Tous les mois, dans les 10 derniers jours de celui-ci, je vous parlerai de littérature. Comme je le fais pour la musique (vers le milieu) et pour le cinéma (dans les 10 premiers jours).
Lire, c'est penser, prier, communier à l'autel d'une nouvelle pensée. C'est parler à un ami, l'écouter, l'entendre, le comprendre. C'est s'ouvrir sur le monde.
C'est un peu beaucoup mon métier. Ce n'est pas un job. C'est une manière de respirer.
L'ÉTRANGER d'Albert Camus
Un jeune employé de commerce, Meursault, apprend que sa mère est morte. Il la veillera sans avoir envie de pleurer. Ça ne lui fait même presque rien. Le voisin de Meursault, Raymond, est un proxénète et lui demande un service afin de se dégager d'une situation avec sa maîtresse, avec lequel il aurait été brutal. Raymond craint les représailles du frère de sa maîtresse, des arabes. Quand Raymond injurie et frappe sa maîtresse, la police intervient et Meursault sert de témoin à Raymond. Meursault épouse Marie, sans passion, une ancienne collègue de travail. Raymond, Marie et Meursault arrose leur soirée et aborde la plage. Ils y feront la rencontre de deux arabes dont le frère de la maîtresse brutalisée. Une bagarre s'en suit, Raymond est coupé au visage.
Plus tard, seul sur la plage, ébloui par le soleil, Meursault revoie le frère arabe et lui tire une balle qui l'abat. Il tirera 4 autres fois sur le cadavre au sol.
Meursault sera arrêté et ses confessions jetterons de la consternation partout. Il est candide et sans filtre. Il ne regrette rien. Il ne sait pas mentir. Ne veut pas. Au procès, on parlera moins du meurtre que des sentiments de Meursault, ou de l'absence de ses sentiments, à l'enterrement de sa propre mère.
Il sera condamné à la guillotine.
L'aumônier qui lui rend visite le mettra en furie. Mais il trouvera la paix dans la sérénité de la nuit.
Camus, journaliste, propose avec ce livre de 1942, son premier roman. Un roman s'inscrivant dans sa tétralogie de l'absurde qui contiendra aussi, l'essai philosophique Le Mythe de Sisyphe ainsi que les pièces de théâtre Caligula et Le Malentendu. Trois autres oeuvres majeures de ce grand auteur.
Notre examen de secondaire 5 du ministère, en 1989, proposait une composition personnelle débutant par la première phrase de ce roman, l'une des plus célèbres de tous les temps:
"Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas."
André Malraux lira la première version et nota l'abus de la simple structure; "sujet, verbe, complément, point. ". Il relayera ses observations à Pascal Pia, ami proche de Camus qui corrigera en conséquence afin d'éviter la caricature. Il est vrai que le style simple, réaliste et précis, rend la lecture facile. Sur fond de profond existentialisme. Camus a cette plume qui vise juste. Et qui plonge dans l'abîme de l'absurde très simplement.
L'absurde se glisse si facilement dans nos vies.
Dans sa seconde partie, la partie judiciaire, le roman rappelle beaucoup les procès Staliniens, 8 ans plus tôt, où on accélérait les délais de procédures pour des condamnations rapides, sans arrières pensées.
Meursault dit plus qu'il ne sent. Il aime le soleil et ne laisse aucune ombre. Il n'est pas privé de sensibilité comme on le suggère, il est tenace, animé par la passion de l'absolu et de la vérité. Camus dira de son personnage qu'il a tenté d'écrire le Christ que nous nous méritons.
Un jeune Robert Smith sera inspiré de tout ça.
Lucino Visconti en fait un film en 1967.
Dans La Peste, Albert Camus y fait un client d'oeil dans un paragraphe:
"...au milieu d'une conversation animée, celle-ci avait parlé d'une arrestation récente qui avait fait du bruit à Alger. Il s'agissait d'un jeune employé de commerce qui avait tué un arabe sur une plage."
Ce que l'on appelle un chef d'oeuvre n'est que superficiel. Un livre inconnu peut nous paraître comme un chef d'oeuvre à une époque de notre vie et paraître insignifiant quelques années plus tard. Ce sont souvent nos émotions qui influent sur notre jugement.
Pas ce livre là. Lu pour la première fois au CEGEP. Puis encore à l'université. Puis deux autres fois adulte.
Camus ne lasse pas.
Il réarticule les particules de nos vies.
Jonglant l'absurde dans l'arène du vrai.
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