dimanche 12 août 2012

Fille à Papa

Punkee et  moi avons une très belle relation. On se ressemble à bien des niveaux. Peut-être est-ce toujours ainsi entre parents et enfants, à sexe inversé, il serait plus facile pour un père et sa fille (pour une mère et son fils) de mieux s'entendre. Par projection. On se voit en petit garçon et on est plus sévère avec la petite version de soi-même. Pas que j'ai une mauvaise relation avec mon fils, au contraire, on est les meilleurs amis du monde. Mais avec ma fille, 4 ans plus jeune que le grand frère, le rapport à ce petit quelque chose de plus particulier encore.

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Sofia Coppola n'avait pas le choix. Si elle devait se lancer dans le même métier que son père, elle se devait de se faire un prénom. De faire oublier le gros éléphant blanc qui apparait dans la pièce quand on dit "Coppola". Papa a eu la bonne idée d'affubler son nom à un (très bon)vin ce qui associe "Copolla" à autre chose que nécessairement du cinéma.

Sofia était la fille à papa. Enfant de la balle, elle a longtemps erré sur les plateaux de tournage, enfant, ado, adulte. Naissante, elle était même le bébé baptisé dans The Godfather II en 1974.

Quand la réalisatrice s'est commise la première fois, nous avions notre tout premier enfant, Monkee, délicieux fils. Toutefois comme tout était si intense dans nos vies néo-parentales, quand est venu le moment de se rendre au cinéma dans un rare moment de respiration naturelle, nous sommes tombés sur The Virgin Suicides. Le premier film de Sofia Coppola dont le seul nom de famille obligeait toute une légion de critiques à la scruter avec une attention particulière.

Le chef d'oeuvre qu'elle a mis en son et en images cette année-là a été une révélation pour nous. On a acheté le dvd. J'aurais rêvé d'avoir ce film comme tout premier film dans mon cv. Un bijou (personnel). Le film raconte le livre de Jeffrey Eugenides. C'est l'histoire d'un groupe d'adolescent, intrigué par les 5 soeurs Lisbon dont la plus jeune s'est suicidée et dont les parents ont choisi de cloîtrer les 4 survivantes dans leur maison afin d'éviter qu'elles soient "gâtées" par le "mal" de l'influence du monde extérieur. La direction/photo, la musique, l'ensemble est un extraordinaire voyage.

J'ai tant aimé que je me devais de suivre le reste de son oeuvre.

J'ai aussi beaucoup apprécié l'aérien Lost In Translation. Comment ne pas faire autrement, je suis moi-même traducteur. Je n'étais pas le seul, le film a été un grand succès planétaire récoltant les prix ici et là.

Puis Marie-Antoinette, film inspiré des livres d'Antonia Fraser et d'Evelyn Lever sur la reine guillotinée, film que la critique a démoli mais que j'avais beaucoup aimé. Très Antonionesque. Le vide royal tel que je l'imagine moi aussi. Parfaite errance. Et cette touche musicale (elle a fait beaucoup de vidéoclips) qui donnait un air des années 2000 à des images voulant recréer les années 1700. Nice touch.

J'ai finalement vu Somewhere que je me promettais de voir aussi. Par respect pour l'auteur. L'histoire d'un acteur légèrement désoeuvré logeant au Château Marmont et de sa relation avec sa fille de 11 ans.

Et là, j'ai compris tout plein de choses.

Sofia, fille à papa, puise beaucoup dans ce qu'elle a vécu. En fait elle tourne en cycle: une adaptation, une oeuvre plus personnelle, une adaptation, une oeuvre plus personnelle (et ce malgré le fait que Marie-Antoinette devait être produit avant Lost in Translation). Dès le premier plan de Somewhere, Sofia nous offre plus de deux minutes d'une voiture tournant en rond. Revisitant les mêmes repères, le même décor, le même trajet. Comme Sofia et sa caméra.

Ses films sont comme des clips étirés sur 1h30. Souvent une chanson va être jouée intégralement à l'image. On a droit à de nombreux plans de gens qui se regardent, et je suis un énorme partisan du regard passé d'un individu à l'autre, je suis donc facilement gagné. Dans ses films, elle prend le temps de s'installer. On peut facilement passer 15 minutes (Antonioni again) sans qu'il y ait de dialogue. Comme si elle nous disait lentement "voici le monde de Sofia, pas de papa". Grand sentiment de respiration. De procrastination aussi. Procrastination qui doit faire écho à la sienne quand elle trainait sur les plateaux de papa. La proscratination n'a jamais été aussi élégante que devant la lentille de sa caméra.

Sur les plateaux de papa, peut-être s'inventait-elle, plus jeune, des histoires de papa aux airs de rock star ou encore de flirts avec des hommes d'âge mûrs comme dans (respectivement) Somewhere et Lost in Translation. Peut-être n'invente-elle rien non plus...

Peut-être est-ce sur les plateaux de papa aussi qu'elle a développé le fétiche de la blonde, elle-même, jeune fille aux cheveux noirs charbon. 5 blondes dans son premier film, Scarlet dans le second, la pâleur du palais de Louis XVI dans le 3ème, pratiquement juste des maitresses blondes pour la papa de la petite Elle Fanning (tirant sur le blond elle aussi) dans Somewhere.

J'adore les chroniques du rien mis en image par Sofia Coppola, car ce n'est jamais du rien.
C'est comme les chroniques du rien de Pierre Foglia qui m'illuminent depuis 20 ans.
On en retire toujours quelque chose.

Certains diront que son cinéma c'est de la calorie vide.
Qui n'aime pas le chocolat de temps à autres?
Surtout l'été.

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Punkee, ma fille avait écrit sur une feuille de papier:
dans le ciel il y a une étoile qui brile toute illuminer (double sic)
J'ai écrit en dessous pour qu'elle le lise une prochaine fois:
Et cette étoile était si belle qu'on a dû l'appeler Punkee.

Ça l'a ravie:)

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