Le Sort Des Femmes

Je le concède, j'étais de ceux qui disaient haut et fort, pratiquement tous les 8 mars, que le jour des Femmes (sic) était un jour comme les autres. Je me trompais d'emblée sur la dénomination du jour. Il s'agit de la journées DES DROITS des Femmes. Qui oui, ici, au moins, sont les mêmes que ceux des Hommes presque partout en tout. 

Je ne m'attendais pas à faire quoi que ce soit de particulier. Une Femme, ça se fête toute l'année. 

Puis j'ai entendue la très souvent formidable Sally Folk. Je l'ai entendue. Je ne suis plus le même. 

On te cacherait sous une burka, tu serais en scène dans une partouze, et dans certains coins du monde, tu serais fille et épouse. on ne te laisserait pas marcher seule, tu serais la possession de l'homme, et après l'avoir mis au monde, tu le craindrais tard dans la nuit. De la naissance jusqu'à la mort, les Femmes ont livré un combat, et parfois quelques héritières ne le reconnaîtront même pas. Et tu diras qu'à tous les jours, tu fêtes la journée de la Femme. Pourtant on peine à se souvenir, toutes ses luttes, et ses drames, ne l'oublie jamais, ma chérie, qu'une nation n'est remarquable que lorsqu'elle tient en son coeur, le sort des Femmes. Le droit de vote, l'éducation, jusqu'au congé de maternité, sont des acquis qu'on a ici, impensables dans d'autres pays. On te traiterait de meurtrière si tu refusais d'être mère. On te regarderait de travers, si tu avais plus d'un partenaire. On t'urgerait dans le mariage sous peine de vivre en décalage. On ferait de ta condition, un obstacle à tes ambitions. Tu me diras qu'à tous les jours, tu fêtes la journée de la Femme, pourtant on peine à s'en souvenir, toutes ses luttes et ses drames, ne l'oublie jamais, ma chérie, une nation n'est remarquable que lorsqu'elle tient en son coeur, le sort des Femmes. 

Oui.

Partout. 

On oublie facilement l'immense privilège qu'ont les Femmes d'être de ce côté du globe. Ce qui rends plus irritant encore d'en voir parler d'être privées de liberté par les mesures sanitaires. 

Hier matin, j'entendais, à la radio, la chroniqueuse Eugénie Lépine-Blondeau qui semblait s'agacer légèrement du fait que l'animateur masculin Patrick Masbourian fasse un aparté en saluant mesdames d'abord en cette Journée du Droit des Femmes, répliquant avec une certaine impulsivité: "C'est aussi tous les jours, Patrick". Bien entendu. Ici. Mais pas partout, même ici. C'est probablement inconscient comme charme local, au Québec, dans l'esprit des immigrantes, mais ici, elles ont l'égalité des chances presque partout. C'est encore loin d'être parfait, mais cette égalité des chances est une grande porte ouverte dont le bois a été largement travaillé sur quelques générations. Mais pas tant non plus. 

Ma mère, qui a 73 ans, ma belle-mère, 75, ont connu de très nombreux styles de vie féminin de leur vivant. Qui n'a que 3/4 de siècle. Les deux ont connu cette époque où il fallait demander la permission à son mari pour s'ouvrir un compte de banque. Les deux ont eu des mères qui signaient parfois, Madame Ferguson Jones ou Madame Jeremy Fingling. S'effaçant à 100% l'identité.  C'est tout simplement formidable qu'un petit peuple comme le nôtre soit en mesure d'avancer si vite au niveau du respect d'autrui.

Ce qui rend aussi encore plus irritant de lire certains passages sur Twitter.

Il y aura toujours des dernier(e)s de classe. Twitter n'était pas le moyen de communication préféré de Donald Trump pour rien. 

Ma conjointe a acheté, il y a plusieurs jours, le même cadre qu'il y a trois ans, qu'elle trouvait tout aussi beau. Une assez belle peinture, il va s'en dire, mais qui est sur une toile faite sur le long. Soit en longueur ou à l'horizontale, mais chez nous, tout comme dans notre ancien chez nous, la toile ne cadre nulle part. N'apprenant pas de la première fois, elle n'avait pas plus calculé du gallon où ceci pouvait aller. Avant-hier, alors que je couche, plongé dans mon livre sur Joy Division, elle me lance:

"Hey!!! 'faut que j'aille retourner mon cadre avant mercredi sinon ils ne rembourserons pas!".

Aujourd'hui, on est tous les deux forts occupés. 

"O.K. On...On dirait que tu me dis ça, pour me passer un message..."

"oUIN tu peux tu y aller demain svp, je finis tard...?" (yeux de colibris voulant faire cui-cui)

Ça a beau faire 30 ans qu'on s'aime, elle ne comprends toujours pas mon aversion totale pour les retours.

"Tu sais que si c'était moi derrière le comptoir des retours..."

"JESAISjesaisjesaisDieumercitun'estplusderrièrecescomptoirsderetours, merci mon amour!"

Christ que faille que je l'aime. 

Oui, le con, cède. Ça allait toute la construction de mon être. Mais je l'ai fait. L'ai retourné. 

Bénies sois toutes les Femmes. 

Mot que j'écrirai le plus souvent possible, avec un F majuscule. 

Jusqu'à ma mort.