Philip Roth est un grand auteur Étatsunien.
Pour vous en convaincre et souhaiter que vous exploriez son univers littéraire, voici 10 raisons de le faire.
Philip Roth est mâle.
Ceci est une qualité autant qu'un défaut. Voilà la chance pour toute les femmes de plonger dans la perspective masculine, d'entrer dans le vestiaire mental masculin, d'ouvrir les portes secrètes de ce qui compose la mécanique psychologique des hommes avec un petit h. Car si cette chance de lire un homme sans filtre est révélatrice des composantes du cerveau (et des pulsions sexuelles mâles), elle est aussi révélatrice des faiblesses masculines.
Dans le cas de Roth, il faut y mettre une large part d'immaturité émotive, un brin de narcissisme, une juiverie sursexuée, un style entre Pynchon, Eliott, Wolfe, Updike ou DeLillo. Mais aussi beaucoup d'humour et d'autodérision. Et une intelligence certaine.
Philip Roth est mortel.
Juif de son état, la mort a toujours été présente dans son oeuvre, du tout premier au dernier livre. Il s'agit parfois d'un souci, d'une crainte, d'une tare ou d'une condamnation, mais il s'agit aussi d'autres fois d'un but, d'une libération, de la dernière station avant le grand voyage. Philip Roth doute de bien des choses mais si il est certain d'une seule chose c'est que nous allons tous à la même gare à la fin de nos jours. Par nature angoissée, il y pense souvent. Et l'écrit merveilleusement. Et souvent de façon très amusante.
Roth a cette qualité qu'on les auteurs juifs de savoir rire d'eux-même. Woody Allen avait largement emprunté de l'univers de Roth dans l'un de ses meilleurs films en 1997, Deconstructing Harry. Ce fabuleux film d'Allen était aussi une façon d'exorciser à l'époque toutes les accusations obliques qui pointaient vers lui quand il a entamé une liaison amoureuse avec la fille adoptive de Mia Farrow. L'exorcise, depuis les horreurs de la Seconde Grande Guerre perpétrées contre le peuple juif, est omniprésente chez toute une génération d'auteurs juifs qui auront suivi. Mâle, juif et mortel, trois composantes aussi amusantes, intéressantes, que fragilisantes.
Philip Roth est Étatsunien.
Vous voulez goûter au parfum d'Amérique? Roth pourrait être votre soupe littéraire. L'action de ses romans se déroulant pratiquement toujours exclusivement aux États-Unis, dans son connecticut natal ou à New York principalement, vous offre une vitrine sur la dynamique Étatsunienne de tout un siècle. Avec American Pastoral, l'histoire d'un couple de sublimé de l'école secondaire, de leur mariage, de la naissance de leurs deux enfants et de la misère et la descente aux enfers que ceux-ci leur feront vivre est à la fois un portrait de tout ce qui ne tourne par rond aux États-Unis, caché sous un brillant vernis, et un chef d'oeuvre d'écriture. Envie de parfum d'Amérique? Lisez Philip.
Philip Roth ne fait que s'amuser.
Et il nous amuse dans le processus. Dans son tout premier moment, on nous raconte l'histoire (la sienne) d'un adolescent des années 40 s'enfermant continuellement dans la seule toilette familiale afin de se livrer à des caresses sexuelles sur sa propre personne. Les échanges entre la mère qui frappe à la porte, inquiète et Portnoy, continuellement interrompu dans ses découvertes de sensations sont délirantes d'absurdité. Humiliation, scènes qui deviennent de pure moments de bouffonerie et chutes comiques sont légions dans l'oeuvre de Philip Roth. Vous voulez rire? Certains Roth sont à precrire.
Philip Roth est Nathan Zuckerman.
Les auteurs, moi inclus, doivent toujours affronter la question suivante "Parles-tu de toi?".Dans le cas de Roth la question revient tout le temps. D'autant plus que la plupart de ses romans sont écrits au "je" et que même l'un d'eux, met en vedette un personnage écrivain du nom de...Philip Roth. Il devient donc difficile de ne pas faire d'association directe. Nathan Zuckerman est un écrivain et l'alter ego de Philip Roth. Il apparaît pour la première fois en 1974 dans My Life As a Man, une première tentative de la part de Roth pour tenter de s'affranchir d'une certaine part de maturité. Zuckermnan revient 5 ans plus tard, un homme sérieux cette fois, dans The Ghost Writer, une splendide oeuvre sur l'humilité, l'identité, la responsabilité professionnelle et la condition des juifs en Amérique. En 1981, Zuckerman est le personnage principal du très comique Zuckerman Unbound. Il revient dans The Anatomy Lesson en 1983(très drôle), The Prague Orgy en 1985, The Counterlife en 1986, American Pastoral en 1997, I Married a Communist l'année suivante, The Human Stain en 2000 et Exit Ghost, 7 ans plus tard.
Philip Roth est divorcé.
Juif, immature, divorcé, vous avez ici trois ingrédients qui donnent du moteur comique à sa narration. Vous aurez au sein de son oeuvre des situation de revanches qui tourneront au drame ou encore au délire absurde et pratiquement toujours comique. Et c'est toujours Monsieur qui finit par avoir l'air fou.
Philip Roth est un fils à maman.
Ce qui explique son immaturité. Les relations familiales sont au coeur de l'oeuvre de Roth. La mère de Roth, Bessie, est plus une sainte qu'un monstre à ses yeux mais Roth tentera de couper le cordon ombelical toute sa vie dans ses livres. Souvent avec humour, en voulant s'affranchir de sa mère, mais pas trop. Son père, Herman, n'est pas à négliger non plus.Roth y consacre un livre entier dans le très touchant (et étonnament drôle) Patrimony.
27 fictions, 4 non-fiction, 13 essais, une quantité innombrables d'articles de journaux, de nouvelles, de commentaires sociaux et de critiques, Philip Roth ne manque pas de matériel. Alors que la plupart des auteurs de 80 ans ont ralenti la cadence de leur production, Roth a eu le parcours inverse entre 1959 et 2013, offrant même 8 livres entre 2000 et 2010. Entre 2005 et l'an dernier, ses oeuvres se sont réunis en 9 coffret couvrant autant de période d'écriture de la part du grand auteur.
Philip Roth est immortel.
Il y a 20 ans, Philip Roth aurait pu se tailler une place parmi les 10 meilleurs auteurs vivants d'Amérique. Mais avec son rythme et son talent depuis, on peut très certainement penser qu'il est au sommet de son art, et le dernier des juifs errants.
Il a choisi le métier pour qu'on ne l'oublie jamais en tout cas. :)
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