Chaque mois, vers le milieu, je vous offre la dissection d'un album de musique pigé dans mes disques personnels et je tente de vous expliquer en quoi il me touche.
Le titre de la chronique est inspiré de 4 albums qui font partie de mon ADN et que je connais note par note. Mes 4 albums fétiches:
Par ordre de création:
"Blonde on Blonde" de Bob Dylan
"The Idiot" d'Iggy Pop
"Low" de David Bowie
"The Unforgettable Fire" de U2
B.I.B.I c'est bibi, moi. C'est aussi la terminaison de habibi qui veut dire en dialecte irakien "je t'aime".
La musique est une maîtresse qui ne blesse personne. Elle touche.
En ce mois de la fête nationale, je pige local. Westmount, Côte-Des-Neiges, Rue St-Laurent, Quartier Juif.
Plus jeune, la poésie ne m'a jamais séduite. Même si j'en écris depuis que j'ai 14 ans. J'ai toujours trouvé que c'était une certaine guimauve dans une cuisine de produits naturels.
De nos jours, c'est le contraire. Plus je vieillis, plus je suis séduit par le country, le folk, la poésie. Y a encore une tonne de guimauve en poésie, mais de la confiture collante et sucrée, y en aura toujours dans tous les domaines.
Cohen ne m'a pas séduit par la poésie. Il m'a séduit par son calme. Et ce, dès l'école secondaire. Son ton, doux et à la fois Dylanesque, ce qui pouvait en irriter plusieurs. Et Cohen et Dylan partageaient John Hammond d'ailleurs. Dylan accusera Cohen de lui voler ses musiciens de studio et de tournée et ses producteurs par la suite et gardera une certaine acrimonie envers le petit gars de Westmount.
En 1966, Hammond débute les sessions studios du poète et jeune écrivain qui avait déjà joué de la guitare dans un band western appelé les Buckskin Boys, adolescent. Leonard a 32 ans. Il sait ce qu'il veut, mais il sait aussi ce qu'il ne veut pas. Voulant se rendre à Nashville afin de devenir un chanteur country, il reste toutefois à New York et plonge dans l'univers Folk. C'est là qu'il chante sa chanson que la femme du sculpteur Armand Vaillancourt lui a inspiré à Montréal à l'équipe de Judy Collins qui lui en volera les droits.
C'est par cette chanson que John Hammond est emballé par l'idée de travailler avec Cohen. Mais tombant malade, Hammond est remplacé par John Simon, avec lequel Cohen ne s'entendra pas du tout. Cohen voulant tout simple et Simon voulant plus d'arrangements. Ils feront tout, à New York, pas à Nashville. Cohen travaille lentement. À l'écrit comme en studio. En Octobre et novembre 1967 on enregistre en studio. En décembre, on livre au public.
1967.
SONGS OF LEONARD COHEN de Leonard Cohen
Il fût une époque, à Montréal, où le couple Suzanne et Armand Vaillancourt était les deux plus beaux êtres physiques et moraux aux yeux de Leonard Cohen. Il ouvre son premier album avec une chanson qui le rendra célèbre. Très Vieux-Port de Montréal, endroit que le couple Vaillancourt habitait et avait une vue saisissante sur le Fleuve St-Laurent. Très Montréal.
Cohen prétend avoir écrit la seconde chanson aux coins des rues Guy et Burnside mais ces deux rues ne se croisent aucunement à Montréal. Peut-être voulait-il dire deux coins de rues pour une composition en deux temps. Il se rappelle un banc sur lequel il aurait composé l'essentiel du morceau. L'un des touts premiers enregistrés avec Hammond.
Winter Lady est absolument charmante. Pour un amoureux de l'hiver comme moi, c'est mieux encore. C'est en entendant ce morceau dans un party que Robert Altman demande à Cohen la permission d'utiliser sa musique pour la trame sonore de son prochain film. Altman a même réécrit des portions de son film, pour qu'elles soient plus cohérentes avec les chansons du poète Québécois.
The Stranger Song a aussi été utilisée dans le film d'Altman. Une de mes préférées de L.C. On y trouve l'essence de l'aliénation du vagabond.
La Face A se termine sur une chanson composée à Edmonton pendant une tempête de neige où Leonard avait trouvé refuge dans le lobby d'un bureau. Il y avait trouvé deux jeunes femmes, Barbara et Lorraine, voyageant sac à dos au dos. Cohen les avaient alors invitées à venir dormir dans sa chambre d'hôtel, ce que les deux jeunes femmes avaient accepté. Elle s'étaient aussitôt endormies et Cohen, assis dans le divan, leur avait écrit le morceau, pour leur jouer à leur réveil. Utilisée aussi par Altman pour son film avec Beatty & Christie.
La Face B s'ouvre sur un morceau inspiré de Marianne Ihlen (devenue Jensen) que Cohen avait rencontré à Hydra, en Grèce et qu'il trouvait être la plus belle femme jamais rencontrée. Marianne et son fils ont vécu avec Cohen dans les années 60, près du parc des Portugais. Marianne est décédée le 28 juillet dernier, à l'âge de 81 ans, à Oslo en Norvège et Cohen venait tout juste de lui écrire qu'il était tout près derrière elle, si près, qu'en tendant la main, elle pourrait le toucher. Cohen est décédé trois mois plus tard. Parti la rejoindre. Premier morceau qui m'avait accroché, ado.
Cohen a écrit le morceau suivant au Penn Terminal Hotel de New York sur la 34ème rue, au milieu d'une chicane avec une femme blonde (peut-être Marianne). Roberta Flack et Judy Collins ont aussi repris ce morceau. Si les chicanes font pondre de si doux morceaux, je devrais me chicaner plus souvent.
La chanson qui suit est plus ou moins connue mais reste l'une de mes préférées. la guitare y est riche. La chanson y raconte le désespoir et le sentiment de désorientation et de solitude que Cohen a senti en arrivant à New York.
Teachers offre une série de questionnements sans complètement offrir de réponses. Leonard nous dit aussi que personne ne répondra jamais à nos questions. Que le poison viendra peut-être du robinet de l'eau que l'on boit.
L'album se clôture sur un morceau que Leonard avouera avoir écrit sur amphétamine, pourchassant une belle blonde sur un poster nazi.
Pour amateur de folk, de surréalisme digérable, de soft music. d'aliénation romancée, de cordes acoustiques, de poésie, de Montréal & New York, de doux pessimisme, de croisé entre Schopenhauer et Bob Dylan, d'amour, de désir, de rage et d'intimité.
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