Ciel Ébranlé

"C'était pas des coups de fusils normaux"

-La voisine de la résidence familiale de Jovenel Moïse. 

Ça en dit long sur ce qui est quotidien en Haïti.

C'est malheureusement trop récurent, les bouleversements politiques, là-bas. L'instabilité politique est constante.  

À 1h00 du matin, dans la nuit de mercredi, des mercenaires s'annonçant comme des agents de la Drug Enforcement Administration (DEA), ont criblé de balles le président haïtien Jovenel Moïse et ont aussi tiré sur sa femme qui est toujours hospitalisée mais qui devrait survivre au cauchemar nocturne à Port-Au-Prince. 

La police d'Haïti a déclaré avoir assassiné à son tour 4 des 6 mercenaires et en avoir arrêté deux autres. Un docteur aurait aussi été arrêté comme étant le penseur de tout ça. Encore hier, on montrait des images de Cubains et de Colombiens, prisonniers, prétendus mercenaires du raid meurtrier. Il y aurait deux individus des États-Unis dans le lot et un ancien garde de sécurité de l'ambassade au Canada. Haïti c'est beaucoup trop souvent la beauté et l'horreur côte à côte. Trop de gens en parlent comme le trou du monde. Injustement. Et voilà que le président assassiné est originaire de...Trou-du-Nord. Ça ne s'invente pas! 

Rien n'est plus difficile que d'aider Haïti. En commençant par l'intérieur. Haïti n'arrive pas à se sortir de l'impasse par l'intérieur. Gouvernement après gouvernement, la fraude semble être un bonbon auquel personne ne résiste. Jovenel Moïse était pro-démocratie. Mais il n'était pas exempt de corruption. Le pourboire grise mal les sens. Est-ce que ça valait cette mort brutale? Certainement pas. Est-ce que Haïti était bien servi avec lui au pouvoir. Pas complètement non plus. Qui l'est complètement de toute manière? En avril dernier, le gouvernement démissionnait et Moïse donnait le rôle de premier ministre à Claude Joseph. Mais il était évident que Moïse tirait encore toutes les ficelles. 

Haïti, première république noire indépendante, née des révoltes des esclaves, ne l'a jamais eu facile. Dès 1804. L'appui mondial a été timide sinon absent. Et de 1950 au milieu des années 80, les Duvaliers ont plombé le merveilleux pays de leurs dictatures. Les décennies de brouhaha politique ont suivi. En 1994, même les États-Unis, et leur arsenal militaire, ont occupé le pays en automne. Le diable était dans l'île.

"Le futur d'Haïti" est probablement la phrase la plus mystérieuse et pernicieuse qui soit. Qu'est-ce que ça comprend?

La beauté? l'horreur? Un savant mélange des deux? La bonne soupe n'existe pas encore. 

Et pourtant, si on regarde les gens qui composent cette société, les décors, si on lit Aimé Césaire ou Dany Laferrière, il est tellement facile d'y trouver une demie-tonne de beauté tirée d'Haïti. 

La dernière fois qu'un président Haïtien est mort de violence c'était en 1915. Un meurtre, probablement commandité par les États-Unis, qui avait été suivi d'une occupation des États-Unis qui allait durer jusqu'en 1934. 

Difficile d'aider Haïti. Mais les États-Unis ne sont pas ceux qui les aideront. 

Je ne suis pas certain qu'il le comprendront tout le temps. 

Courage, mon frère, la justice écoute aux portes de la beauté*

*Aimé Césaire.