Ceci est une histoire vraie. C'est celle de Kitty Hailey et de John.
Une femme qui a marié son enfant, quand il était encore un homme.
C'est dans une rue de Philadelphie que K. rencontre J. À la sortie d'un café. J. avait la tête du rocker comme K. les avait toujours aimées. Son casque de moto trônait sur le siège de sa BMW K1100, il lisait tranquillement le New York Times, accoté sur son moyen de transport. Le temps d'un sourire, ce fût le coup de foudre.
Après un mariage trop jeune et un autre où le concept de monogamie ne fonctionnait que pour elle, K. avait fait une croix sur sa vie amoureuse. Mais lui, l'inattendu rocker, allait tout changer. Celle qui croyait ne plus jamais faire l'amour, se trouvait soudainement à le faire très souvent. Avec lui. Les plus beaux jours de sa vie. Après deux ans et demi de très sérieux entraînements au lit, et de vie partagée dans le bonheur avec J., les deux s'épousaient. À presque 50 ans.
Mais à 50 ans, tout bascula.
J. s'est mis à oublier des choses toutes simples. Comment enregistrer un film à la télévision, quoi acheter à l'épicerie, où il allait, rien de grave.
Puis, il ne savait plus comment attacher ses souliers. Ne savait plus comment opérer un téléphone avec fil. Ne savait plus comment attacher ses lacets. Ça devenait soudainement grave. Cet architecte maintenant incapable de savoir quand une ligne commence et quand une ligne se termine.
Consultant alors, le diagnostic a été drastique. J. était atteint d'une rare forme de démence. Sans être de l'Alzheimer, qui efface les souvenirs du passé, la démence frontale temporale lui faisait oublier le présent. En lui se produisait exactement ce qui se produisait sur le corps de Benjamin Button dans le film de Fincher de 2008, mais mentalement. Un film reculant dans le temps.
Et ça reculait très vite.
Dans les 6 premiers mois, J. perdait entre 10 et 20 ans de sa vie. Sa palette de goûts changeait. J. passait de celui qui aime manger de la cuisine recherchée à celui qui aimerait beaucoup plus le beurre d'arachides et les macaronis fromage. Les hots dogs et la crème glacée remplaçant à 100% le consommation d'alcool.
Alors que K. tentait de trouver un juste équilibre sur ce qu'allait devenir sa vie, leurs vies, J. a, petit à petit, plutôt oublié comment parler et ne le faisait tout simplement plus.
J. n'était plus un amoureux, il était un petit garçon. Dégoûté par le sexe et les marques d'affection, et K. devenait sa mère. Qui tentait de rester positive dans tout ce qu'ils vivaient ensemble. K., qui n'avait jamais eu d'enfants, s'est découverte très bonne mère. Et adorait son nouveau rôle. Même si il restait troublant.
Mais elle était mère d'un enfant de plus de 50 ans, de plus de 6 pieds (il fait 6 pieds 3), qui se frustrait de ne pas trouver les mots pour dire ce qu'il ressentait.
Ils dessinaient ensemble. Elle, créant le dessin, lui coloriant l'intérieur. Mais K. perdit patience après la 100ème écoute de Finding Nemo et lui proposa d'aller au zoo.
"Zoo!" il avait retenu ce mot. Le répétait avec joie. Ils iraient ensemble. Il parlait! Renaissance! Ça semblait beaucoup lui plaire.
Ils choisirent d'y aller au printemps. J. tout content d'avoir aidé K. ("maman") à faire les sandwichs aux confitures et au beurre d'arachides.
Mais au printemps, plusieurs autobus d'écoliers d'école primaire, visitaient aussi le zoo, le même jour. Et ceci excita tant J. qu'il se mit à courir tout partout. Un grand homme de 6 pieds 3 courant comme une poule sans tête dans le stationnement.
Une fois calmés, J. & K. se rendirent voir les rhinocéros. Un groupe d'enfants pointa vers l'animal criant "Regardez! le rhino a 5 pattes!". K. pouvait bien voir que son grand enfant était perdu dans ses propres pensées. Elle pouvait aussi constater que "la cinquième patte" était plutôt...le pénis du rhino en érection...
Ceci eût un effet sur J. qui sembla prendre conscience qu'il avait aussi un pénis, capable d'érection. Il glissa sa main dans son pantalon, ce qui rassura K., qui se disait alors qu'il se rappelait peut-être maintenant de cette importante partie de leurs vies qui avait été soustraite, mais aussi inquiète de ce qu'il pouvait faire, ici, en public, entourés de vrais enfants. Très vite, elle le guida, presque de force, vers les zèbres.
Mais c'était le printemps...certains zèbres aussi avaient "cinq pattes".
"Regardez! il pisse de sa cinquième patte!" criaient les enfants. Petits garçons et petites filles se penchant les uns sur les autres afin de chuchoter et de rigoler, gênés. Certains comprenant probablement plus qu'ils ne le laissaient savoir. J. était encore perdu dans ses pensées face à cette cinquième patte. Et il jouait davantage dans son propre pantalon, il fallait vraiment que K. l'amène ailleurs. Physiquement, mais mentalement, est-ce que ça lui ramènerait l'envie d'une vie sexuelle?
Quand ils arrivèrent aux tortues, des enfants criaient déjà "NON! la grosse tortue va écraser l'autre! pourquoi fait-elle ça?"
Parce que c'était la saison des amours et des reproductions. K. sentit dans les gestes et le regard de J. que lui, avait compris très vite ce qui se passait.
Il hurla "NON! LA TORTUE NE LUI FAIT PAS MAL, ELLE LA BAISE! ELLE L'ENCULE!"
De la bouche d'un grand homme de plus de 50 ans, de plus de 6 pieds, recevant maintenant des regards furieux de parents et d'adultes autour du groupe d'enfants, troublés.
"Ne pouvez vous pas contrôler ce vieux pervers?" semblait dire des yeux des adultes à K.
"C'est quoi enculer?" se demandèrent quelques enfants.
K. & J. ont quitté les lieux à la course, en riant. J. étant si fier d'avoir réussi à formuler une phrase, une pensée, peut-être même un souvenir et un espoir.
Les deux sont allés manger sur un banc plus loin, leurs sandwichs aux confitures et au beurre d'arachides. Face aux lions.
Qui baisaient aussi, bien sûr.
Ça c'est passé aux États-Désunis. Il y a deux ans.
Ça c'est passé aux États-Désunis. Il y a deux ans.
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