On l'appelait "la picote" ou "la petite vérole".
C'était en fait, la variole.
En mars, Honoré Beaugrand est élu maire de la Ville de Montréal avec la promesse de régler le trop sérieux problème d'hygiène de la Métropole. Ce qui était la critique principale contre les leaders précédents et dont l'inaction face au problème leur a coûté le pouvoir. La variole sévit depuis plus de 10 ans, à Montréal, mais pas rageusement. W.H.Hington est maire de Montréal de 1875 à 1877 et est aussi médecin. C'est lui qui lance la campagne de vaccination obligatoire, dès 1876. En 1885, il est nommé Président du Bureau d'Hygiène Publique de la Province de Québec.
Le virus de la variole fait des victimes principalement dans les villes près de l'eau, dont Montréal. Les Québécois prennent du temps à se sentir concernés, n'habitant pas tous Montréal. De plus, l'Église, qui détient un pouvoir moral démesuré sur le peuple d'alors, tarde longuement à donner son aval à la vaccination dite obligatoire. Et en 1885, les décès sont encore rare. Voilà 4 ans qu'on a pas encore répertorié un seul cas de variole. La presse de la vaccination n'est donc pas spontanée. Si chez les anglophones, alors, souvent plus riches, la vaccination va non seulement bon train, (et chez qui le virus tuera aussi beaucoup moins) chez les francophones, on traine sérieusement de la patte. Face à un mal invisible, à l'inconnu, ce qui inclus le vaccin, on s'oppose à la seringue et au procédé forcé. On crie à l'atteinte des droits et libertés. On redoute davantage le choléra.
Pourtant, quand un cas de variole est hospitalisé à l'Hôtel-Dieu de Montréal, on choisit de ne retenir que la pleine guérison du malade, sans vouloir retenir que deux infirmières qui l'ont traité meurent de la variole contractée auprès de lui trois semaines plus tard. Entre le 10 et le 15 avril, plusieurs autres cas de variole sont déclarés à l'Hôtel-Dieu, ou chez des gens y ayant séjourné ou côtoyé des patients/employés.
La variole humaine se transmet par voies respiratoires, par les postillons, la salive) et par contact direct de peau à peau. En effet le/la contaminé(e) voit sa peau de fendiller très très légèrement et les lésions, si touchées, trouvent leur chemin chez vous, si vous les touchez. Jusqu'à 14 jours plus tard, on a de la fièvre, des maux de tête, des étourdissements, on se sent faible physiquement et mentalement, on a mal au dos sans explications, on a parfois des douleurs abdominales et des vomissements. La température corporelle chute et parfois on a des boutons sur la peau. Le visage, les mains, les bras, ce qu'on touche le plus soi-même et qui touche le plus aux autres.
Le virus serait né il y a des millénaires, au Nord-Est de l'Afrique, en Chine, et dans la vallée des Indus à partir d'un virus animal, transmis au humain, qui aurait mis des milliers d'années à devenir franchement dangereux pour l'Homme.
Même si 16 cas sont déclarés, tous en lien avec l'Hôtel-Dieu, on vide massivement l'hôpital, on lave et désinfecte méticuleusement et on pense avoir vaincu la variole dès le 24 avril. Les journaux annoncent même la fin de l'épidémie. Les opposants au vaccin n'en sont que plus satisfaits et invente même de nombreux effets secondaires afin de justifier leur décision de ne PAS se faire vacciner à prime abord. Dès médecins un brin charlatan s'opposent aussi au vaccin pour se gagner de la nouvelle clientèle. ça n'aide en rien. La vaccination obligatoire est suspendue. On ferme l'Hôtel-Dieu qui ne s'améliore pas. On se contredit sans arrêt. Le mal semble loin.
Pas du tout. Il veille.
La ville est toujours extraordinairement sale et ça inquiète quand même un peu. Des nouveaux cas se déclarent début juin, mais on les cache, les tait, et même les infectés ne veulent pas se rendre aux hôpitaux. Fin juin, 13 nouveaux morts de la variole. Malgré tout ça, on célèbre la fête nationale, le 24, avec même un grand défilé dans le village de Saint-Jean Baptiste, le 22. Le docteur Bessey réussit à créer un vaccin qui enraye le virus à 90%. Mais il ne parle aucunement français, et ça n'aide en rien les francophones qui ne veulent pas comprendre que le vaccin, aide vraiment. Les francophones, tout aussi largement ignorants de la langue anglaise, sont méfiants des anglophones. Et ne leur font pas confiance du tout. On leur trouve des défauts graves inventés aussi.
Fin août, plus de 250 victimes, mais les journaux francophones ne sont pas inquiétés. On titre même "Qu'il n'y a pas d'épidémie". La presse francophone accuse la presse anglophone de sentionnalisme. Le clivage linguistique est certain.
Ce n'est que lorsque des clients et hommes d'affaires étrangers annulent leurs passages prévus à Montréal que les gens commencent à réaliser qu'en dehors du bocal, il y a aussi de la vie.
On commence à exiger des preuves de vaccination afin d'aller ici et là. Pour freiner la contamination.
Dans la semaine du 5 septembre, on franchit la barre des 100 morts et on est à 128 dès la semaine suivante. le 19 septembre, 184, le 26, 245.
Des comités, avec Honoré Beaugrand en tête, se forment pour mettre en place de plus intelligentes stratégies afin de convaincre la francophonie qu'il y a bien mortelle épidémie, sans vaccination. Le 28 au soir, des manifestants anti-vaccin se regroupent devant un centre de vaccination majeur de la Métropole. On lance des pierres et brise des vitrines. On marche jusqu'à l'Hôtel de Ville et on ravage les pharmacies vendant les vaccins. On saccage la maison d'un Lachapelle que l'on croit docteur, mais il s'agit d'un autre Lachapelle, un pauvre innocent. Des menaces de mort sont faites contre le médecin de la santé publique. On se rend au bureau du conseil de la Santé et on tente de l'incendier. Vers 1 heure du matin, on dégrise de la folie. Plusieurs émeutiers n'auront retenus que les francos vs les anglos. Les pauvres vs les riches. Ce sera une émeute importante impliquant des milliers de Montréalais.
Du 1er au 16 octobre, 624 nouvelles victimes. Pas des cas, des morts. 818 en comptant les banlieues sud et nord de Montréal. L'église est toujours vacillante sur le vaccin, mais surtout rassemble beaucoup les gens, ce qui inquiète davantage. On craint les foyers de contamination. On veut fermer les églises, mais non, on ne le fera pas, le désordre n'en serait que plus grand.
Début novembre, le 2, on est à 1284 morts juste à Montréal. Le 16, après 6 mois en prison, à Régina, Louis Riel est pendu par le gouvernement de John A. MacDonald. Les Québécois sont stupéfaits et horrifiés. Son assassinant unit davantage les francophones. Tous les soirs, on manifeste. On brûle l'effigie de John A.MacDonald. On ne se rapproche en rien des anglophones de Montréal. Et vice-versa.
Fin novembre, on dénombre 631 morts à Montréal et on pense alors que tout ça se termine. On veut encore moins des vaccins. Un hôpital découvre que seulement 128 de ses 957 patients sont vaccinés. Mais on ne croit pas encore à la vaccination ni à l'isolement. On rendra le vaccin gratuit (qui ne l'était pas encore), ce qui aidera en masse la vaccination.
Au final, 3164 personnes y perdront la vie. Sur une population de 168 000 habitants. 2717 de ceux-ci sont des enfants de 10 ans et moins. Les quartiers les plus pauvres et sous-éduqués francophones sont les plus touchés, avec 66% des victimes. 83% des cas mortels sont des francophones non vaccinés.
Ça vous rappelle nos 17 derniers mois, au Québec?
89% des cas d'hospitalisations actuels, au Québec, souffrant de la Covid, sont des gens une seule fois vaccinée, ou pas du tout.
L'histoire se répète.
On dit qu'on évolue...mais bon...pas tout le temps tant que ça.
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