lundi 6 août 2012

Le Rang

"Il y a du drôle de monde là-dedans qui travaille de façon très bizarre et qui n'ont pas une bonne réputation à la ville"

On dirait le maire d'un petit village non?

Je n'ai rien contre les petits villages. Je trouve certains villages très très charmants. J'aime aussi l'idée que tout le monde se connaissent comme à la petite école. Mais un petit village oblige aussi souvent quelques défauts. Comme l'inévitable esprit de clocher. Et l'esprit de clocher oblige aussi, inconsciemment, un certain repli sur soi-même.

Je suis indécrottablement quelqu'un de beaucoup trop ouvert sur le monde entier pour être en mesure de vivre dans un village. C'est entre autre pour ça que, 5 ans après migré du centre-ville le plus intéressant en province pour m'éteindre peu à peu en banlieue, j'ai plongé dans la connection cybernétique internationale.

Mais revenons à la citation en ouverture. Il y a une demie-tonne de préjugés dans la structure même des propos. Ce sont de propos tenus par Régis Labeaume, maire de Québec, en juillet dernier alors qu'il parlait des organisateurs des feux d'artifices dans la région. Québec, j'y ai passé 16 ans de ma vie. 16 cyboles de bonnes années. de 2 à 18 Mais dès la fin du primaire, je réalisais qu'à la majorité je voudrais être ailleurs.

Je réalisais aussi que notre bloc de nouvelles à la télévision était divisé en deux.

La première partie étaient les nouvelles diffusées du pupitre de Montréal, "en réseau" avec des enjeux internationaux, un somptueux décor, des pros pour livrer la nouvelle, et pratiquement toutes les nouvelles politiques...qui pourtant...avaient source à quelques kilomètres de chez moi au parlement de Québec. Puis, après le premier segment de nouvelles que la famille écoutait très attentivement, arrivait, après une avalanche de publicités, un bloc local, avec un différent présentateur qui avait franchement moins d'ampleur, un décor cheap, souvent des gens pas complètement prêts à entrer en ondes après avoir diffusé en mode "réseau". Et des nouvelles très très locales que plus personne autour de la table n'écoutait. C'était bien parce qu'on se jasait, mais ces nouvelles, comme issues d'un feuillet paroissial et présentées par des journalistes jamais hyper professionnels, étaient quelques fois épouvantablement gênantes. Au point de ne retenir que la manière de présenter la nouvelle, la manière de se représenter soi-même à l'écran, au lieu d'en retenir nécessairement le contenu (puisque souvent d'un intérêt minime). Comme cette citation en ouverture.

Très vite j'ai compris que j'avais besoin de plus grand. Que je voulais faire partie du premier segment des nouvelles. Question d'ego je présume.

Un ego 100% conflictuel avec celui de ceux qui peuplaient majoritairement ma région de toute façon: les babys-boomers. J'étais au coeur d'un coin de vie, un microcosme social qui, jusqu'à tout récemment était surtout principalement conçu par la majorité qui l'habitait, les boomers. J'en ai développé une certaine impatience/intolérance à leur égard à certains moments.

Le diminutif Régis Labeaume est entré en politique quand ses propres enfants ont fait le même constat que moi et ont quitté la région eux aussi. Ça l'a attristé que ses propres enfants puissent penser que "Québec ne soit pas une ville conçue pour les jeunes". Il est entré en politique pour, entre autre, leur prouver le contraire.

(Le temps, le conflit étudiant principalement, aura aussi prouvé que c'est toute la province qui n'est pas conçue pour les jeunes mais rappelons du même coup qu'il s'agit actuellement du premier baby-boomers qui soit à la barre de la province.)

Labeaume a beaucoup fait pour la ville de Québec et pour changer la perception que les gens s'en font. Souvent, il a réussi. Avec de très beaux réaménagements urbains, des invités de marque dans les festivals ou ailleurs. Et pas juste pour les boomers. Bientôt un Colisée, collatéralement dommageable aux étudiants justement, mais qui, a long terme, attirera peut-être des big shots. Si Québec veut faire le paon un peu, il veut un bel enclos pour le faire.

Quelque fois il décomplexe la région de Québec sur son statut par rapport aux grandes villes du pays, mais une certaine radio locale en semaine rappelle tout le monde à l'ordre et nous confirme que Québec est encore bien souvent trrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrès très petit* mais souvent Québec à raison de se sentir "à l'heure du monde".

Dans le même journal, le même jour, jour de l'ouverture du Festival d'Été je lisais en entrefilet:
"...Le maire avait en effet garni une clé USB de chansons d'artistes présents à l'évenement qui commence aujourd'hui, or, M.Labeaume part demain pour une mission d'une semaine en France. "J'ai 224 tounes su' ma clé, j'ai 19 groupes" a-t-il dit..."

Je ne sais pas pour vous mais quand je lis ceci, je vois ma grand-mère quand elle a envoyé son tout premier courriel: "J'ai envoyé une lettre par la tévé" disait-elle.

Il quittait pour la France...je ne sais quel type de folklore il leur dégoulinera, mais si il lance le mot toune là-bas et dit groupes pour parler des artistes, je crois qu'ils ont de toutes nouvelles raisons d'être condescendants envers les gens du rang...

Pour un dignitaire, ça me semble à la limite de dire "convertible" pour parler de décapotable, "aller au théâtre voire des vues" pour dire aller de cinéma ou parler de "discothèque" pour parler d'un bar.

On peut essayer de maquiller le vieux pour essayer d'en faire un jeune, mais ça restera toujours un rôle difficile à tenir si on n'a pas la taille du costume.

J'ai bien peur que ce soit cette région qui nous cochonnera les résultats d'élections en fin de peloton.

*Dans le même journal, le même jour, en parlant du Festival d'été, on titrait "Think Big!", il faudrait donc forcément être petit si on se force à penser grand, non?

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