(à Canette)
Elle l'a trouvé beau tout de suite. Grand garçon à la force tranquille.
D'une beauté simple. Sa manière de se placer dans l'espace. De choisir ses mots. De rester posé et serein dans le brasse-camarade. Ils se connaissaient depuis peu mais il l'avait tout de suite appelé Roxy, diminutif de son prénom, Roxanne, liberté qu'elle laissait généralement à ses amis intimes.
Elle s'était surprise à trouver cette attention agréable.
La contestation étudiante battait son plein. Ils avaient pris part ensemble à plusieurs marches contre la hausse des frais de scolarité. Sa faculté à lui était en grève, pas celle de Roxanne. De jour, elle prenait part aux esclandres des étudiants. De loin. Aux côtés de quelques amis. Dont lui. L'ami d'un ami d'une amie. Dès qu'on sentait l'odeur de la matraque, on se poussait. Ça pouvait être des raids de 15 minutes comme ça pouvait être des marches de trois heures. Jamais ils n'avaient été inquiétés par la brutalité policière ou encore par une potentielle arrestation arbitraire. Ça ne semblait que se passer à la télévision ces choses-là. Pour justifier la présence de l'hélicoptère TVA dans le ciel de Montréal.
De jour, elle était figurante dans les manifestations avec lui (comme Jean Charest les voudrait figurants dans leurs vies à eux) et en soirée, elle poursuivait ses études, en criminologie. Sa faculté avait voté contre la grève et elle s'en réjouissait car ceci ne retarderait pas son parcours scolaire. De plus, son emploi au Camp de Vacances Boute en Train en juillet ne serait pas affecté par la suspension des cours. Tout allait bien pour Roxy.
Sauf en amour.
Jeune fille simple. Jolie, d'une beauté simple elle aussi. Qui créait un impact visuel aux formes enviables dans un groupe.
Bien que timide, elle savait faire sentir sa présence. Par contre la vie à deux ne semblait pas s'imposer dans sa vie.
Lui, sans attaches amoureuses apparentes, lui avait dit qu'elle lui faisait penser à Scarlet Johansson. Il y a pire comme comparaison. Elle avait rougi. Convaincue que ceci voulait dire qu'il la trouvait belle et désirable. Ensemble, ils avaient beaucoup parlé de participer à la marche des étudiant nus. Ils en avait parlé pendant deux jours pour mieux se trouver des excuses pour ne pas y être au bout du compte. La pudeur de part et d'autre.
Il semblait d'ailleurs quelques fois plus réservé qu'elle, presque plus timide. Avec les gars, il était dynamique, enjoué, verbomoteur, comique mais avec elle, il semblait intimidé. Quand il riait, il s'obligeait à freiner son rire rapidement. Comme si rire était un luxe qu'il ne pouvait pas se permettre en sa présence. Elle lui avait dit quelques fois qu'elle le trouvait drôle. Dernièrement elle lui avait aussi dit qu'elle le trouvait très drôle. Toutes les fois cela voulait plutôt dire qu'elle voulait bien de lui dans sa vie. Pas juste dans la rue à ses côtés. Ailleurs aussi, peut-être, si il le voulait bien. Rire avec lui. Plus souvent. Mais il semblait sur ses gardes. Sur la défensive.
Fragilisé par un amour déçu du passé?
D'une autre allégeance sexuelle?
Incertain de commettre les bons gestes autour d'elle?
Roxy ne le savait pas.
Mais elle avait envie de lui crier : "C'EST CORRECT, TU FAIS TOUT CE QU'IL FAUT' TU ME PLAIS"
Mais en même temps, étais-ce possible qu'elle ne lui plaise pas à lui? Elle avait multiplié les efforts dernièrement pour se présenter de manière toujours impeccable en sa compagnie. Elle avait remarqué qu'il la regardait différemment. Les yeux vers sa poitrine quand elle portait un gilet moulant. Les yeux sur ses cuisses quand elle portait des shorts ou une jupe. Elle se sentait désirée de sa part et elle aimait ça. Mais quand le groupe d'amis se retirait, il avait toujours autre chose pour s'occcuper.
Jusqu'à ce soir là, quand les libéraux ont suspendu la session, où il a simplement dit sagement "Moi je rentre chez nous à pied, je suis trop fatigué pour vous suivre". Roxy avait sauté sur l'occasion et sans même réfléchir lui avait dit "je vais marcher avec toi". Pour lui tout cessait, pour elle ça devait durer. Des amis avaient tout de suite compris où ça pouvait mener tout ça. Et dans l'appartement aux murs jaunis par la cigarette du jeune homme ils avaient collés leurs peaux l'une contre l'autre.
Dans des ébats que seule la passion et le désir savaient traduire.
Roxy était ravie.
Le lendemain matin on était déjà passé à un nouveau chapître. Il était distant. Rieur mais en complicité avec ses deux co-locs. Deux amis beaucoup plus dominants que lui. Il avait l'air d'un petit animal bléssé au bout de la table.
Roxy avait été la dernière à se lever. Elle se sentait vulnérable en compagnie de ses trois loups dans la petite cuisine. Ils avaient été gentils avec elle, lui avait fait à déjeuner, avaient voulu en savoir plus sur sa personne, lui avait parler du conflit étudiants. Rapidement le sujet du conflit étudiant allait prendre toute la place et Roxy remarquerait que ses deux co-locs étaient plutôt en faveur de la hausse des frais de scolarité. Que son amant était seul avec elle sur cette position anti-hausse de frais de scolarité.
Ça aussi ça la rendait heureuse. Ils étaient en quelque sorte à nouveaux unis, rassemblés, branchés l'un sur l'autre. Cela expliquait surement aussi pourquoi il paraissait gêné au bout de la table. Sa soeur d'armes qui apparait autour d'une table où se trouvent deux déserteur d'une guerre contre laquelle ils s'inscrivent en faux. Roxy s'est vite trouvé une excuse pour quitter les lieux. En lui faisant dire "on se revoit bientôt". Il ne l'avait pas embrassé par exemple.
Par pudeur devant ses co-locs peut-être.
Peut-être aussi parce que... cette aventure... n'aurait pas de lendemain?
Elle ne lui as pas demandé. Elle a cherché la réponse à la question qu'elle ne posait pas dans les yeux de son amant mais n'avait rien trouvé d'autre que le reflet d'une étoile. Une étoile peut-être simplement logée dans son regard à elle.
Ou un éclat dans le mouvement d'une étoile
qui va mourir au petit jour
Aux aurores boréales.
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