Cette année marque le 35ème anniversaire de la mort précipitée de l'Allemand Rainer Werner Fassbinder. Il aurait eu 71 ans, le 31 mai dernier. Il n'avait donc que 37 ans.
Prétendre que Fassbinder était un hyperactif, un boulimique, est un euphémisme. En seulement 13 ans, il a tourné 40 films, séries télé, a écrit de nombreuses pièces de théâtre et adapté un paquet d'autres.
On peut légitimement se demander ce que RWF aurait fait d'un autre 35 ans de vie.
Ou peut-être est-ce évident. Fassbinder était un homme de son époque (les années 60-70). Il était complètement habité par la défunte RFA et la filmait sous tous ses angles. Il a toujours accusé son Allemagne de ne jamais avoir exorcisé ses démons Nazis. Les éléments nazies de la société allemande lui apparaissaient de partout en politique et en affaire.
Mais la survie de Fassbinder dépendait exclusivement de ce gouvernement des années 70. Les programmes de subventions gouvernementaux étaient généreux pour lui. Il avait réussi à se négocier de multiples salaires pour chaque chapeau qu'il portait: réalisateur, scénariste, producteur, comédien, directeur photo, compositeur musical, sélectionneur de musique. Il était très critique de l'Allemagne de l'Ouest, ce qui a rendu son cinéma impossible à aimer populairement, parce que trop hostile, mais intensément sexuel aussi, tout sexe confondu, ce qui l'a rendu populaire de manière underground. Commercialement, ses films ne rapportaient rien, ou presque.
Quand Helmut Khol est arrivé au pouvoir , il a aussitôt fait disparaître cette aide aux artisans du cinéma. Rainer n'aurait pas eu le choix que de verser, ne serais-ce qu'un peu, dans le cinéma commercial. Et payant.
Je me demande comment ses oeuvres passées aurait parues dans une somme plus substantielle. Je crois déjà préférer la carrière qu'il a eu que celle qu'il aurait pu avoir.
Il était un enfant sauvage, abandonné dans les salles de cinéma enfant par une mère monoparentale qui devait travailler. RWF pouvait voir jusqu'à 4 à 5 films par jour. Plus tard, il tournerait 4 à 5 films, par année. Jeune délinquant juvénile, il se découvre homosexuel adolescent. À 15 ans, il laisse tomber l'école. Il veut trop faire autre chose. C'est en retrouvant son père, un docteur cultivé, qu'il s'initie au théâtre, la littérature et à la poésie. Il prendra des cours de théâtre entre 1964 et 1966. Il y fera la rencontre d'Hanna Schygulla, qui le suivra/le survivra toute sa vie.
Pour entrer à la Berlin Film School, il signe un film en 8 mm que François Ozon adapte en 1999. Excessif, il en soumet trois au lieu d'un seul. Il sera refusé. Il fera quand même plusieurs court-métrages, financé par un amoureux, aspirant acteur en retour de rôle dans ses films. Il sera très actif comme comédien de théâtre vers la fin des années 60.
Contrairement aux autres cinéaste du nouveau cinéma allemand, Schlöndorff, Herzog ou Wenders, le cinéma de Fassbinder aura toujours une lourde (pour plusieurs) empreinte théâtrale. Mais comme il comptait toujours sur des budgets faméliques, l'idée de peu de décor le servait bien.
Débauché du milieu de la Baader-Meinhof et du nouveau demi-monde politique gay, vivant une vie carnavalesque d'excès de toute sorte, son entourage devait s'attendre à beaucoup d'intensité mal calibrée autour de lui. Plus près du cruel monstre que de l'humain, il a mené deux amants au suicide. Un brin narcissique, il était son propre chef d'oeuvre et son propre portrait de Dorian Gray.
Mais dans son déluge de films, plusieurs valent le coup d'oeil. Le Marchand de 4 Saisons, Les Larmes Amères de Petra Von Kant, Fox & Ses Amis, Tous Les Autres s'appellent Ali, Les Dieux de la Peste, Pourquoi Mr R. est-il Atteint de Folie Meurtrière?, Prenez Garde à la Sainte Putain, Le Mariage de Maria Braun, Lili Marleen, Veronika Voss.
Je me promets un jour de peut-être visiter ses 15 heures de série télé Berlin Alexanderplatz.
(pas d'un seul coup, pardi!)
Il a même tâté (pour la télé, toujours) de la science-fiction en 1973.
On a lancé sa série sur la classe ouvrière de 8 heures, Eight Hours Are Not a Day, le 28 août dernier en vidéo. Qu'on dit Fassbinder "à son plus écoutable".
Inimitable, parfois intolérable, très certainement phénoménal, Rainer Werner Fassbinder, homme malade sans le savoir, meurt de l'absorption d'un cocktail cocaïne/barbiturique en 1982.
Excessif jusqu'à extinction.
Laissant, étonnamment, beaucoup , beaucoup, beaucoup, beaucoup découvrir.
Comme ce film que j'ai écouté mercredi dernier.
Et cette série de sci-fi que je cherche ici et là.
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