Chaque mois, je vous livrerai ma vision d'un album tiré de ma collection que je considère tout simplement fort admirable.
Le titre de la chronique est inspiré de 4 albums qui sont intégral à moi "moi" musical et dont je connais le contenu note par note/mot par mot.
"Blonde on Blonde" de Bob Dylan
"The Idiot" d'Iggy Pop
"Low" de David Bowie
"The Unforgettable Fire" de U2
Les initiales en font aussi B.I.B.I., qui veut dire moi, mais qui pourrait aussi faire référence à la terminaison de mot habibi qui veut dire "mon amour" en dialecte arabe.
La musique est parfois une maîtresse de qualité.
Young Sinead was.
Irlandaise et rebelle comme moi, il n'en fallait pas plus pour que je succombe à cette charmante jeune fille de 20 ans, mon aînée d'à peine 5 ans, en 1987.
1987 est une année importante pour moi. Je vis quelques amours importants avec les femmes, mais surtout, je réalise peu à peu que mon avenir ne se passera pas dans le 418. Je flirte même avec l'idée de changer de pays, puisque le mien ne naît jamais. Ma génération n'a pas été baptisée X pour rien. On est prêt à passer par dessus et dans le 418, les perspectives d'avenir sont inexistantes à moins de travailler pour le gouvernement. Et nos parents y sont et ont tout juste la jeune quarantaine. J'irai explorer Victoria en Colombie-Britannique cet été-là, rencontrerai Coreen & Maria. Aurai bien du plaisir. En 1987, je serai un Homme. Avec tous ses bons et ses mauvais côtés. J'y ferai aussi la rencontre de Clo, qui changera ma vie à sa manière.
Mais je découvrirai aussi cette punk de Glenageary en marge de Dublin, chauve et désarticulée quand elle danse, mais aussi charmante comme un diamant brut.
Sinead O'Connor était formidable.
Remarquez la forme du passé.
Son tout premier effort sur disque, au tendre âge de 20 ans et excessivement enceinte, sera son meilleur à vie. Pas son plus populaire, le second le sera, mais son plus accompli à mon avis.
Son plus vrai.
Parce qu'elle y crachait ses 20 ans avec intensité.
Une intensité commune et séduisante.
Le Lion et le Cobra. Aucune tendresse chez la tigresse. Et pourtant...
THE LION & THE COBRA. 1987.
Dès le morceau d'ouverture, le crescendo est parfait. "Jackie" bien qu'un prénom plus féminin dans la langue anglaise, est ici appliqué à un mâle. Le Jackie-Oh scandé par Sinead rappelle "Roméo" un célèbre amant fataliste. Et fataliste est la splendide courte chanson.
Les Mandinkas sont des tribus africaines dont les femmes, lorsqu'adultes, s'offre sexuellement, non sans se soumettre au rituel de le dissection des parties génitales. Sinead découvre le milieu de la musique et ne le trouve pas intéressant du tout. Elle veut bien chanter, mais ne veut pas prendre part au cirque de la business et à ses pratiques sexistes. Elle le chante clairement. I have refused to take the part. Ce titre est le second extrait à être lancé en single. Rock, et vocalement harmonieux, c'est le premier que j'ai entendu et qui m'a aussitôt fait craquer et acheter la cassette. (oui, la cassette).
Le morceau suivant est très très intéressant. Musicalement plus riche que les deux premiers, il n'est pas moins intense. Écrit à quatre paires de mains, Sinead,le batteur, John Reynolds, le claviériste Mike Clowes et le bassiste Alistair McMordie ex-Stiff Little Finger. Excellent morceau qui n'a jérusalemien que le titre. Ce groupe formera l'essentiel du band de Sinead avec Marco Pirroni à la guitare, ex-Adam & the Ants. C'est toutefois Spike Holifield qui enregistrera la basse sur disque.
Sinead semble maintenant s'adresser à quelqu'un qui lui aurait parlé de la business, un(e) ami(e)? sa mère? une amante? un homme?. Elle lui dit en somme "Tu m'avais prévenue. Reviendrais tu dans ma vie, svp?". La pochette européenne montre en couverture une Sinead aussi intense que ses morceaux. En revanche, la pochette d'Amérique nous montrera, tiré de la même session de photos, une Sinead plus pensive, très jolie, et qui paraît aussi nettement plus douce. Co-écrit avec le virtuose du violon Steve Wickham.
Le titre de l'album est tiré de la Bible, les Psaumes, 91:13 qui dit "tu marcheras sur le lion et le cobra". Dans Never Get Old, Sinead offre un premier désaveu au catholicisme qui l'a élevé. Enya récite une partie du Psaume 91 en dialecte celtique (ou gaélique) en ouverture de morceau. Très beaux jeux vocaux. Enya revient en milieu de morceau, énigmatique. Tout juste avant que Sinead n'explose.
La face B s'ouvrait avec le premier single lancé pour promouvoir l'album. Bien que ce morceau soit à mon avis effectivement meilleur que Mandinka, c'est ce dernier qui aura le plus de succès en Amérique pour la faire connaître. Morceau extrêmement personnel qui parle à la fois des douloureux effets de la séparation de ses parents alors qu'elle était enfant, qui fait référence à un poème de Yeats et qui fait un lien avec Jeanne D'Arc, une idole sans surprise pour celle qui se brûlera sur scène quelques années plus tard. Brillant morceau qu,elle a refusé de jouer longtemps, Trop personnel.
Spike Holifield, Sinead, Clowes, Reynolds et Rob Dean, guitariste de Japan, ont écrit le morceaui suivant qui sera aussi le troisième single. Passion et luxure à son meilleur. Les paroles sont ce qu'il y a de plus simples et le morceau est son plus rythmé de l'album.
Le désir cède sa place au désespoir alors que Sinead signe son plus beau morceau à mon avis sur ce disque, mon préféré en tout cas, typiquement irlandais, l'histoire du dernier drink avant la fatalité. Crescendo encore. Nice. Les trois morceaux qui ouvrent la face B démontrent le grande force, et la variété, de la voix de la jeune punk.
J'avoue aussi beaucoup aimer le dernier morceau qui traîne une lourde guitare, celle de Kevin Mooney qui a aussi co-écrit le morceau avec sa partenaire Leslie Winer, ainsi qu'avec Sinead qui n'a jamais eu la voix plus douce, sans en déroger, que sur ce morceau. Comme si elle avait voulu nous quitter en douceur après la rage. Mais non pas sans la pesante guitare.
Pour irlandais, punks, amateur de voix douce habillé de rage. d'allégories lyriques, d'images de guerre, de dragons vaincus, de fantômes et de désirs électriques.
Là fhéile pàdraig sona dhaoibh.
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