"It took me a long time to become a human being" a-t-il dit.
Alors qu'il était tout juste majeur, Charles Schulz a perdu sa mère aux mains du cancer et dès le lendemain matin quittait pour faire sa part à la seconde guerre mondiale.
Il était dans une escadrille que l'on appelait "les fils à maman/papa". Une division composée majoritairement de soldats fragiles qui avaient été surprotégés par un père ou par une mère. Schulz admirait aveuglément son père barbier mais adulait carrément celle qui en faisait toujours un peu trop pour lui: sa mère.
Il venait de la perdre, son monde s'écroulait.
À son retour de la guerre, au Minnesota, il s'attendait à des accolades, à être accueilli en héros. Les soldats de la première grande guerre avaient eu des parades de confettis, étaient salués comme des demi-dieux. Ceux de la seconde guerre mondiale revenait dans un nuage de bombe nucléaire. Was this any good? semblaient se demander les gens du Minnesota.
Convaincu très jeune qu'il ne pouvait rien faire d'autre que du dessin pour vivre, Charles Schulz a multiplié les demandes dans les journaux en envoyant ses dessins de sa main. Suite à de multiples refus, il suit des cours de dessin pour parfaire son art et devient instructeur lui-même à la Art Instruction Inc.
Il y nouera de solides amitiés, un certain Linus Maurer, un Charlie Brown, une Frieda et tombe amoureux d'une jolie fille rousse qui seront tous évoqués dans sa future bd.
La jolie fille rousse en préfère un autre. Si Schulz a un certain talent pour le dessin, fils unique au caractère mélacolique, émo avant le terme, homme incapable de réèllement créer des contacts facilement avec la gente féminine, il est très maladroit dans ses relations avec les autres.
En prenant une marche avec une amoureuse dans un champs, quand une vache fonce sur eux, il ne pense pas une seule seconde tenter de sauver sa compagne et grimpe dans un arbre. Plus tard, quand sa femme ira en Asie faire faire un avortement à leur fille qui est tombé enceinte précocement, la première chose qu'il leur demande est "Et puis? comment était le décor en Chine?"
De 1947 à 1950, Schulz vend avec succès au St.Paul Pionner's Press ses personnages d'enfants aux grosses têtes sous le titre "Lil' Folks". Le nom de Charlie Brown est associé à 3 différents garçons dans cette série sporadiquement publiée. En vendant ses personnages au Saturday Evening Post il tente d'enregistrer le nom de Lil' Folks mais l'auteur d'une chanson du même nom lui demande de changer le titre. Un comité de marketing du journal choisira Peanuts ce qui irritera Schulz toute sa vie qui militait pour Good Ol' Charlie Brown. Toute sa vie il se fera demander "Qui est Peanuts? quand le verra-t-on?"
Avant que Peanuts ne prenne son envol, Schulz dessine aussi pour the Church of God avec lequel il est étroitement associé, et une série sur les sports. Il abandonne vite les deux projets devant le succès immense de ses quatres cases hebdomadaires.
Boy among men, il ne dessinera plus jamais d'adultes.
Il met dans son oeuvre énormément de lui-même. Il sera Charlie Brown, Linus, Schroeder, Snoopy et quelquefois Woodstock. Sa femme, Joyce, sera Lucy. Sa cousine, Peppermint Patty.
Le père de Charlie sera barbier comme le sien. Charlie Brown sera existentialiste, fataliste, timide, malhabile et incertain de lui-même. Comme Schulz. Au zénith de sa carrière dans les années 60, alors qu'il était l'artiste le plus candidement aimé à travers la planète, le plus riche aussi, il se demandait encore si les gens l'aimaient et quand il le faisaient, pourquoi?.
Cette fausse humilité cachait une envie d'être couvé. Schulz était un adepte du confort dans le spleen. La solitude choisie. La solitude sans risque. le contrôle total de son univers. En fils unique. Jusqu'à sa mort, il n'a jamais fait appel à des assistants.
Schulz mettera ses infidélités dans ses bd au travers de Snoopy qui aiment deux chiennes en même temps et se questionne sur la chose.
Dans ses oeuvres, l'indifférence serait la principale réponse à l'amour. Quand ses personnages tenteraient d'aimer, ils seraient généralement accueillis non seulement par le rejet, mais souvent par la froide et brutale indifférence.
Infirme social, Schulz trouvait refuge en 4 cases chaque jour de sa vie. L'Amérique l'a adopté et aimé immensément. Héros sans en accepter les responsabilités Schulz devient extrèmement riche avec les produits dérivés de ses vignettes. Quand il soustrait Linus et Lucy temporairement de celles-ci, l'Amérique se couche sur le divan du psychanalyste. Même certains docteurs écriront à Schulz de ramener les personnages car leur absence est malsaine pour la psychée collective des États-Unis.
Il était facile pour moi de m'identifier aux blues de Charlie Brown, j'étais aussi amoureux d'une jeune fille rousse qui avait choisi une autre vie. J'ai reconnu un tempérement comme je m'étais reconnu en Holden Caufield chez Salinger. Schulz a été élevé sur un coin de rue comme moi, je me suis vite retrouvé dans l'oeuvre existentialiste qui faisait écho à l'enfant mélancholique que j'étais.Les enfants sont heureux et l'enfance est une période chérie et dorée.C'est à l'âge adulte que l'on lutte avec la vraie douleur. Mais ce sont les douleurs et cruautés d'enfants que nous dessinnaient Schulz. Et qui faisaient échos à tant de blessures d'adultes.
Tough just to be Charlie Brown disait le personnage avec la tête en forme de lune. Parlez-en au vrai Charlie Brown, ami de Schulz auquel il a emprunté le nom. Tentant de vivre avec une sexualité confuse, il a tenté de se suicider à deux reprises. La première fois le noeud coulant de sa corde s'est détaché et la seconde fois, il avait mal calculé le niveau d'essence dans sa voiture, en avait trop peu. Il s'est réveillé dedans, dans son garage, avec une panne d'essence.
Typiquement Charlie Brown. Typiquement Schulz aussi. Du genre "Hey! Look! I'm here!".
L'image au sommet de ce post est devenue mon fond d'écran récemment.
Punkee, ma fille, est venue derrière moi pour me dire "WOW! papa c'est cool ton fond d'écran!!!! Je les aimes eux!"
Moi qui ne lui ai jamais vraiment présenté les personnages suis resté étonné.
"Tu les connais?"
"Oui, je les ai vus dans la télé l'autre fois, je les aimes..."
Cette Punkee me ressemble dangereusement en vieillissant...
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