samedi 12 juin 2010
Ils Étaient Dix...
"J'ai de la misère à comprendre ses crétins" se disait Shuo Yin de son cubicule.
"Les journalistes qui ont sorti l'histoire dans les journaux...Nous sommes plus de 300 000 à travailler chez Foxconn et ça trouve le moyen de se plaindre? Nous sommes une ville en soi, un pays même. Onze tentative de suicides en cinq mois. 13 depuis le début de l'année. 10 qui ont réussi leur passage vers la mort.
C'est certain qu'on aura de la pression, nous sommes le Mac Mini, le iPod, le iPad, le iPhone, les ordinateurs Dell, les cartes maitresses HP , la Wii, le Xbox 360, le Playstation 3, Amazon kindle et les équipement pour Cisco. Peut-on être plus branché sur le monde que ça?. NOUS SOMMES LE MONDE. Si Tian est morte en se plaignant du traitement inhumain que ses supérieurs lui réservait. Elle a été la première à partir. On en a pas fait un plat. Sur 300 000 personnes, un désaxé ça se trouve.
C'est même normal.
Puis il y a eu Iwasaki Eiji. Celui-là a fait plus mal. Il était aimé et respecté Iwa. Avec nous depuis 40 ans. Mais bon, il ne pouvait plus supporter le manque de compassion des dirigeants à l'égard de ses 58 ans.
Quand Ye Zhang s'est tiré en bas du 17ème étage, la mort est devenue à proximité. Cette fenêtre on la connaissait. On la voyait tous les jours. C'était chez nous. Ça a donné envie à Yan Zenjirô de faire la même chose deux semaines plus tard.
Nous qui travaillons dans l'industrie du divertissement international, cela fait drôle de voir autant de mort autour mais bon.
Les dirigeants l'ont dit et répété, quand Angel Zhang est mort, les méthodes de gestion de crise dans la compagnie vont changer et non seulement ont-ils supposément enrayé les problèmes de dépression dans la région grâce à nos produits mais ils ont de plus investi dans des projets gouvernementaux, dans des taxes scolaires et des infrastructures à saveur familiale.
Ce n'est pas tout le personnel qui a une bonne éducation et le décès de Sean Ma était de ceux qui ont préférés embrasser la mort au lieu de continuer à avoir peur du lendemain. Je ne sais pas si il est mieux là où il est maintenant. Lui qui n'avait rien avant de travailler pour nous. Pas même une deuxième année. Et Marine Shen savait-il ce qu'il faisait quand il s'est fait hara-kiri? Si il voyait sa mère et son père qui en était si fier, pleurant tous les jours, referait-il la même chose?
Notre département a été affecté mais Lilian Zuo a survécu quand elle s'est ouvert les veines. Ça me fait pas mal plus de travail par exemple.
Des journalistes ont essayé de nous interviewer sur le sujet car la mort de Shawn Loew, la huitième, leur est venue aux oreilles. Une poignée d'employés choisis scrupuleusement par le management a été choisi pour se faire interviewer mais rien n'en est sorti de concluant sinon trop d'heures de travail impayées et une rigueur quelque peu intransigeante mais bon, this is 2010.
Robin Cheng an avait assez d'être taxé de 100 RMB par minute (le salaire est de 1000RMB par mois)quand il était en retard. Il habitait loin et le trajet ne se faisait pas bien toute l'année à pied. Quand on lui a dit qu'il serait suspendu un mois si il ne travaillait des heures supplémentaires impayées il a préféré se pendre. Il n'arrivait plus à envoyer de sous à sa famille de toute façon. La vie était devenue trop difficile, la mort serait peut-être plus facile.
Le salaire du premier mois est gardé comme un dépôt sur l'uniforme de la compagnie que nous devrions remettre lorsque nous quittons la compagnie. mais je ne connais personne qui a reçu le plein montant car il y a toujours quelque chose qui cloche avec l'uniforme. Le mien a deux écorchures aux coudes, je peux déjà dire adieu à ce 1000RMB.
Les deux journalistes qui ont sorti l'histoire dans les journaux. Ils ont l'air fin maintenant. Leurs avoirs ont été saisis par le gouvernement et leur vie personelle est quelque peu bousculée depuis par des visites impromptues de gens pas tellement gentil chez eux. Ils ne travaillent plus ni l'un ni l'autre non plus. On ne les tient pas en laisse mais pas loin.
Quand Ruzicka Chan a foncé dans un mur avec sa voiture foncant à vive allure, on a d'abord cru à un accident mais la note qu'il avait laissé sur le banc du passager ne faisait aucune équivoque. Il voulait en finir.
Mais Wanita Jian...la belle Wanita...elle n'avait pas le droit. Elle avait tout. Elle ne comprenait pas tous dialectes des employées de son rayon mais son tourment pouvait-il être relié au viol qu'elle avait subi de la part de son patron l'an dernier?.
Dix...dix soustractions à la vie.
Onze...c'est beau onze. Deux lignes parrallèles. Comme deux tours jumelles.
Deux échelles vers le ciel.
Je serai le onzième pensa-t-il en buvant son verre d'antigel.
Mais je serai vaillant. Assis à mon bureau. Propre.
Même dans la mort."
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