Chaque mois, vers le début, je vous parlerai d'un film. Tout comme je vous parle de musique (vers le milieu) et de littérature (vers la fin). Je vous parle d'un film qui m'a épaté par sa facture visuelle, narrative, inventive, sonore, par ses interprètes, sa réalisation, son esthétique, son histoire, toujours son histoire, son propos et son angle sur un sujet quelconque. Je vous parle d'un film qui a eu un impact fort sur ma personne.
Et en fait la propagande en suggérant que vous le voyiez vous aussi.
Un film est un voyage à très peu de frais, un luxe formidable.
Nadine Labaki est une actrice, réalisatrice et scénariste libanaise. Elle sera les trois dans le film qui m'intéresse. Son premier film en tant que réalisatrice avait beaucoup attiré l'attention. Celle de 65 pays. Devenant le plus grand succès libanais d'alors (2007). Le charme de madame Labaki ne se trouve pas seulement dans ses beaux grands yeux bruns.
Il est aussi dans le ton qu'elle choisit pour ses films.
Son second film est celui sur lequel je veux me concentrer. Il étonne à bien des égards. Il parle de la cohabitation libanaise entre Musulmans et Chrétiens. Sur un ton aigre doux où se mêlent violence, humour, tendresse et agitations. Nadine est née en 1974, soit pendant la guerre du Liban. L'idée du film lui est venue toutefois en 2008, alors qu'elle était enceinte et que le coeur de Beyrouth était à feu et à sang. Elle se demandait alors, avec son enfant, si elle le pouvait, elle s'en irait où? Elle réalisait qu'il suffisait de très peu pour faire éclater des conflits intereligieux au Liban. Le film traite directement de cela. Ces gens qui choisissent d'appartenir plus à une religion qu'à un pays.
Les femmes, dans le film de Labaki, tout comme dans le premier film, ont des rôles formidables. Si les hommes ont la mêche courte et sont toujours sur le point d'exploser pour des pacotilles, les femmes usent de beaucoup de ruses afin de les distraire et de les faire penser à autre chose. Et je ne parle aucunement de détours aux allusions sexuelles, mais bien d'idées fort originales et unificatrices, là où la division naît entre hommes.
Les femmes dans les films de Labaki sont d'une beauté qui dépasse le simple coup d'oeil. Le sujet étant relativement grave, on se surprend à beaucoup sourire lors de moments comiques forts habiles de sa part qui n'est pas sans rappeler les comédies italiennes et françaises. Labaki s'est aussi octroyé le droit de faire beaucoup de clin d'oeil à la comédie musicale. En effet, la manière de bouger dans certaines scènes semble relever directement de la chorégraphie, ne serais-ce qu'en ouverture de film.
Il y a une grâce presque poétique à traiter de sujets aussi intense et grave avec légèreté et intelligence comme elle le fait. Son cinéma a été qualifié de vent de sable porteur de saveurs méditerranéennes et d'orient qui toujours surprend. Des problèmes essentiels comme la religion, la mort, l'intolérance, la guerre, la violence, les relations hommes/femmes sont traités avec une verve humoristique rare. Et rien n'est plus difficile que le rhytme en humour. Labaki s'en joue en combinant danse, texte et trouvailles visuelles.
Presque tous les comédiens, comme dans son film précédent, sont des non professionnels choisis cette fois dans les villages de Taybeh , Douma et Mechmech. Le film a été tourné dans ce dernier village. La caméra subtilise de somptueuses images du secteur. Afin de bien montrer que les religions peuvent se croiser sans heurts, Labaki a confié le rôle du cheikh à un chrétien et celui du prêtre à un musulman. Ça donnait déjà le ton avant les touts premiers coups de manivelles.
La musique y est fort intéressante et elle est composée par le mari de madame Labaki, Khaled Mouzanar.
Cinéma moyen oriental qui fait grincer des dents autant qu'il fait sourire, mais qui épate aussi de par ses petites trouvailles chorégraphiques subtiles. Lyrisme, passion, humour et lourdeur religieuse sont au menu.
Cocktail bien de notre époque.
Et Maintenant on va où?
Pas une seule religion ne peut répondre à cette question.
Nadine Labaki nous dit qu'on peut bouger des montagnes pour un peu de paix et de bonheur.
Je l'ai vu deux fois et viens de me le réserver une troisième fois à la Vievliothèque.
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