Chaque mois, dans les 10 premiers jour, comme je le fais pour la littérature (dans les 10 derniers) et comme je le fais pour la musique (vers le milieu), je vous parle cinéma.
J'ai étudié et travaillé en cinéma, voilà quelque chose qui ne se sépare pas beaucoup de moi.
Je visionne encore entre 2 et 3 films par semaine. Parfois je revisite des films que j'ai beaucoup aimé. J'y redécouvre plein de choses.
J'aime les films pour leur sujets, leur audace, leurs interprètes, leurs réalisations, leurs visions, leur choix. Les films que j'expose mensuellement sont des films dont j'aime à peu près tous les choix.
Quand la vie nous déçoit, il y a toujours le cinéma.
BOYZ N THE HOOD de JOHN SINGLETON
John Singleton était un petit génie. Universitaire, on le dirige vers les sciences informatiques qui devraient ensuite le faire travailler directement dans le cinéma. Dans un aspect technique du cinéma. Mais ce qui lui plait davantage, c'est l'écriture. Pour se faire accepter dans le programme de création scénaristique on lui demande de présenter 3 projets. L'un de ses trois projets est Summer of 1984, l'été de ses 16 ans à lui. Inspiré de ce qu'il a vécu sans son quartier de Los Angeles.
Il serait protecteur et garderait près de lui ce script qu'il ne voulait pas voir tourner par un gars de l'Idaho ou d'ailleurs. Si ça devait être tourné, ce serait par lui. Le scénario deviendra Boyz N The Hood. Et racontera effectivement, des segments de la jeunesse de John. Avec les gangs de rue son montant les uns contre les autres. Et les bons gars croisés avec les plus badass. Et les filles dans le mix. Et les parents, parfois témoins impuissants de ce que deviennent leurs grands enfants.
Le rôle de Doughboy est écrit spécifiquement pour Ice Cube que Singleton rencontre quand il est stagiaire au Arsenio Hall Show. Cuba Gooding Jr et Morris Chestnutt sont choisis d'abord et avant tout parce que ce sont les deux premiers à se présenter aux auditions libres. Singleton est impressionné, il n'a que 23 ans quand il passe au processus de casting. Même si Ice Cube est membre d'un des groupes de rap de l'heure, en 1989, N.W.A., le meilleur vendeur aux États-Unis, dans le genre, alors, les producteurs ne sont pas impressionnés, dans leur grande ignorance de la culture afro-américaine, ils ne savent pas qui c'est. Le film sera accepté dans la foulée du succès de Do The Right Thing du New Yorkais Spike Lee. On veut en faire l'équivalent pour la côte Ouest. Le film sera tourné dans l'ordre, et Singleton, dont c'est le tout premier film, sera le premier témoin, à mesure que le film avance, de la progression de son propre talent derrière la caméra.
Singleton fera lui-même un caméo dans le film dans le rôle du facteur amenant du courrier à Brenda pendant que Ricky & Doughboy se chicanent.
Ce regard riche sur la communauté afro-américaine était encore rare en 1991. Et le brio de Singleton lui vaudra une nomination aux Oscars dans la catégorie du meilleur réalisateur, faisant de lui non seulement le premier afro-américain à être nommé dans cette catégorie (il le sera aussi pour le meilleur scénario), mais aussi le plus jeune réalisateur ,un record qui tient toujours, à l'être, à 24 ans.
Le film sera important pour une large part de l'Amérique, mais pour une part du monde entier aussi, qui avait un rare aperçu des réalités vécues par les familles afro-américaines, mais surtout la presque totale indifférence des autorités blanches, et la part d'injustice presque devenue banale de nos jours à l'égard de la population afro-américaine.
Une série (formidable) comme Atlanta de Donald Glover n'aurait jamais vu le jour sans un film comme celui de John Singleton.
En 2002, la Librairie du Congrès des États-Unis vote ce film favorablement pour le ranger parmi les films les plus culturellement, historiquement et esthétiquement pertinents pour leur pays. Il sera préservé pour les générations futures dans la registre national des films des États-Unis.
Divisé en deux parties, 1984, quand le personnage principal a 10 ans, et en 1991. Avec les mêmes gens. C'est un film formidable.
John Singleton a débuté sa carrière jeune, mais la mort l'a fauché tout aussi jeune.
Mardi dernier, ses proches décidaient de ne plus le garder branché alors qu'il était dans le coma suite à une crise cardiaque dont il avait très peu de chances de s'en sortir.
Il sera aussi réalisateur d'entre autre Poetic Justice, Higher Learning, Shaft et 2 Fast 2 Furious.
Et sera surtout d'une grande importance dans l'exposition de portrait d'une certaine Amérique du Nord.
Il n'avait que 51 ans.
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