J'avais 13 ans. Comme peu de gens de mon âge allaient assister à de shows rock dans les arénas, mes parents n'étaient pas friands de l'idée. Eux qui m'avaient acheté successivement les cassettes d'Iron Maiden en 1983 et de Twisted Sister l'année suivante, la crainte plein le regard, ils avaient superviser mes deux premiers achats "tout seul", avec mon argent de camelot, soit The Dream of The Blue Turtles de Sting et Reckless, de Bryan Adams. Les deux artistes les avaient rassurés.
Mais Bryan, plus rock, pas assez pour que je me rendes seul sur le parterre du Colisée de Québec. Ce que je ferai quand même, au final. J'achèterai des billets et mon père en achètera un lui aussi, afin de rester au loin, à l'arrière, et garder un oeil sur moi, à distance. J'étais beaucoup plus loin, ébloui par ce que je vivais. Sur un nuage. J'étais parmi les plus petits ce qui me permettait de me faufiler et parfois d'être tout simplement plus près des cuisses de "jeunes" filles (plus vieilles) qui me faisaient rêver. Ce soir de septembre était une soirée magique où j'étais si aveuglé par ce qui se passait sur scène et autour que j'en avais oublié le père dans le fond du parterre et j'ai eu du mal à le retrouver vers la fin, même si on c'était donné un point de rencontre. Ça voulait aussi dire qu'il m'avait perdu de vue. J'en ferais un sport. Garder le regard de mes parents loin de ce que je fais.Après Adams, il y en a eu tout plein. Marillion/Rush, Honeymoon Suite, Maiden (et un mort tombé d'une passerrelle du Colisée), Bob Dylan dans le Vieux-Port (révélation), Billy Idol, The Cult, Rod Stewart, Platinum Blonde, Bon Jovi, Def Leppard, Roger Waters, David Bowie, Duran Duran ça, ce n'était qu'à Québec. À Montréal, travaillant pour un magasin de musique, j'en verrai le triple sur plusieurs années et presque toujours gratuitement.
C'est peut-être ça qui m'a gâté. Pendant plus de 15 ans, aller au Festival d'Été de Québec était gratuit. Mais la programmation était aussi si peu d'envergure qu'il aurait été honteux de charger quoi que ce soit à quiconque. D'ailleurs, quand le FEQ a commencé à rendre l'accès aux spectacles payants, on était plusieurs à refuser de le faire. Jusqu'à ce que non seulement on le fasse, mais qu'on achète nos passes AVANT de connaître la programmation. Il y a certes une année où on a été béni. En 5 jours on avait des soirées de spectacle qui nous plaisaient à 100%. De mémoire, il y avait Rush, Black Eyed Peas, Arcade Fire, entre autres. Dans les plus mémorables, hors festivals, Another Roadside Attarctions, Amnesty International Tour, Midnight Oil, U2 à l'hippodrome, Roger Waters-The Wall sur les plaines d'Abraham, tout à fait en avant, The Cure, Gogol Bordello, Bryan Ferry, Emilie Simon, Ladytron, Luna, Duran Duran again, les Stones, Neil Young, Peter Gabriel, Tribute to Bowie.Il m'a même semblé que ça deviendrait dur d'accoter l'impact des derniers spectacles vus, entendus et vécus tellement c'était toujours de mieux en mieux.
Jusqu'aux deux trois dernières années. Où le prix des billets est devenu tout simplement inabordable. Tout est acheté très rapidement, dans la première heure d'ouverture des ventes, très souvent par des revendeurs qui vont revendre le double du prix initial.Ça ne fait pas que me choquer, ça irrite aussi certains artistes, comme Robert Smith de The Cure, qui a racheté autour de 700 billets de racheteurs, après les avoir critiqués et donné l'argent à Amnistie International. Acceptant du même coup de jouer devant moins de monde.
Appeler une entreprise ou un commerce quelque part est quelque chose dont il faille aussi faire le deuil depuis plusieurs années. La deuxième barrière étant maintenant le prix, j'ai du faire le deuil récent de Genesis, Depeche Mode, The Cure.
On essaie Coldplay depuis longtemps, même à l'étranger, pas faisable. Elton John quelques 10 ans avant, pas possible sans hypothéquer la maison.Cette année, on a encore acheté des passes pour le FEQ, à l'aveugle. 3 cette année au lieu de 4 (que nous sommes dans la famille) Je me suis retiré. Car depuis quelques années cette 4ème passe, la mienne, ne sert que 2 fois. Ça fais cher le show.
Je ne me trompais pas. Quand la programmation a été lancée, sur les presque 100 artistes, il n'y avait RIEN pour la génération X. 5 artistes au total qui ont offert du matériel dans les années 60, 70 ou 80, dont plus de la moitié sont Québécois, dont généralement plus facile d'accès.
C'est quand même 30 ans de musique pas vraiment représentés. Oh bien entendu j'aime de la musique de toute les époques, la direction de la musique dans les années 90, un peu moins, mais mes listes de lecture des années 2000 à nos jours sont généreuses et, outre, 2021, 2022 et 2023, toutes d'au moins une heure et demi.Mais voilà, si j'avais acheté j'y aurais été le 14 (pour Alvvays et Dumas) et le 15 (pour Lana Del Ray et les Hay Babies). C'est tout.
Mais cette année, je serais aussi allé voir The Cure et Depeche Mode.
Mais ce n'est plus pour moi ces portefeuilles gonflés à l'hélium.
À 51 ans, je me retire un peu contre mon gré du marché des concerts de musique.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire