Fille d'un avocat de courte durée, plus comédien amateur que plaidoyeur, et d'une jeune femme issue de la bourgeoisie, Simone naît dans un appartement cossu du Boulevard Raspail en 1908 dans le 14ème arrondissement de Paris. Sa soeur Hélène y naît deux ans plus tard.
La première féministe moderne a les yeux brillants. Elle est vive et allumée. L'intelligence transperce son regard. Elle étonne par sa vivacité et sa présence d'esprit.
On ne lui trouve que des qualités.
À l'école, Simone brille. Elle se partage toujours la première place en classe avec une amie qui deviendra Zaza dans ses livres. À la fin de la Première Guerre Mondiale, le père de sa mère perd tout et la famille devient officiellement pauvre. La mère de Simone ("par qui le malheur familial arrive") ne se le pardonne pas et la petite Simone en souffre. Celle-ci ne se pardonne pas non plus d'être femme, puisque son père ne fait pas un secret qu'il aurait voulu un garçon. "Tu as un cerveau d'homme" lui dira-t-il même. C'est ce père qui transmet le goût de la littérature et des arts à ses filles.
Vers 14 ans, Simone et sa soeur perdent la foi. L'aînée choisit un an plus tard qu'elle sera écrivain. Elle termine un baccalauréat en 1925 qui sera suivi d'études supérieures en mathématiques et en lettres. En 1928, elle obtient la licence en philosophie. Elle y rencontre une jeune homme qu'elle considère comme un génie: Jean-Paul Sartre. Ils vivent des amours nécessaires. Un an plus tard, elle se classe seconde au concours d'agrégation en philosophie...derrière J-P Sartre.
La même année, elle devient professeur de philosophie à Marseille. Sartre est pour sa part envoyé dans le même poste au Havre. L'idée que le couple se sépare terrorise J-P et il demande à épouser Simone. Ce qu'elle refusera voulant ne jamais rendre contractuel sa passion pour J-P et surtout afin d'assurer sa propre indépendance. De Beauvoir sera toujours en avance sur son époque. Elle se rapproche de Sartre quand même, lorsque transférée à Rouen. Sartre et De Beauvoir ont une entente qui leur permet d'avoir des amours contingentes. Simone a des relations bisexuelles à son nouvel endroit de travail et parfois même avec ses élèves, amours qu'elle partage aussi avec Sartre. Elle a aussi des liaisons hétérosexuelles avec des élèves de Sartre. Transférée à Paris, elle y écrit un premier roman refusé chez Gallimard et Grasset. Après la mise à jour d'une liaison avec une de ses élèves en 1941, elle est limogée en 1943. Elle travaille alors pour Radio Vichy où elle organise des émissions consacrées à la musique à travers les époques.
En 1943, son roman L'Invitée, où elle y déguise un amour récent partagé avec Sartre, est publié par Gallimard. Avec ses thèmes libertins, ses réflexions philosophiques et ses propos sur la conscience et les possibilités de la réciprocité, le livre est un immédiat succès.
À la Libération en 1945, Sartre, Boris Vian, Raymond Aron, Maurice Merleau-Ponty et Michel Leiris lancent la revue Les Temps Modernes. La revue a pour but de faire comprendre l'existentialisme et l'athéisme duquel ces gens se réclament. Elle publie des essais, du théâtre, et un brillant roman de guerre que Chabrol adaptera en film en 1984.
Fin 1946 elle lance un troisième roman, mais se consacre dans les années qui suivent à publier des essais ou des articles qui traitent, entre autre chose, de sa curiosité envers le communisme, dont un la propulse au sommet des intérêts communs. Le Deuxième Sexe vend 22 000 fois dès la première semaine, mais surtout ouvre les discussions sur la situation des femmes et sur la manière de percevoir la vie en général. Le livre fait beaucoup jaser et sera, avec le temps seulement, considéré comme un livre phare et majeur de la philosophie. Mais en 1949, il fait aussi scandale. Le Vatican le met à l'index, ce qui, avec le recul, reste le plus beau compliment à faire à un de ses livres. François Mauriac, détracteur de Madame De Beauvoir écrira aux Temps Modernes : "Maintenant, je sais tout du vagin de votre patronne". Claude Lévi-Strauss se trouve, en revanche, parmi ses admirateurs.
L'analyse de Simone de la condition féminine à travers les mythes, les civilisations, les religions, l'anatomie et les traditions fait du bruit. Quand elle parle de la maternité et de l'avortement, qu'elle ne condamne en rien, (l'avortement étant alors un homicide) elle bouscule les valeurs de l'époque. Sa condamnation du mariage la rend "trop" moderne aussi.
Elle a une liaison avec l'écrivain étatsunien Nelson Algren et en parlera, déguisé en fiction, dans son roman de 1954, Les Mandarins. Ce roman lui vaudra le Prix Goncourt et elle devient l'une des écrivaines les plus lues dans le monde. Algren n'endure pas le lien qui unit encore Sartre et De Beauvoir et la relation prend fin. De Beauvoir passe de 1952 à 1959 en compagnie de Claude Lanzmann. En 1958, elle commence à rédiger un premier récit autobiographique. Elle en rédigera 6 entre 1958 et 1981. En 1964, elle écrit même sur la mort de sa mère. On estime que c'est un de ses meilleurs écrits, puisque très très intime.
Elle développe au même moment une relation avec une jeune étudiante en philosphie. Sylvie Le Bon. Celle-ci deviendra sa fille adoptive et l'héritière légale de ses écrits et de ses biens.
Dans les années 60, elle publie deux autres romans, Mais surtout trois récits autobiographiques. En 1970, elle lance un essai sur ce qui s'en vient et sur ce qui fût. L'année suivante, elle rédige le manifeste des 343 en soutien à l'avortement. Elle co-fonde aussi le mouvement Choisir. Elle lance en 1972 un autre récit autobio, cette fois expliquant que sa relation avec sa fille adoptive (car les rumeurs courent) son semblables à celles qu'elle avait avec son amie Zaza, il y a 50 ans. La même année, elle lance un essai sur Sade. Ses essais sont très très courus. En 1979, elle retravaille et retitre le roman qui lui avait été refusé la toute première fois, il y a 30 ans.
Associée à l'oeuvre de Sartre, celle de de Beauvoir s'en différencie dans la mesure où elle aborde le caractère concret des problèmes existentiels soulevés et les applique plus souvent qu'autrement aux conditions de la femme et aux attitudes des hommes. Faisant ainsi réfléchir les deux sexes.
"La femme libre est seulement en train de naître" dira-t-elle alors. Ce qui est encore vrai à bien des endroits dans le monde. Même en France.
En 1980, Jean-Paul Sartre décède et De Beauvoir écrira les 10 dernières années qu'elle a vécu auprès de Sartre. Trop intime pour plusieurs. Avec un accès à une intimité qu'on aurait souhaitée plus privée.
Elle s'éteint à l'âge de 86 ans à Paris, où elle logeait depuis 1955. Entourée de Sylvie Le Bon et de Claude Lanzmann. Elle sera enterrée auprès de Jean-Paul Sastre au cimetière de Montparnasse.
Simone de Beauvoir, femme nettement en avance sur son époque, décédait aujourd'hui, il y a 30 ans, rue Victor-Shoelcher, dans le 20ème arrondissement.
"On ne nait pas femme, on le devient" sera l'une de ses citations les plus célèbres.
Et l'une des plus indiscutables.
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