jeudi 7 août 2025

Le Crime Artistique du Siècle

Je n'ai aucune admiration pour la témérité. Tu pari contre la mort ? te voir mourir ne fera pas pleurer. Et si jamais un des miens voulait t'imiter, je le supprimerais de ce monde avant. 

Un Français d'origine, il y a 51 ans, était spectaculairement téméraire.  

Une traversée insensée d'une poésie téméraire provocatrice. Il ne faudrait avoir aucune admiration pour ce type de folie. Et pourtant, quand ça réussit, ça peut fasciner. 

Phillipe Petit est Français d'origine. Il découvre enfant la magie et la jonglerie et voudrait vivre de ce type de fantaisie qui l'animent. Il monte sur une corde de funambule dès ses 16 ans. En 1965. À 18 ans, dans un bureau de dentiste, il lit sur New York, et son projet d'y construire deux grandes tours jumelles qui feraient plus de 100 mètres que la Tour Eiffel. Il pense un projet fou. Mais d'ici là, il sera spécialiste d'équestre, jongleur, combattant à l'épée, charpentier, escaladeur en montagne. Les hauteurs l'excitent. Il apprend à jongler sur une corde de funambule. Sur une corde, il apprend à faire des sauts arrières, des sauts avants, de faire de l'unicycle, jongle sur l'unicycle, y fait du vélo, passe dans des cerceaux. Tout ça sur une corde de funambule. Il travaille, jeune adulte, au Washington Square Park. 

En juin 1971, il installe secrètement un cable entre les deux tours de la Cathédrale Notre-Dame, à Paris. Il y jonglera et fera des sauts à répétition face à une foule stupéfaite, entre l'effroi et la fascination. Ils applaudissent son "art". Qui est, je le répète, davantage un pari contre la mort. Pas de quoi être fier.

Deux ans plus tard, il fait le funambule sur le pont de Sydney, le Harbour Bridge. C'est alors le plus grand pont en acier au monde.

 En 1974, il est 7h du matin, quand, à 24 ans, il fait placer par des complices un câble d'acier tendu à 417 mètres au-dessus du sol entre le sommet des deux tours jumelles du World Trade Center, en construction, encore inhabitées. Sans filet de sécurité, il se promène pendant plus de 45 minutes sur un câble de 61 mètres. Les New Yorkais en bas, les automobilistes, les travailleurs de la construction du WTC, s'arrêtent tous pour admirer le con. Oui, je suis plein de jugement, je n'ai pas de respect pour ce type de témérité. 

Les autorités policières sont alertées et montent les 110 étages du WTC pour le sommer de cesser ses singeries. Il fait le plus con encore. Il fait semblent de se rendre sur un toit sécuritaire mais repart sur son fil comme une ballerine. Ça amuse pour le public plus bas et fait réagir. Il danse, se couche, s'allonge sur le dos, se promène à genoux pour saluer les gens en bas, nargue les policiers. Il fera 4 aller-retours ainsi. 

Les policiers ragent et menacent d'envoyer des hélicoptères, mais Petit est plus intelligent que ça et sait bien qu'un hélicoptère rendrait l'opération 1000X plus dangereuse. Ils ne feraient jamais ça. Un Étatsunien étant un Étatsunien, ils lui répondent justement, tu ne veux pas mourir. Sans complètement réaliser que ce serait tout aussi dangereux pour le pilote d'hélicoptère. 

Quand Petit se rend finalement à l'un des toits, il est cueilli par les forces de l'ordre sans résister. La NYPD et les autorités portuaires sont de concerts pour l'arrêter. La foule l'applaudit, il est satisfait de son vedettariat. Certains des forces de l'ordre restent très impressionnés par ce qu'il a fait. 

Il n'existe pas de cause pour son arrestation. On invente le terme "man on a wire" pour l'arrêter. On lui fait subir un examen psychiatrique. On l'interroge longuement. On le fera passer devant un juge. Sa défense sera dite en français:

"Quand je vois trois oranges, je les jongle. Quand je vois deux tours, j'ai envie de passer de l'une à l'autre

Ça fait sourire. On le condamne alors de manière tout aussi originale. Toutes les accusations tomberont contre lui si il accepte de se donner en spectacle gratuitement pour les enfants à Central Park. Phillipe Petit saute sur l'occasion. Son avenir ne tient qu'à un fil.

Depuis ses 19 ans, avec deux amis photographes et son amie de coeur, on espionnait la construction des tours jumelles pour échafauder les idées et anticiper les points d'ancrage. Il appellera ce qu'il a fait le crime artistique du siècle. 

Pour accéder aux toits des tours jumelles, on s'était déguisés en faux travailleurs avec de fausses carte d'identité afin de déjouer la sécurité. 

Il deviendra célèbre pour ce fameux coup et ne cessera pas de jouer au funambule, mais toujours légalement cette fois. 

Effectuant entre autres des traversées du Trocadero à la Tour Eiffel et à Francfort devant 50 000 curieux.

Il écrira un livre sur son crime du siècle en 2002, qui deviendra documentaire par la suite.

Sting fera une performance musicale sur scène pour marquer les 50 ans de sa folie, l'an dernier. Pendant que Petit, 74 ans, s'exécute

Ça se passait aujourd'hui, il y a 51 ans.

Dans 6 jours, il aura 75 ans. 

Aucun commentaire: