dimanche 3 août 2025

Diamant Fou (Première partie)

En 1973. contre toute attente de la part de Roger, David, Nick & Rick, la formation qui s'était appelée The Pink Floyd, The Floyd et finalement Pink Floyd, réalisait, en vendant 45 millions de fois The Dark Side of the Moon et laissant cet album 19 ans dans les palmarès, que jamais il n'aurait atteint ce sommet de réussite sans leur ami Syd Barrett. Qu'ils ne savaient pas si ils allaient le revoir un jour. Ils se dirent surement qu'ils auraient souhaité que Syd, soit ici.

Londres, 1967. Pete Townshend de The Who est sur un trip de drogues. Syd a tâté le LSD pour la première fois deux ans avant, avec son ami Storm Thorgerson, qui ferait les pochettes de tous les albums de Pink Floyd. Nous sommes dans un party de musiciens. Le LSD est très facile d'accès au 31 Court Road où tout le monde se trouve. Townshend avait amené son propre LSD personnel, comme une rock star professionnelle. Mais cette fois, il considérait cesser les drogues complètement. Car chaque fois qu'il croisait le regard de Roger Waters, celui-ci était en train de fixer les cuisses de sa blonde, Karen Astley. Waters, farouchement anti-acide, était en rapport de force face à Pete, désorienté par la drogue et ça le rendait paranoïaque. Ce que la drogue facilite aussi. Ses yeux lui disait je vais voler ta blonde, Happy Jack.

Townshend était aussi inquiet dans sa profession. Son band était le band le plus intense sur scène et voilà que ces Pink Floyd venaient de jouer une version d'Interstellar Overdrive de plus de 20 minutes sur scène. Battant le record de The Who qui avait joué une version de My Generation de 15 minutes en spectacle. Alors que Pete innovait visuellement en brisant sa guitare à la fin de chaque spectacle, voilà que leur chanteur avait comme pic de guitare un allumeur de cigarettes de voiture. Pete avait soudainement une compétition psychédélique sous les yeux. Et ça lui donnait le vertige. 

Un vertige qui serait toute la vie du chanteur de Pink Floyd. 

Il y avait un son que seul Syd entendait dans sa tête. Et il le pourchassait avec Roger, Rick & Nick qui acceptaient volontiers de le suivre. La plupart des idées naissaient de lui. Quand Syd fermait les yeux sur scène, sous l'effet de la drogue, guitare au cou, il se retrouvait mentalement dans son livre préféré de l'écossais Kenneth Grahame. Il était dans son élément. Avec son et vision. Des chansons comme The Gnome, The Scarecrow et See Emily Play étaient écrites avec l'émerveillement de l'enfant qu'il avait été été, croisant la pastorale britannique avec une conscience élargie acidulée par le LSD. Syd n'était pas le seul à explorer l'écriture du flux mental surchargé. Les Beatles revenaient de l'Inde sur Penny Lane et Strawberry Fields Forever. Les Stones retravaillaient leur comptines psychédéliques avec Dandelion. Même les Hollies chantaient de chevaucher les chevaux comme Pégase. Mais Syd était meilleur encore à aller chercher l'enfant en lui. Une porte de la perception menant à l'autre. Et assez vite, les portes qui s'ouvraient à Pink Floyd seraient toujours plus grandes que la fois d'avant. 

On serait signé par l'étiquette EMI. Un rêve alors que Syd ne jurait que par sa copie de Revolver de la même étiquette, des Beatles. Ces mêmes Beatles qui seraient dans le studio voisin travaillant leur Sgt. Pepper's Lonely Heart Club Band pendant que PF tricotait leur premier effort. Mais pour Syd, l'aventure ne serait pas agréable. Le producteur attitré était pragmatique, là où Barrett se voulait créatif. Interstellar avait été ramenée à moins de 10 minutes et l'album serait si pop...commercial fudge sucré.

The Piper at the Gates of Dawn ne ressemblait aucunement au band qu'il pilotait sur scène depuis 2 ans. Pete Townshend dira de ce disque, avec un zest de jalousie, qu'il avait trouvé que c'était "fucking awful!". Ce avec quoi, Syd ne pouvait qu'être d'accord. Ce n'était pas le son qu'il avait en tête. C'était trop poli. Trop pop. Et l'attention qu'il allait alors commander allait l'achever. Syd vivait dans sa tête. Pas ailleurs. Alors être si public à 21 ans...il comprenait alors qu'il ne serait jamais capable de refaire tout ce qu'il venait de faire. 

Jamais. 

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