir 12 ou 13 filles dans cette même rue. C'était la démographie du Saguenay/Lac St-Jean dans ma rue.
Les gars de la rue c'était 4 couleurs d'un même jeu de cartes. Le Pique et le Trèfle c'était les frères Prévost. Deux fils de boucher assez riche. Le plus vieux des frères avait un an de plus que moi, peut-être deux. Le plus jeune, un an de moins que moi. Ils avaient aussi une grande soeur. Ils jouaient tous au golf dans la famille. Le plus vieux et la grande soeur seraient même éventuellement champions régional et passeraient dans le journal. Le carreau c'était Pat. Il habitait tout juste en face de chez nous, était plus vieux que moi de deux ans, et, habitant un modeste appartement face à notre maison de 12 pièces/3 étages, il inventait toujours une nouvelle profession pour son père. Un jour il était scientifique. Un autre, espion. Un autre génie. Je découvrirais plus tard qu'il n'était que fonctionnaire (comme presque tout Québec). Il était blond presqu'albinos.
Dave était le joker. Il n'était là qu'une semaine sur deux pour raisons de partage des enfants des suites d'une séparation. Il habitait, aux deux semaines, avec sa soeur Christine dans le même bloc que Pat. Voulant rattraper le capital de sympathie dans la fratrie de la rue, il pêchait souvent par arrogance afin de tenter de se montrer plus supérieur qu'il ne l'était vraiment. On le tolérait parce qu'on était tous secrètement amoureux de sa grande soeur (qui était la première à avoir "des formes") mais en somme, Dave était plus souvent qu'autrement le joueur de trop.
Moi? Ben j'étais le coeur bien entendu puisque c'est moi qui vous rapporte tout ça.
J'avais un statut privilégié parce que nous habitions la maison la plus grande. De plus j'avais deux soeurs, Janiper Juniper de 13 mois ma cadette et Greenjelly, née trois ans après moi comme bébé "bonus". Ces deux soeurs se trouvaient, en terme d'âge, à peu près au milieu de l'âge de la douzaine de filles de la rue. Mon père faisait une patinoire sur le côté de la maison et c'était immanquable, chaque hiver, tous les kids de la rue y patinaient, mais surtout, y faisaient d'interminables tournois de hockey contre les gars de la rue Bégin. Comme j'étais le meilleur de notre équipe, on me prêtait une aura hors glace que je ne méritais pas tout le temps.
4 boys et demi, c'était suffisant quand l'adolescence et les premiers amours sont nés. 4 gars pour 12 filles, quand on a entre 11 et 13 ans, ça laisse de la place au choix pour les boys quand les filles ronronnent tous en même temps au printemps. La soeur de Pat, Plus vieille que moi d'un an, avait imaginé un stratagème plus ou moins subtil pour tenter de me plaire. Le père de Pat a littéralement fait mon éducation musicale. Il achetait, en 33 tours, absolument TOUT ce qui sortait les mardis en magasin et qui valait, selon lui, la peine. Il avait une pièce entière consacrée à sa collection de vinyl. Je lui empruntais tous les samedis entre 15 et 20 disques, dont j'enregistrais les meilleurs moments selon moi sur cassette et lui rapportait l'emprunt en après-midi.
Jo, la soeur de Pat, se précipitait pour répondre à la porte quand je venais sonner à la leur le samedi, en maillot de bain...
Ça n'a eu aucun effet sur moi. Quand elle m'a demandé de patiner avec elle "collé" en patins à roulettes au Disco Roule, j'ai chastement refusé. Moi j'attendais Christine, la soeur de Dave, mais elle avait 4 ans de plus que moi, se foutait de ma bouille et ne se présentait qu'aux deux semaines.
4 boys et demi c'était assez pour notre rue. Mais arriva un jour la famille de Carol. Carmen ne semblait pas travailler. Roger était extrêmement hirsute et avait tout à fait le look hippie. Il ne semblait pas travailler non plus. Nous avons pensé bien-être social. Nous étions autour de 1984. Cette famille avait tout des hippies. Ils allaient habiter un miteux appartement, derrière les appartements de Dave & Christine et Pat & Jo.
Il y avait toute cette série de garages/remises qui appartenaient aux habitants des logements Belvédère. L'appartement, une grande cuisine avec un simple escalier de 8 marches qui menait à une chambre à l'étage ainsi qu'une salle de bain tout à fait dans l'entrée, de la famille de Carol était situé au-dessus de ce garage. Ce devait être une remise, un genre de grenier, transformé en appartement improvisé. Roger, Carmen, une petite soeur qui ne semble n'avoir jamais quitté les bras de sa mère ou de son père et Carol, un gars de mon âge, allaient y habiter pas tout à fait 12 mois.
Carol avait à peu près mon âge, mais paraissait plus vieux. Usé. Il avait une tête de boxeur. Il n'avait rien d'agressif, mais avait dû se battre dès son arrivée dans notre rue, d'abord avec le plus vieux des frères Prévost, puis, avec Dave. Il me semblait en permanence en mode survie. Je l'avais très vite noté et entre nous, il n'y avait jamais eu d'animosité. Je crois même qu'il y avait un respect. Il avait des "street credits" que nous n'aurions tous jamais vraiment.
Carol avait tout du rejeté. Il portait toujours le même linge, du linge généralement tricoté ou fait à la main par sa mère, il patinait extrêmement mal, s'intégrait donc mal à notre équipe déjà en place, et ne semblait aller à aucune école. On avait déterminé qu'il en avait été expulsé et que cette famille se cachait au dessus du garage parce que le gouvernement les recherchait pour un crime quelconque.
Celui, peut-être d'avoir affublé leur fils d'un prénom de fille. Et si viiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiieux!
Nous ne connaissions qu'un autre Carol, le père d'un ami, enseignant, et c'était un maudit mongol qui tirait les élèves turbulents dans le mur pour se faire respecter. Ce qui provoquait le contraire.
Carol. de notre rue, avait toujours la morve au nez l'hiver. Je le revois avec sa tuque à longue oreilles orange et son manteau olive, sale.
Il avait tout du pauvre d'un livre de Charles Dickens. C'était Oliver Twist*,
Il n'a été dans notre rue qu'à peine un an. Le temps de se faire une nouvelle peau dure. Le gouvernement les as peut-être retracé, avions nous décidé.
Je ne me souviens pas qu'il soit venu jouer très souvent chez nous. Notre maison devait l'intimider. Son manque de talent en patin avait marqué nos imaginaires et il devait associer notre chez nous à un échec. Mais il se défendait admirablement. En mode survie, on ne fait que tenter de garder la tête hors de l'eau.
Une eau pas toujours choisie.
J'ai pensé à Carol quand j'ai retrouvée par hasard une vieille carte de hockey de Carol Vadnais.
Je n'ai aucune photo, autre que celles de ma mémoire, de Carol Twist.
*Et qui a réalisé une comédie musicale sur Oliver Twist en 1948? CAROL Reed!!!...
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