C'est une chorégraphie théâtrale fort attendue chaque année et l'un des faits saillants de la saison politique annuelle en Russie.
La tribune téléphonique annuelle de Vladimir Poutine à son peuple.
Les gens le questionne en "direct" et Vlad, homme du peuple, répond.
C'est une comédie de grand burlesque. Popov de retour au pays.
Jeudi dernier à midi, Vlad a répondu, comme à chaque année à sa traditionnelle ligne ouverte, un marathon de 4 heures de questions sur à peu près tout. Il a répondu à des questions du web et à des messageries textes, en provenance de 11 zones de Russie et de 85 régions.
Opération de relations publiques nettement contrôlée, aussi spontanée qu'un geste de joueur d'échec, plus de 3 millions de questions ont été "filtrées" pour en faire passer au final quelques 150 jugées stables et non compromettantes.
Ainsi aucune question du genre "M.Poutine, mon fils est parti avec l'armée en Ukraine il y a 11 mois et nous n'avons plus jamais eu de nouvelles de lui, que se passe-t-il?"
Du terriblement trivial au très politique (mais en communion avec l'agenda de Poutine) on lui a demandé des choses bêtes comme:
"M.Poutine, nous voulons offrir un chien à une amie, mais son mari n'aime pas tellement les chiens, que faire?"
Et le plus sérieusement du monde Vlad répond "Dites à votre amie de faire semblant qu'elle ne veut plus de chien et quand ça viendra d'un couple d'amis, il ne pourra refuser"
Poutine, conseiller psychologique, Poutine courrier du coeur, Poutine clown.
Cette opération de marketing politique vise à montrer que Vlad est aussi un homme simple, capable de traiter de sujets très terre-à-terre. Un Russe comme les autres au fond. Mais aussi un Russe nettement différent. C'est le chef. C'est celui "qu'on aime" à 80% en Russie. Qui a l'approbation "de tous". Il ne s'enseignait pas de cours d'empathie au KGB quand Vlad s'y trouvait mais il a tout de même réussi à s'en fabriquer une tête, qu'au moins le peuple Russe, croit, parfois, apathique.
Mais il y a aussi eu des échanges tout ce qu'il y a de plus sérieux. Sur l'économie beaucoup. La crise économique frappe sévèrement le peuple Russe et Vladimir y a été de discours optimiste afin de rappeler que les Russes étaient des gens endurants, résilients et que le pire est maintenant passé. Rien pour prouver ses dires, mais qui dirait le contredire? Le rouble, qui avait perdu plus de 50% de sa valeur a repris un peu du gallon, et le pétrole aussi. Mais rien pour crier victoire.
Même si le lien est direct entre la chute économique et le conflit en Ukraine, Vladimir, sans rire toujours, et sans son nez de clown rouge a répété, "Qu'il n'y avait pas de troupes Russes en Ukraine". Les rires en cannes ont été bannies des ondes télés mais pas mal tout le monde les as entendus quand même. Et comme il n'y a jamais de sous-questions ou de relance de question, la tribune a la chance de faire passer un sujet assez rapidement. Rappelons que les Russes ne reconnaissent en rien l'Ukraine. Ukrainien=Russe. Point à la ligne. Et outre une minorité de courageux démocrates et quelques Pussy Riots, publiquement, presque tout le monde est d'accord avec cette équation des choses en Russie. L'Ukraine n'existe pas, elle n'est qu'un repaire de fascistes pro-occidentaux.
La méthode "coup de fouet" est aussi resortie.
Vlad a dit, toujours sans rire, que les sanctions font du bien. On parle des sanctions étrangères sur la Russie en réaction à ce qui se passe en Ukraine. On coupe les sous, on coupe les importations, on fait plonger l'économie et Vlad trouve du bon.
Ça nous force à nous débrouiller.
Très vrai quand on y pense, mais est-ce que ça marche vraiment en ce moment?
Pas de sous questions j'ai dit.
La Russie exporte mais importe 100 fois plus. Et présentement presque plus car punie par l'international. Depuis la crise en Ukraine, l'Europe et l'Amérique n'envoient presque plus rien en Russie.
"Tragique et honteux, je ne sais pas si on trouvera un jour les commanditaires, si commanditaires il y a" a-dit Vladimir, retenant un fou rire, au sujet de l'assassinat de Boris Nemtsov à quelques pieds du Kremlin.
Ah ces vandales du vendredi soir en Russie!
Dans les années précédentes cette loufoque tribune a offert de petits bijoux comme ceux-ci:
-Une femme lui demande (sans rire) si un jour la Russie annexera l'Alaska. Vlad lui répond qu'il fait déjà assez froid en Russie, pas besoin de plus au Nord encore. N'y pensez pas. (roulement de batterie, cymbale)
-Ed Snowden, refugié notoire sur le territoire, lui demande si la Russie conserve et analyse des communications espionnes comme le faisaient les États-Unis. Vlad lui répond "Tu es toi-même un ancien espion, je l'étais aussi, nous parlons donc le même langage. Sur la scène locale comme internationale, nous ne permettrions jamais une telle chose" (Tartes à la crême)
-Quand on lui demande si il pense se remarier après son récent divorce, il répond "je dois d'abord me séparer de l'autre avant de m'unir à une autre, et je dois penser à moi un peu" traduction libre : "pourquoi une seule femme quand je peux toutes les avoir?"
-Quand quelqu'un lui demande vaguement "Quand tout ira bien?" il répond vaseusement: "Les gens qui aiment boire de la vodka ne boivent pas toute la bouteille, mais ils y aspirent. C'est comme ça qu'il faut voir les choses. Rien ne sera jamais parfait, mais il faut y aspirer.
Vladimir, bouffon.
Beautiful, grotesque.
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