Emmanuel Cabut avait de la chance.
ET son père ET sa mère travaillaient dans l'édition. Ils avaient tous les deux, entre autre chose, collaboré ensemble au journal La Gueule Ouverte, journal écologiste politique guidé par le grand Pierre Fournier.
Quand Manu, devenu Mano, maintenant en solo après avoir joué dans le groupe punk Les Chihuahas, donc Mano Solo, a voulu enregistrer toutes les musiques qui jouaient dans sa tête, il n'a pas été trop difficile de tirer les ficelles familiales pour trouver des amis de studios.
Ses 23 ans sont une catastrophe. il apprend à Noël qu'il est séropositif. Il se produit seul sur scène quelques années avant de lancer un premier disque en solo. 100 000 exemplaires seront vendus, Mano Solo est un succès. Mais il est séropositif. Et son corps ne l'oublie jamais. Son album suivant est plus sombre, mais vend tout aussi bien. Mano Solo ne fait pas que chanter, il peint aussi. Ses pochettes, c'est lui qui les signe toutes au pinceau. La même année, il annonce sur scène, au Bataclan, qu'il est atteint du SIDA.
Fils de gens d'édition, il choisit d'écrire et fonder sa propre société d'édition. Il publie un premier recueil de poème en 1995, puis un roman, l'année suivante. Les deux publications seront réunies en une seule en 2012. . Toujours en 1996, il retrouve ses anciens partenaires des Chihuahuas pour un album plus punk qui ne trouvera pas son public.
Mano Solo lance un nouvel effort dès 1997, et Gaspar Noé lui fait faire du cinéma dans un court-métrage pour adulte. Deux ans plus tard, il lance un album en spectacle où s'y trouve un seul nouveau morceau.
En 2000, il lance Dehors. Solo plonge dans l'internet et s'investit beaucoup sur le développement de site qui mélange blogue, musique, création artistique et discussions politique. Il lance un second album en spectacle accompagné d'un DVD et deux ans plus tard un autre album. Malade depuis si longtemps, il crée sans arrêt, comme si chaque jour était son dernier. Car c'est aussi le cas. Il collabore avec Karpatt sur deux morceaux de son album.
Mano Solo créé, mais vend de moins en moins. La compagnie Warner le largue et Mano Solo prend le pari de s'autoproduire pour un album qu'il financera tout seul et qu'il lancera en 2007. Il demande toutefois à son public de l'aider dans le financement de son album , mais l'initiative lui éclate au visage quand on perçoit cette demande de charité comme un caprice d'artiste qui n'est plus en moyen de se payer ses fantaisies.
Mano Solo n'a plus de chance.
Il se ruine. Seulement 2800 contributions lui sont parvenues, ce qui n'est pas assez et il doit emprunter à la banque et mettre sa maison sous garantie afin de rembourser ses frais. Il recouvre ses dépenses mais n'a plus un rond pour une nouvelle création. Il réalise (comme Radiohead) que les compagnies sont indispensables au succès d'un album.
Il ne s'accroche pas plus à l'argent puisque les concerts qu'il donne par la suite sont de concerts où il versera une large part des sommes à des oeuvres caritatives. Il vient en aide entre autre à des mouvements aidant la population maldache.
En Janvier 2007, il anime une émission de radio où il donne la voix à ceux qui n'en ont généralement pas. Ils leurs offrent des oreilles. En octobre de la même année, il anime une autre émission de radio, plus militante et plus partisane et débridée.
En 2009, Mano Solo est toujours debout. Il lance un nouvel album. Les ventes sont meilleures. Il peut penser faire une tournée ce qu'il fait jusqu'en novembre où il doit cesser car trop malade.
Suite à plusieurs anévrismes, il décède le 10 janvier 2010.
Aujourd'hui, il y a 5 ans.
Dans un étrange revirement des choses, son père, Jean, est allé le rejoindre cette semaine, d'une manière brutale et atroce, dans une tuerie ignoble perpétrée contre le journal où celui-ci était une superstar.
Cabu est le père de Mano Solo.
Cette arrivée dans son royaume doit combler Emmanuel Cabut.
Mano Solo a encore de la chance, il a retrouvé son papa.
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