mardi 6 juin 2017

Cinema Paradiso*****************Pleasantville de Gary Ross

Chaque mois, vers le début, je vous parle d'un film, tout comme je vous parlerai dans ce même mois d'un album de musique (vers le milieu) et d'un livre (vers la fin). Je vous parlerai d'un film qui m'a plu par sa facture visuelle, sonore, narrative, esthétique, par ses intervenants, son sujet, son impact sur sa personne, tout ça en même temps bien souvent.

Un film est un voyage à peu de frais. Un propos souvent transposable d'époques en époques.

Mon film du mois est un film très actuel encore.

Qui n'a jamais fait ses frais, puisqu'il était franchement intelligent pour un peuple qui ne sait pas complètement reconnaître l'intelligence.

Gary Ross, avant 1998, avait principalement scénarisé. 4 films. Dont Big, son premier, en 1988. 10 ans plus tard, il allait scénariser, produire et réaliser sont tout premier film tout seul. Un chef  d'oeuvre selon moi.

Pleasantville est une petite ville dont le nom trahit la simplicité. La ville est honorée dans une série télé des années 50. David et Jennifer sont deux adolescents vivant des vies d'étudiants forts différentes dans les années 90. Le premier est studieux et a grand coeur. La seconde recherche la popularité, est plus superficielle et tient à faire partie de la bande des cools de l'école. Les deux ados, un weekend où les parents s'absentent, se chicanent sur le programme de télé à écouter. David veut écouter un marathon de la série Pleasantville, sa série dépeignant une famille des années 50 préférée, tandis que Jennifer veut voir un concert sur MTV. On s'arrache la télécommande au point qu'une tempête électrique se produit et David & Jennifer sont catapultés dans la série Pleasantville et deviennent Bud & Mary-Sue, personnages de la séries côtoyant les autres personnages de cette même série...dans les années 50.

Mais avec leur personnalité des années 90.

Si Jennifer peine à s'y retrouver, Bud y prend son pied et change peu à peu le monde extrêmement conservateur et les valeurs de l'émission. À un tel point que la série, en noir et blanc, commence à prendre des couleurs, au fur et à mesure que les personnages se développent socialement. L'arrivée d'une certaine forme de progrès bouleverse l'univers de la série télé et certains personnages se révoltent et organisent une coalition afin de ramener le confort dans leur série. D'autres, sont fascinés par les changements sociaux.

Cette critique sur les valeurs conservatrices, qui est aussi un essai sur la tolérance, est brillamment scénarisé. Pratiquement tout ceux qui ont vu le film à l'époque n'ont jamais compris qu'on y parlait d'intolérance au changement et de régression sociétaire. Ils n'y avaient vu que légère comédie absurde et fantaisiste.
Le film devenait le tout premier à faire usage du (alors) nouvel outil qui permettait d'enregistrer digitalement afin de brosser les couleurs souhaitées ou, dans le cas précis, de faire le contraire. Le film a entièrement été tourné en couleur, puis a été redigitalisé en noir et blanc (sauf aux endroits souhaités).
Le passage du noir et blanc à la couleur reflète la transformation de la répression à la lumière intérieure. Quand les personnages entrent en lien avec l'essence de leur être, la couleur les habitent. Jennifer, la plus superficielle du lot, sera noir et blanche longtemps. Un sérieux pied de nez bien mérité est envoyé au christianisme à  plusieurs reprises. On y écorche aussi la censure quand Bud lit aux personnages, les deux livres les plus censurés des États-Unis: The Cacther in the Rye et The Adventures of Huckleberry Finn. On y traite aussi de racisme.
Reese Whiterspoon y est délicieusement arrogante et Tobey Maguire plein de candeur. William H. Macy y est détrôné de son royaume machiste involontaire et Joan Allen est la fleur qui éclot le plus.

Le film a des moments formidablement drôles comme ce moment où un incendie se produit mais que les pompiers de la série ne savent pas quoi faire puisque dans leur ville "tout est toujours plaisant et sans danger". Bud crie "au feu, sans succès. Lorsqu'il crie qu'un chat est pris dans un arbre, tous les pompiers réagissent, car il s'agit de leur seul tâche effectuée dans la série.

L'idée était et reste formidable.

Film anti-nostalgique déguisé en film rétro (grade), le film est un commentaire sur la répression personnelle menant à l'oppression politique.


"Oh my God!...are we in that épisode?"

Avec l'administration gouvernementale en place aux États-Unis, le film n'a jamais été plus pertinent. Trump in every fucking way.

"What's outside of Pleasantville?"
"Oh, it doesn't matter!"

Dernier film de l'acteur J.T.Walsh qui allait succomber à un infarctus du myocarde à l'âge de 54 ans et du caméraman Brent Hershman qui s'endort au volant après une journée de tournage de 19 heures, et se tue, au jour 3 de tournage en 1997. Le film leur est dédié, ainsi qu'à la mère de Ross, Gail, décédée elle aussi avant la sortie du film.

"There are some places where the roads don't go in a circle. 
There are some places where the road keeps going."


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