Pas besoin d'être un proche de John Baird pour s'en convaincre. Le ridicule est un art qui se cultive.
Été 1987.
Ma famille a, depuis un été déjà, acheté un chalet au délicieux Lac St-Joseph en banlieue de Québec et maintenant que j'ai 15 ans, que je conduis (chuuut! c'est un secret et je ne conduis jamais sans la présence paternelle à mes côtés), que je suis sexuellement actif (chuuut! c'est un secret, mes parents ne sont pas encore au courant!) mon père insiste pour que je travaille au Camp de Vacances qui est à 20 secondes de marche dans le bois sur le terrain voisin.
Comme je n'ai que 15 ans, mes talents d'ados sont plus ou moins limités. Je ne peux pas vraiment faire de l'animation encore puisque les plus vieux enfants à y participer n'ont qu'un an de moins que moi. Je suis donc envoyé dans les cuisines. Plus précisément: à la plonge pour y faire la vaisselle. Trois fois par jour, matin, midi soir, je torche, sèche, éponge, passe la vadrouille, remplit les machines à jus et à l'occasion cuisine, principalement en après-midi, en fonction des soupers. Mon moment préféré est alors entre 14h et 16h alors que les cuisiniers sont au repos ailleurs, que les vacanciers sont aussi à l'eau et ailleurs et que je suis fin seul dans les cuisines à monter le méchoui et à placer la cuisine pour le souper.
Je travaille à mon rythme, j'ai la paix.
Je mets alors la musique très fort et parfois, afin de déjouer l'ennui, je chante.
Comme cette fois où la radio commerciale joue l'une des 4 mêmes chansons (ce qu'elle fait encore aujourd'hui) un single alors très populaire chez nous*, dont on finit par connaître le refrain par coeur assez vite. Une merde pour celui qui comme moi écoute alors The Smiths, Bowie ou Simple Minds dans mes temps libres. Pour tromper l'ennui donc et tourner en dérision ce qui joue à la radio, je circule dans la cuisine et répète, d'une voix se rapprochant de celle de l'annonceur à The Price is Right et avec le ton grave du crooner, pratiquement celui de Fred Schneider des B-52's, plus parlé que chanté, Richard Cheese avant son temps, chaque ligne du refrain un demi-temps après qu'elle eût été chantée par la chanteuse:
Dont staaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaart!...
DON'T START!
...to aaaaaaaaaask
TO ASK!
Now you've found a way to make a break AT LAAAAST!
AT LAST!
You've got to find a way...
A WAY!
...say what tou want to say: Breakouuuuuuuuut!
BREAKOUT!
Me croyant parfaitement seul, bien entendu je ne l'étais pas et en tournant un coin de la cuisine marmite en main, j'arrive face-à-face avec la belle Annie, celle qui me fait les beaux yeux et erre dans mon secteur cachant mal une affection pour ma personne. La surprise est totale car elle est en maillot de bain et ses courbes sont plus qu'avantageuses, sa poitrine particulièrement qui explose de sa ceinture de flotaison, mais sa surprise à elle est encore plus saisissante à l'écoute de ma voix de crooner.
"C'est...c'est toi que j'entendais comme ça?..."
"Er...deuh...je...je sais pas..."
Le rire qui a explosé de cette belle tête.
Je l'entends encore quand le ridicule sonne son carillon.
Si le ridicule tuait nous serions bien seul sur terre.
J'ai pensé à ça en suivant la saga des turbans au soccer au Québec. Le soccer est un des rares sports où on se sert de sa tête comme instrument de jeu. Pour cette simple raison, porter un turban ou quoi que ce soit sur sa tête est une idiotie. Ce n'est pas un foulard plat, y a une boule là-dessus! D'autres sont pires encore. C'est comme porter une cochonnerie sur sa palette de hockey qui ferait de l'obstruction. Vous croyez que ça va bien pour jouer?
Entraineur, je ne prendrais aucun joueur sikh simplement parce que je voudrais de bons joueurs capable aussi de jouer avec leur tête.
La décision de la fédération de soccer du Québec était la bonne mais a été défendu avec tant d'intolérance et de maladresse que le ressac a mis un peu tout le monde en tabarnak.
Et le reste du Canada...ah et qu'est-ce qu'on s'en calisse du reste du Canada à la fin!
C'est pas nous qui nous séparons d'eux, ce sont eux qui nous larguent.
Profitons-en pour nous séparer.
Et pour l'amour du soccer, un sport que je n'aime même pas en plus, gardez la tête libre.
*Au Québec
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