Je n'ai pas voulu vous en parler tout de suite.
Et vous en avez assez entendu parler. Et pas assez en même temps.
Voilà pourquoi j'ai pris une bonne semaine pour ne pas que les mots atterrissent ici dans un désordre de colère, de tristesse, d'amertume et de rage.
Le Québec est passé d'un traumatisme collectif à un autre il y a 7 jours exactement. L'après inondations commence à entrer dans les corps des sinistrés de la Beauce, de l'Outaouais, de Pierrefonds, de Vaudreuil-Dorion, Ste-Marthe ou Rigaud et ailleurs, et le pire est à venir.
Et l'Estrie est venue s'inviter dans le drame.
Un drame pire encore. Le pire d'entre tous.
Celui d'une jeune fille de 7 ans, de Granby, torturée par un père de 30 ans et sa conjointe de 35, fillette trouvée attachée dans sa chambre, dans le pire des états, et morte quelques heures plus tard.
J'en ai eu les larmes aux yeux trois ou quatre fois au volant de mon camion dans la semaine qui a suivie. Quand j'ai entendu à la radio une intervenante proche du dossier, l'appeler sous le couvert de l'anonymat "ma petite cantaloupe". Quand j'ai entendu la mère, déplorable, et sans jugement aucun, des larmes de rage cette fois. Quand j'ai entendu une amie de l'école qui la pleurait à la radio en disant qu'elle ne méritait pas cela. Mais surtout quand j'ai entendu qu'elle avait réussi à s'enfuir, utilisant ses jambes peut-être une dernière fois, pour courir jusque chez le voisin, afin de sonner à la porte, à 1h40 du matin, pour réclamer de l'aide.
Tu as sonné à la porte pour réclamer de l'aide.
Tu avais 7 ans.
Tu avais eu la chance de naître là où les Femmes sont respectées.
Tu ne l'auras jamais su.
Tu n'aurais jamais dû avoir les parents que tu a eus.
Tu as été abandonnée par tous.
Nous t'avons tous abandonnée.
Le Québec ne se l'est pas pardonné encore. Ça prendra du temps. Cet épisode terrible d'Aurore l'enfant martyre, version 2019, a secoué toute la province.
Je ne sais pas si j'aurais pu vivre avec moi-même d'avoir été celui qui a répondu, confus, à la porte, à 1h40 du matin. Ce n'est surtout pas de sa faute ce qui est arrivé. Mais je m'en serais voulu d'avoir passé si près de pouvoir la sauver. Comment savoir? en ouvrant la porte, la conjointe du père lui disait que tout irait bien, le père avait la fillette de Granby dans les bras, et tentait de calmer son hystérie, il fuyait les lieux, Ils fuyaient tous les lieux. La petite cantaloupe voyant autre chose que sa chambre peut-être pour la dernière fois.
On a pointé la DPJ toute la semaine. Connerie. On a même dit que le ministre avait suspendu son directeur en Estrie. C'est faux. On l'a peu entendu. C'est le directeur lui-même qui s'est retiré de son poste afin que les enquêtes prennent cours. Ça dit tout de la maturité des uns et des autres. La DPJ saigne depuis longtemps. Ça a pris ce drame pour que la lumière se fasse sur leur métier. Facilement l'un des plus difficiles existant sur terre.
S'occuper des pockés de la vie.
Vous faites face à toutes le horreurs de la vie, et vous serez immanquablement critiqués par ceux qui ne savent rien des réalités que vous côtoyez. C'est arrivé toute la semaine dernière. On les as blâmés.
C'est un peu de votre faute, mais pas tout. Pas tout du tout.
C'est aussi grave pour l'école dont elle était absente depuis une semaine. Comment celle-ci a-t-elle fait pour croire que la petite cantaloupe serait maintenant "enseignée à la maison"? Par deux parents anciens toxicomanes/encore toxicomanes, qui n'avaient pas de secondaire 5? Comment un juge a pu laisser cette petite cantaloupe retourner vivre avec papa parce que c'était la situation "la moins dommageable"? Oui, la mère était extrêmement pire (se cognant le ventre, enceinte, se droguant, enceinte, ne montrant aucune empathie pour l'enfant, etc.), oui papa s'était repris en main momentanément, il avait le bon masque au bon moment, Mais depuis 2 ans, ils étaient nombreux à savoir que plus rien ne tournait rond. L'état mental du père entre autre. La grand-mère était si "dommageable", elle? La famille élargie?
La DPJ a appliqué ce que le juge avait demandé de faire. Elle est là son erreur. Est-ci anormal de suivre la loi?
On ne pourra que faire grossir les conjectures, voilà pourquoi je ne voulais pas en parler.
Ma famille a été très impliquée avec la DPJ. Ma mère a été enseignante dans l'école la plus pauvre de la région de Québec. Elle a hérité de plusieurs de ses élèves quand nous avons quitté la maison. Facilement 6 enfants ont séjourné dans la maison qui m'a fait grandir. L'instabilité était grande. Autant chez les employés de la DPJ que parmi les familles dont on gardait les enfants.
Pour travailler dans la fragilité humaine, il faut une forte fondation. Les Libéraux, le ministre Barrette en tête, on coupé dans les budgets alloués aux regroupements comme le Département de la Protection de la Jeunesse en 2005. La DPJ saigne depuis au moins 15 ans.
Il est là le vrai coupable.
Celui qui garde la maison pauvre. Et faible. Là où il faut être fait fort.
Travailler pour sauver des vies est l'une des choses les plus nobles au monde.
Mais c'est aussi le travail le plus ingrat.
Toute la semaine dernière, la DPJ a mangé du crachat.
Je crois beaucoup au concept d'équipe.
En amour, au travail, en sports, en société. Partout.
La semaine dernière c'est le Québec en entier qui a perdu.
En équipe qu'elle n'a pas été.
Qu'elle devra apprendre à être.
Demain et jeudi, les Québécois de partout pourront donner un peu d'amour qu'elle n'a pas eu de son vivant alors que sa sépulture sera exposée pour ça.
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