dimanche 28 juillet 2019

Nos Chauds Étés 1989 & 1990 au Québec

Vernaculaire canicule croyez-vous?

Vrai.

Mais l'été de mes 17 et 18 ans, un seul sujet brûlait le Québec de tous ses rayons. En fait deux, un en 1989 et un autre en 1990.

Les deux avaient des airs dramatiques et menaçaient bien des libertés civiles. Il ouvrait aussi des portes là où on voulait les fermer.

Mais que se passait-il donc Jones?

D'abord 1989.

Chantal Daigle a des relations sexuelles avec Jean-Guy Tremblay, en 1988 et en 1989. Daigle tombe enceinte de Tremblay vers avril 1989. Mais le couple se sépare presqu'aussitôt. Même qu'à l'annonce de la grossesse, c'est là que ça se termine. Daigle veut donc interrompre sa grossesse, qui a 18 semaines. Elle se termine à la clinique d'avortement pour se faire accueillir par une injonction de Jean-Guy Tremblay, une injonction de la Cour Supérieure du Québec, l'empêchant d'agir. Si elle se fait avorter, elle risque une peine de prison de 2 ans et/ou 50 000$ d'amende.

Début juillet, tout le monde est paralysé. Tremblay évoque le droit à la vie du foetus. La cour supérieure du Québec lui donne une première fois raison. La cour, en donnant "des droits" au foetus, supprime ceux de la Femme qui le porte. C'est outrant. Les gens dans les maisons hurlent face à leur téléviseur. Mais qu'est-ce que ce jugement à la con? Dans le même 12 mois où la victoire juridique du Docteur Morgentaler rend légitime les avortements au pays en les décriminalisant, un homme pouvait encore dicter à une femme comment disposer de son corps.

Daigle et ses avocats portent la cause devant la Cour Suprême du Canada, mais la contrainte du temps s'impose. Fin juillet, partout au Canada, des groupes de gens ont proposé de l'aider. Et le feront. On la déguise en punk, elle passe aux États-Unis en douce, avec de faux papiers, et 10 000$ récoltés de braves groupes de femmes. Elle se fera avorter à 22 semaines dans une clinique de Boston.

Au Québec alors, sur plusieurs tribunes, les vannes du sexisme et de la misogynie étaient grandes ouvertes. Mais nous en sortirions grandis.

Le 8 août suivant, 2 heures avant le jugement de la Cour Suprême du Canada, on apprend que Daigle s'est fait avorté en secret. On vote, de toute manière à l'unanimité sur la non existence vitale d'un foetus qui n'est pas une vie, mais un vie en formation. Un homme n'aura jamais les mêmes droits que la mère sur ce qu'elle porte en elle. Et notre pays ne s'en trouve que plus merveilleux.

C'est un grand moment pour les Femmes de notre pays.

Dans la honte, Tremblay non seulement fait un clown de lui-même en se plaignant un peu partout de son sort, mais est aussi accusé, dans les années qui suivront, d'être un homme brutal physiquement avec les femmes.

Confirmant involontairement un respect quasi inexistant pour le corps de la femme.
La Canada confirmera légalement par la suite que le foetus n'est pas un être humain et n'a donc aucun droit .

1990:
L'été sera plus chaud encore.

Depuis plusieurs mois, la ville, les Mohawks et Québécois allochtones, ne s'entendent pas. Les premiers veulent étendre les zones de construction en faveur des promoteurs d'Oka, ce qui couvre la pinède, d'un terrain de golf que les Mohawks considèrent un de leur terrain ancestral.  Ceux-ci voudraient plutôt qu'un centre de désintoxication pour autochtone y soit construit.
Le maire Jean Ouellette met le feu au poudres quand il accorde à un promoteur l'agrandissement d'un terrain de golf sur le territoire, et lui donne aussi le droit d'ériger un projet domiciliaire.

Le Canada, d'une lâcheté éternelle avec les autochtones, avait refusé par le passé que les Mohawks achètent le terrain.

Les Mohawks voulaient aussi agrandir un cimetière Mohawk sur la zone. Là où le promoteur y agrandirait le terrain de golf. L'irritant est important. Mais pas encore majeur. Mais symboliquement, des logements pour blancs empiétant sur les morts autochtones, ça provoquaient des nuages noirs dans les consciences locales.
Dans les faits, la communauté de Kanesatake occupe déjà les lieux, et y fait un sérieux entretien dans un esprit de communauté. En effet, ce sont eux qui ont même planté les arbres il y a 100 ans, sous l'ordre des Sulspiciens. On abandonne alors le projet de golf (et les Mohawks le projet de centre de désintox) mais un irritant subsiste. On les traite comme des parasites alors que les Mohawks clament que cette terre est la leur depuis toujours.

Et le projet domiciliaire est toujours actif. Et serait toujours sur le site de la pinède.

Dès le mois de mars, la communauté Mohawks, principalement les "warriors" procèdent à des gestes de désobéissance civile et érige des barrages ponctuels. Sans entraver le chemin complètement.
Un groupe de citoyens obtient 900 signatures contre le projet de la ville qui n'a consulté personne, ni fait d'étude d'impact environnemental pour son projet domicilier.Le maire ne veut rien entendre, trop d'argent à déjà été investi, on fonce et on coupera des arbres. Des vigiles autochtones les attendent jour et nuit. Rien ne se passe avant la fonte complète des neiges. Une guerre de nerfs se dessine.

La sureté du Québec est appelée à policer les lieux. Au sein même des autochtones, il y a discorde. Un groupe armé, avec des autochtones presque tous des États-Unis, s'opposent à un projet de bingo que les autochtones veulent faire à Akwasasne. Le climat de méfiance est grandissant.

De vrais barrages empêchant de rejoindre la pinède sont érigés en avril. Plusieurs Mohawks sont armés, ce qui en fait fuir un paquet (de Mohawks). Le Canada pisse dans son froc et dira qu'il n'enverra personne jouer au cowboy pour un terrain de golf. Suggérer la chasse aux Indiens, édifiant...
Mais John Ciaccia fera le contraire et se donnera beaucoup au nom du fédéral. Quasi seul.

Le matin du 11 juillet, la SQ choisit d'investir les lieux par la force. Mais les autochtones sont prêts. Ils bloquent le pont Mercier et aveuglent avec des bombes lacrymogènes. Des coups de feu seront échangés Les bombes lacrymogènes des gens de la SQ voient leur fumée revenir sur eux en raison du vent. La nature se range du côté des autochtones, comme toujours. Le caporal Marcel Lemay est tué dans les échanges de coups de feu. On ne trouvera jamais le tireur.

Dans la cohue qui suit, les autochtones s'emparent des voitures de la SQ et de la grue qui démolissait leur barricade. Ils s'en serviront pour en faire un plus gros barrage encore, bloquant la route 344 complètement.

Le siège durera du 11 juillet au 26 septembre. C'est l'état de crise. La SQ cerne les Mohawks et les insurgés dans le but de les affamer par manque de subsistances et de médicaments ou les forcer à sortir. Le Canada tente de négocier quelque chose, mais ne veut plus le faire si ils ont des armes. Les autochtones se moquent de l'argument puisque des dizaines et des dizaines d'armes sont pointés sur eux.

La SQ panique. Elle s'en prend à des gens de Châteauguay venu appuyer les Mohwaks et les Warriors. La SQ vole le matériel de journalistes et détruit les contenus embarrassants pour eux.

En août, l'armée remplacera la SQ. Un célèbre face à face entre l'impassible caporal Dionne et "Lasagna" sera l'image culte de la crise. On apprend par la suite que les deux sont de terribles crapauds. Rien de héros.

Le Fédéral achètera finalement le terrain pour ensuite empêcher tout développement sur les terres revendiquées par les Mohawks.

Pendant un temps, les vannes du racisme sont grandes ouvertes sur les tribunes du Québec. Il en reste encore bien des traces.

Mais le gouvernement n'a probablement pas tout acheté. Ou a revendu. Car  un propriétaire foncier de 60 hectares de cette même pinède veut donner, actuellement, aux Mohawks ses 60 hectares. Son noble geste est noyé dans le conflit qui oppose en ce moment le maire d'Oka et le chef des Mohawks. Qui sont chiens et chats. Avec la même maturité.

Le maire ne veut pas être "encerclé de Mohawks" qui menacent, selon lui, de faire renaître les cabanes à pot illégaux, un problème que le chef des Mohawks a concédé, sévissant bien, ailleurs dans la communauté.

Mais on joue d'immaturité en ce moment.  Le chef a le pied lourd sur le mot racisme. Le maire, se trouvant entre l'arbre et l'écorce. D'un arbre sans propriétaire. Qui doit s'en trouver un.

Ça bout et menace d'éclater.

Comme il y a 29 ans.

Il y a 30 ans, les Femmes étaient libres de décider ce qui arrivait à leur propre corps.
Il y a 29 ans, les Mohawks revenaient au statu quo brumeux territorial.

'Faisait chaud.
'Fait encore chaud.



     

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