Chaque mois, dans les 10 premiers jours, comme je le fais pour la musique (vers le milieu) et la littérature (dans les 10 derniers jours) je vous entretien d'un film qui m'a beaucoup touché et tente de vous dire pourquoi.
Je vous en parle parce qu'il m'a séduit pour sa sa facture visuelle, son atmosphère, son approche narrative, ses interprètes, ses trouvailles, ses couleurs, ses sons, sa créativité, son flair, son inspiration, ses personnages, l'adresse de sa réalisation, son esthétique, son histoire, son originalité, sa capacité de m'amener ailleurs ou simplement là où je me reconnais tant. Je vous parle d'un film dont j'ai aimé tous les choix. D'un film qui a eu un fort impact sur ma personne et qui, bien souvent, se trouve dans ma Vievliothèque de DVD.
Voir un film, c'est voyager à peu de frais. Un luxe parfois extraordinaire.
LA HAINE de MATHIEU KASSOVITZ.
Violence dans les cités, radicalisation, colères mal calibrées, terrorisme en sourdine, mort sibylline, langage cru, langage de bois, justice personnelle, justice douteuse, tout dans le second long métrage du comédien Mathieu Kossovitz reste encore d'actualité. Il prédisait des choses, plus ou moins, sans le savoir, dont nous sommes tous témoins de nos jours.
Il était pourtant inspiré d'un événement passé.
L'affaire Makolé M'Bowolé est une bourde humaine datant de deux ans avant le film, en France. Au commissariat des Grandes-Carrières, dans le 18ème arrondissement de Paris, trois jeunes se font coincer en train de voler des cartouches de cigarettes. Deux sont relâchés mais pas M'Bowolé. L'inspecteur Compain veut lui faire avouer le vol par effraction. Il est accompagné de deux autres inspecteurs. Compain veut faire peur à M'Bowolé et lui plante un fusil qu'il ne croyait pas chargé au visage. La balle part. M'Bowolé se fait éclater la tête. Compain écopera, trois ans plus tard, de 8 ans de prison pour son homicide, jugé, involontaire. Kassovitz commence l'écriture de son film, inspiré de tout ça. Le tournage aura lieu à l'automne 1994 , principalement dans la cité de la Noë de Chanteloup-les-Vignes.
Le film de Kassovitz met en vedette Vincent Cassel, Hubert Koundé et Saïd Taghmaoui. Ils gardent tous leurs prénoms pour le film. Ce qui ajoute une certaine vérité. Vinz, le blanc juif, Saïd le maghrébin musulman et Hubert le noir chrétien, sont les trois protagonistes que nous suivrons dans les nuits d'émeutes de Paris suivant la grave blessure par balle d'un jeune par un inspecteur de police.
Jusqu'ici, tout va bien...
Nous suivront 24 heures d'intensité de leur colère. Une montée qui n'a rien à envier au Do The Right Thing de Spike Lee, auquel il emprunte la courbe narrative.
Le choix de Kassovitz, de tourner en noir et blanc, est non seulement esthétiquement concluant, mais suggère aussi l'absence de subtilité des personnages et de ceux qui les jugent, voyant tout noir ou tout blanc dans la situation des jeunes dans la cité.
L'ignorance et la pauvreté intellectuelle y sont traités avec intensité et ont des conséquences graves. La pauvreté de la banlieue est liée à celle de l'esprit de certain personnage. L'humour y est bien rythmé au travers du désarroi. On sent du début à la fin que la marmite mijote un plat chaud. Les journalistes, visant la sensation, sont vite écartés de leur cercle. Ils marquent aussi une large distance entre la classe éduquée et celui qui apprend la vie dans le rue, à la dure.
Le film, accusé injustement à rebours, de racisme et de tranquille misogynie trace un portrait de quartiers pauvres et bouillants. Lancé en 1995, le film est encore fameusement pertinent. Les sonnettes d'alarmes d'il y a 23 ans sont encore les mêmes de nos jours.
C'est l'histoire d'une société qui tombe.
Et qui se dit chaque 10 secondes, jusqu'ici, tout va bien...
Un film culte.
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