Quand Bob Dylan, alors Robert Zimmerman. arrive à l'Université du Minnesota en 1959, il trempe nettement sous l'influence des poètes et des écrivains de la beat generation: Corso, Ferlinghetti, Ginsberg et surtout Jack Kerouac.
Ce dernier a publié un an auparavant une courte fiction semi-autobiographique racontant de manière difuse ce qu'étaient en fait les "beat". La nouvelle s'appelle The Subterraneans. Quand il compose 5 ans plus tard Subterranean Homesick Blues, ce titre de Kerouac loge dans son inconscience depuis un certain temps.
Dylan est au sommet de son art en mars 1965. Depuis deux ans, tout ce qu'il touche se transforme en or. On le taxe d'être la voix de sa génération. Quand il chante Blowin' in the Wind, tout le monde s'entend penser. Quand il chante A Hard Rain's Gonna Fall, tout le monde frémit en même temps. Dylan, en fin observateur, saisit parfaitement son époque.
Mais si il est excellent lecteur, il se ne se veut pas du tout conférencier ou leader d'un mouvement social. Il ne veut que faire ce qu'il aime le plus au monde: de la musique. Le plus simplement possible. Il trouve qu'il y a beaucoup de mélasse dans laquelle se coller les doigts dans la cuisine des mouvements sociaux auxquels on veut l'associer lui et sa musique. Il a envie d'un autre type d'alimentation mentale et sonore. Il n'y a pas si longtemps il était "souterrain", anonyme, libre. Aujourd'hui, on suit ses moindres faits et gestes, on étudie ses textes, on scrute sa vie privée, ses propos sur scène et dans les coulisses, Dylan étouffe. Il est nostalgique (homesick) de cette période où il pouvait faire à peu près n'importe quoi sans être scruté par quiconque.
Subterranean Homesick Blues ouvrira l'album Bringing It All Back Home. Lancé en mars. le titre de l'album aurait dû déjà servir d'avertissement pour ceux qui l'écouterait, que le son serait celui du VRAI Dylan. La direction de Zimmerman. Un son aussi électrique (la face A) qu'acoustique (la face B). Ça n'empêchera pas le "scandale" futur de se produire. (plus de détails là-dessus en juillet).
Dylan s'ennuie de la culture underground dans laquelle il pouvait se fondre discrètement. Il est devenue trop big maintenant pour frayer avec Johnny qui "cuisine sa médecine". Bob se décrit comme "celui qui pense au gouvernement" et il ne décrit presqu'aussitôt les travers avec ce policier corrompu qui veut sa part de ce qui se cuisine et demande 11 dollars quand il sait que vous n'en avez que 10$ afin qu'il ferme les yeux sur vos activités tout aussi croches que les siennes. Dylan traite de l'hommerie.
Maggie fait une première apparition peu de temps après dans cette première chanson, alors qu'elle lance une série d'avertissements sur les potentielles descentes à venir de la part des autorités. You don't need a weatherman to tell you where the wind blows. (Première allusion à l'idée de se tailler une opinion soi-même et ne pas attendre qu'on leur suggère des idées.)
Get sick (en manque de drogue) Get well (drogué) Hang around a ink well (entre amis junkies) Ring bell (commande ton matériel) hard to tell if anyhting is goin' to sell (du point de vue du pusher) Try hard get barred (en essayant trop fort, tu te fais coincer)
Plus loin But users, cheaters six-time losers, hang around the theaters, girl by the whirlpool, lookin' for a new fool (les paumés drogués et les dealers, les pimps et les putes de la 42ème rue à NY) Don't follow leaders , watch your parkin' meters. Dylan veut se débarrasser de cette étiquette de porte-parole de sa génération et il suggère encore aux gens de surveiller leur temps (leur époque) eux-mêmes.
Look out kid, they keep it all hid (Dylan prévient encore que cet "ami" le gouvernement n'en est pas un)
don't wanna be a bum, you better chew gum ( ne pas devenir un bum en mâchant de la gomme: tout comme la gomme ne devrait pas s'avaler, un emploi (ce sur quoi Dylan disserte tout juste avant dans le même segment) ne devrait peut-être qu'être temporaire (comme une gomme) ou être imposé (avalé)) Keep warm (au travail, un temps) get born (libéré de ce travail et maintenant allumé ailleurs).
Comme Dylan s'inspire ouvertement d'une chanson de Chuck Berry pour la mélodie, il lui fait un clin d'oeil quand ce dernier parle d'une station service (vers 2:22). Dylan s'en amuse avec la ligne The Pump don't work 'cause the vandals took the handles et se moque de cette ligne dans le clip en plaçant un "What?" suivant la ligne sur cue cards tenue par Dylan.
Dans cette année de déclaration d'indépendance pour Dylan d'avec la communauté folk, il ramène Maggie deux chansons plus loin dans un titre plus droit au but encore : Maggie's Farm.
Faisant directement référence à la ferme de Silas McGee où Dylan y avait chanté Only a Pawn in Their Game quelques années plus tôt dans la foulée de la montée des mouvements de droits civiques, Dylan se repositionne lui-même maintenant dans cette chanson comme le "pion" de la communauté folk.
It's a shame how she makes me scrub the floor. No I ain't gonna work for Maggie's farm no more.
Il s'en prend aux promoteurs qui veulent le contrôler comme une marionnette (Fining you when you slam the door), aux militants paranoïaques (Whose window is bricked over) aux "phonys" (She's 68 but she says she's 24 (sur disque, en spectacle: 72 et 24))
Dylan se sent tout à fait dans une camisole de force (They say "sing while you slave, & I just get bored"). Il soutient qu'il a la tête pleine d'idées mais que plus vous voulez être vous-même, plus ils veulent que vous soyez comme eux (Well I try my best to be just like I am, but everybody wants you to be like them) Dylan ne se trouve pas de qualités en commun avec les amateurs de folk.
La chanson causera tout un émoi en juillet 1965. Nous y reviendrons le 25 juillet prochain.
Il y a 50 ans était lancé en mars le 5ème (et fameux) album studio du grand Bob Dylan.
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