La fin d'une des saisons de Stranger Things m'a ramené dans l'oreille deux héros personnels d'un coup.
Puis, la fin de Mindhunter, saison II, récemment consommée, m'a ramené un de ces mêmes héros en oreille. Un choix extrêmement judicieux, comme l'était la chanson d'ouverture de la saison II, suffisamment sinistres pour annoncer la suite.
Peter Gabriel est ce héros d'adolescence pour moi. Mon ami Michaud était encore plus fan que moi. Il a même baptisé ses jumeaux Flotsam & Jetsam, des années plus tard. Nous découvrions Pete ensemble en 1986, avec So.
Rappelé à mon souvenir, j'ai eu envie de me faire une liste de lecture de PG sur Spotify. De morceaux de Pete qui ont surmonté l'épreuve du temps pour moi. Donc pas de Solsbury Hill, pas de Biko, pas de Games Without Frontiers, Sledgehammer ou In Your Eyes. Trop entendus, trop usés.
Voici mes 31 morceaux choisis, avec quelques mots sur chacun.
Start
J'aime toujours les "ponts" bien faits. PG peut, à l'occasion, faire de très beaux segments strictement instrumentaux. Le délicieux album Passion, qui est la trame sonore de The Last Temptation of Christ de Martin Scorsese, en est un brillant exemple. Je n'ai rien pris de cet album qui doit être consommé tout d'un coup. J'ai simplement téléchargé l'album que je n'ai qu'en cassette ici. Start me semblait approprié pour commencer une liste de lecture et le saxophone prend ici une place assez rare dans l'oeuvre de PG. Presque jazz.
Shock The Monkey
J'enchaîne avec plus dynamique. Je ne me suis jamais lassé de ce morceau. Un brin paranoiaque car ça traite de jalousie, un thème récurrent chez Pete, et non de thérapie de choc, comme le propose le video. Le singe, c'est lui. Métaphoriquement, conscient de son problème de jalousie.
We Do What We're Told (Miligram's 37)
En revanche, cette chanson est bel et bien à propos des thérapies de choc. De Stanley Milgram. Milgram, un chercheur de Yale qui avait testé des gens "donnant" des chocs électriques à un acteur (ils ne le savaient pas acteur ne recevant en fait, rien), mimant très intensément la douleur quand Millgram demandait à des quidams d'augmenter les doses de chocs électriques. Milgram demandait d'augmenter l'intensité et les gens, à son grand désarroi, continuait de l'augmenter, même si ils voyaient que l'acteur souffrait (faussement) de plus en plus au bord de l'agonie. Le morceau est court, mais j'en aime toute l'atmosphère. Le 37 est pour le degré de "douleur" (fausse) la plus élevée que les gens ont accepté de télécharger sur l'acteur: 37/40.
No Self Control
Sur son troisième album solo, dans le but d'explorer et de créer de nouveaux sons, Gabriel a choisi de n'utiliser aucune cymbale. Utilisant, ici, des marimbas et des instruments à bois africains. En spectacle, autour de 1988, ce fût un morceau qui m'a donné des frissons tellement il avait été formidable, Gabriel étant attaqué par son propre système d'éclairage sur les mots du titre. J'adore ce morceau. Encore un brin auto destructeur. Phil Collins est ici, à la batterie (sans cymbale).
D.I.Y.
Je suis toujours séduit par la guitare en ouverture. Mais celle-ci suit assez peu sur le morceau. Elle y a été intégré afin de copier le style de Solsbury Hill qui avait si bien marché. D.I.Y: Do It Yourself
Growing Up
Production parfaite sur un morceau agréablement recherché dans ses sons. Growing up, Pete en a déblayé des routes sonores. Cette chanson, tardive dans sa carrière, devenue très technique avec le temps, en est une belle preuve. Ses fantômes voyagent. Il le scande encore et encore.
Blood Of Eden
PG place une liaison romantique dans un contexte biblique ici. Le sang d'Eden circule de l'homme en la femme et vice-versa, dans un rituel voulu sensuel. L'imagerie du jardin d'Eden y est partout. Sinead O'Connor chante sur ce morceau. En tournée, Paula Cole ferait sa voix.
Don't Give Up
L'épouse d'alors de PG lui avait relayé un article parlant d'une mère s'étant suicidée à la naissance de son premier bébé. Ça l'avait bouleversé. Une image d'une famille dans la misère du Dust Bowl l'avait aussi inspiré. Dolly Parton était le premier choix pour chanter avec Peter, mais quand elle a refusé, Kate Bush a relevé le défi. Et si la première a regretté son choix, Gabriel n'a jamais regretté l'apport de Kate.
Digging in the Dirt
Chanson, comme le titre l'indique, sale. Explorant la part sombre des âmes humaines. Pete était en thérapie, revisitait certains de ses propres démons, et lisait sur ce qui unissait plusieurs grands meurtriers de l'histoire dans leur folie. Toujours dérangeant morceau. Fort intéressant. Violent.
Humdrum
J'ai toujours beaucoup aimé ce morceau qui croise piano, douceur et rythme latin. De plus, PG y parle d'évasion vers l'inconnu. Toujours aussi mystique qu'intrigant. Quelques arrangements classiques habillent cette ballade. Charmant.
The Family & The Fishing Net
Inspiré des débuts en poésie de Dylan Thomas, PG traite de l'absurdité des rituels lors des mariages, lui qui en a connu plus qu'un, assez malheureux pour la plupart. Il y parle de territoire amoureux sur une musique assez funeste. Et à multiples directions. Ce qui m'a souvent plu.
Exposure
La chanson, co-écrite par Robert Fripp, de King Crimson (qui allait produire son second album) place le personnage de Mozo, personnage qui reviendra dans 5 autres de ses chansons (On the Air, Down The Dolce Vita, Here Comes the Flood, Red Rain & That Voice Again) sans jamais avoir de conclusion réelle dans sa quête. J'aime le côté expérimental du morceau.
Excuse Me
Gabriel écrit tout. Mais sur ce morceau, dans le style chorale de barbiers, c'est Martin Hall qui signe le (banal) texte. Tony Levin, habituel bassiste de PG, y joue ici du tuba. Les arrangements vocaux sont à la fois amusants et très agréables. Rares seront les moments lumineux sur ses morceaux et sur celui-là, souvent, on sourit.
I Have the Touch
PG développe l'idée après avoir vu une étude, faite en Amérique du Sud, Puerto Rico et en France, où les gens, entre eux, se touchaient beaucoup en se rencontrant. En Angleterre, on se disait Hello & Goodbye, toujours à distance, se touchant souvent sa propre tête ou son couvre-chef. Faisant des Anglais l'un de peuples les moins tactiles au monde. PG voulait du contact physique.
Mother of Violence
D'abord un chant de Noël pensé avec son épouse, la chanson s'est métamorphosée en ruminations négatives face à la télévision. Le mariage de PG s'effondrait. Sa tête broyait du noir. Mais le morceau est d'une douceur absolue.
I Don't Remember
PG lisait beaucoup sur la psychiatrie et son troisième album en traite beaucoup. Il y parle ici d'amnésie, choisie ou réelle. Robert Fripp, Dave Gregory et David Rhodes jouent tous de la guitare sur ce même morceau. La guitare est un des meilleurs éléments de cette chanson.
Come Talk To Me
Commencent ici, 5 chansons sur 6 débutant un album. Je l'ai dit, contrairement à un groupe comme The The, ou s'était le contraire, les premières chansons d'albums de PG se sont presque toutes retrouvées sur ma liste de lecture. Il était presque parfait pour ouvrir un album. Sinead O'Connor chante aussi sur ce morceau. PG a écrit ce morceau pour sa fille Melanie, avec laquelle il avait des problèmes de communication. La cornemuse en entrée est très jolie.
Moribund The Burgmeister
PG s'inspire des maladies du Moyen-âge pour ce morceau, que l'on imaginerait dans une comédie musicale tellement les rythmes sont variés, riches, et les types de voix, multiples. La London Symphony Orchestra joue sur ce morceau.
Intruder
Inspiré par le travail de Hitchcock et Hermann, Gabriel veut volontairement un morceau qui évoque un sentiment de danger. Il parle d'un homme qui entre par effraction chez quelqu'un sans se faire prendre. Phil Collins joue la batterie (sans cymbales) qui l'inspirera pour Mama et In The Air Tonight par la suite. La pièce est délicieusement tordue.
Lay Your Hands on Me
Celle-là n'ouvre aucun album. À la fois expérience relevant du culte (en spectacle il exigeait de son public, de mimer le titre de cette chanson et se posait sur leurs mains dans la foule) et tentative de connecter avec le public, la chanson, très axée sur les percussions, parle surtout de confiance et de guérison.
The Rhythm of the Heat
Carl Jung étudiait, en Afrique, l'inconscient collectif, et suite à une rencontre avec des danseurs de l'endroit et des joueurs de percussions, il en était sorti terrorisé par l'expérience. Gabriel a tenté d'illustrer en sons ce moment, d'abord appelé Jung In Africa. Une version instrumentale avait été utilisée pour le film Birdy, dont PG signe toute la bande sonore.
Red Rain
PG a été inspiré d'un rêve récurrent où il nageait dans une eau rouge sang. Daniel Lanois est à la guitare et Stewart Copeland est à la batterie (avec Jerry Marotta). J'adore chanter ce morceau au volant et suis devenu relativement bon, humblement, surtout la partie "and I can't watch anymore..."
San Jacinto
Si 5 des 6 derniers morceaux ouvraient des albums, celle-là était le deuxième morceau de son 4ème album solo, l'album le plus honoré dans ma liste de lecture. Il raconte magistralement le rituel autochtone qui veut qu'un jeune homme soit volontairement rendu saoûl par quelques boissons spéciales, au point de se penser fou, et placé seul sur la montagne pour faire face à ses démons intérieurs avant de devenir un homme. Formidable morceau.
Mercy Street
Inspiré par le recueil de poème du même nom d'Anne Sexton, une patiente d'institut pyschiatrique qui avait tenté 4 fois de se suicider, faisant de la 5ème, la bonne. Il s'agit de ma chanson préférée de l'album de 1986 qui nous le faisait découvrir. On allait aussi découvrir toute une vie active pour PG dans les années 70, nos préférées musicalement. En solo, ou avec Genesis.
Secret World
Inspiré de deux mariages sans succès, PG compose ce doux morceau, très beau, à propos des univers privés intimes, des îles où on s'isole, des individus et de leurs espaces, et du croisement occasionnels de leurs rêves et leurs désirs.
Home Sweet Home
Dans cet autre doux morceau, la violence est sourde. Un homme voit sa femme se tirer par la fenêtre, plongeant dans la mort, avec leur enfant dans ses bras. L'homme prend l'argent des assurances, le joue au casino, gagne le gros lot, et achète une plus grosse maison. Sombre, mais musicalement délicat.
Wallflower
L'une de mes ballade préférées du Gabster. Inspirée de la lecture d'un pamphlet d'Amnistie International, parlant de l'Argentine, tout juste avant que l'Angleterre n'envahisse les îles Malouines.
Here Comes the Flood
Le flot évoqué est le flux mental. On y parle un peu dystopie suggérant une société pouvant lire dans l'esprit des autres. Inspiré d'un autre de ses rêves. Première collaboration avec Robert Fripp , qui est ici, à la guitare. Bob Ezrin est l'auteur des larges arrangements orchestraux qui feront le succès de Pink Floyd quelques mois plus tard.
This is the Picture (Excellent Birds)
Peter Gabriel a toujours été à l'écoute, sinon grand explorateur lui-même, des nouvelles tendances technologiques. Encore de nos jours. Laurie Anderson est elle aussi une reine de l'expérimentation. Le duo ne pouvait que collaborer un jour ensemble. Collage de poésie rurale sur sons techno-trituré en studio. J'aime beaucoup.
Love to be Loved
Cette chanson est 100% tirée de ses sessions de thérapie où il apprenait à vouloir être voulu, avait besoin d'être désiré, et aurait aimé être aimé. La chanson traite de l'échec de ses deux mariages, de ses relations avec ses deux filles, il détaille même, en fin de chanson comment ses sessions de thérapie étaient de l'argent bien investi. Doux, mais douloureux pour l'auteur.
More Than This
À propos de forces surnaturelles au monde que l'on perçoit ou encore fable sur la parentalité qui fait oublier l'ego, j'aime beaucoup ce morceau, l'un des plus "neufs" de PG, qui conjugue sonorité des années 2000 et profondeur existentielle du Gabriel.
PG 31: Parental Guidance pour amateurs de musique mature, de 31 ans et plus
Plus de Gab encore d'ici 5 dodos.
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