De mon coeur.
La chronique tire son nom de 4 albums qui font partie de mon ADN et dont je connais toutes les notes, toutes les nuances, toutes les subtilités et qui me touchent encore de bien des manières malgré le temps qui violent nos univers.
Par ordre de création:
"Blonde on Blonde" de Bob Dylan
"The Idiot" d'Iggy Pop
"Low" de David Bowie
"The Unforgettable Fire" de U2.
Tout en étant également la terminaison du mot "habibi" qui veut dire "je t'aime" en dialecte irakien.
Musique, je t'aime.
Il a existé plusieurs incarnations de Jean Leloup.
Il y avait eu Menteur, le premier album qui nous le faisait découvrir, puis L'Amour est Sans Pitié qui nous le faisait aimer et déplacer pour voir en spectacle afin d'y danser comme des sauvages (Carré d'Youville, 199x). Il n'y avait eu que deux ans pour séparer les deux premiers albums. Le Dôme prendrait 5 ans à naître, aurait 14 ingénieurs de son, 4 mixeurs dans pas moins de 7 studios. Jean reprendrait le rhytme d'un album aux deux ans avec Le très bien Les Fourmis en 1998, puis 4 ans plus tard, La Vallée des Réputations devait sonner le glas de sa carrière et était un excellent véhicule de sortie. Un DVD, 2 ans plus tard, où il brûlait sa guitare envoyée solennellement sur un bout de bois sur une rivière, à la fin du jour, à la dérive devait marquer sa retraite.
Mais il sort de sa retraite deux ans plus tard, en 2006, et reprend du service sous son vrai nom de Jean Leclerc. En société, il fait montre de beaucoup de désordre, que ce soit sur scène ou ailleurs. Il s'aliène beaucoup de son public. Leloup a toujours été instable. Agité mentalement. Parfois ça sort n'importe comment de sa bouche, parfois ça sonne formidable. Leloup est éparpillant de ses sens.
Il reste à son meilleur, une guitare en bandoulière.
En 2009, il lance un album où le mot "excuses" se trouve dans le tître. comme si il voulait faire passer l'idée qu'il faille excuser sa manière d'être. L'album a un écho plus mince que les autres sorties, et 6 ans passeront avant que ne soit lancé en 2015, À Paradis City qui gagnera tout aux Felix suivants. Ce qui était davantage un témoignage d'amour du personnage et de son talent passé qu'un hommage à son dernier disque.
Mais Leloup, si il n'y a qu'un seul Leloup qui ne fasse justice à Leloup selon moi, c'est Le Dôme. Remis à ma personne des mains de Leloup lui-même à l'époque. J'en ai encore la photo*. Travaillant dans le monde de la musique j'avais des accès privilégiés. Il avait essayé de séduire les deux filles qui m'accompagnait, alors. Ne nous accordant presqu'aucune importance à nous, les deux autres gars. Comme si il savait que nous savions qu'il jouait à tout ça d'abord et avant tout pour rencontrer des filles de son goût et qu'il trouvait tout ça impudique.
En 1991, j'avais aussi croisé Leloup, fraichement bleaché, avant un spectacle, dans un souterrain de Sherbrooke. Nous ne l'avions pas reconnu tout de suite puisque personne ne l'avait encore vu bleaché. Aucun mot ne s'était échangé puisque nous rencontrions Leloup (et quelques membres de son band) avant le show que nous nous rendions voir, probablement, là où nous ne devions pas être. Moment intense, inconfortable, amusant, silencieux, étrange, mystique.
Moment Leloup.
Je n'oublierai jamais le regard qu'il m'avait lancé. Cette fois, c'est moi qui me trouvait impudique.
LE DÔME de JEAN LELOUP.
Leloup, sur 5 ans, compose une tonne de chansons. Il vit aussi de grands changements psychologiques personnels. Impulsif, il écrit puis enregistre rapidement, mais reste un éternel insatisfait. Dès qu'il n'aime pas (souvent) il change tout et parfois même de studio. De là les variations audios inégales du disque. Faire des Enfants, co-écrite avec Yves Desrosiers, guitariste de la Sale Affaire, ne fait pas partie des morceaux qui souffrent de la qualité d'enregistrement, et est une excellente chanson d'ouverture. Composée vers 1993, Leloup pensait avoir des enfants avec sa blonde, mais sa tête n'est pas toujours cohérente.
La version demo de Edgar, hommage à Edgar Allen Poe, morceau aussi composé avec Yves Desrosiers, est celle qui a été retenue par l'excité Leloup.
Nick Cave est un artiste qui fait l'unanimité parmi les musiciens autour de Leloup. Sara est intense, décape et a un son de bruit industriel. Il ne la faisait pas souvent en spectacle. Au risque de briser sa voix. Nick Cave et ses mauvaises graines aimeraient surement.
La Chambre est l'une de mes préférées. Elle est toutefois enregistrée pauvrement. Comme dans une chambre, justement. Ce qui me semble légitime au fond. La chanson raconte, de plus, la pauvreté absolue que Leloup vivait dans son appartement miteux, sans argent. Au loin ce n'est pas la mer.
Bran Van 3000 fait une incursion dans le monde Leloup. James Di Salvo est au coeur Bran Van 3000 et a aidé Leloup, 5 ans avant à concocter un giga-hit. Ici, Jean et James rappent un brin.
La chanson qui suit est celle qui m'a happée tous les sens à la radio. Époque pré-shazam, j'avais dû attendre un bout de temps avant de savoir qui en était l'interprète. Selon moi, Leloup n'a jamais été meilleur, dans la ballade, que là-dessus. Gardant avec humour une erreur d'entrée de choriste sur la version finale.
Sang d'Encre, comme la pièce précédente, Leloup l'enregistre tout seul avec sa choriste Monika. Morceau que j'aime beaucoup.
Le Manoir à L'envers est jouée en spectacle plusieurs fois avant la sortie du disque (Faire des Enfants aussi) puisque je la connaissais déjà. Mais elle devient Le Castel Impossible sur l'album. J'aime les variations et arrangement en fin de chanson.
La chanson suivante a longtemps été ma préférée. Encore aujourd'hui je lui trouve toute les vertus. Le vidéo statique me l'a un peu assassinée. Ce morceaux funky est somptueusement écrit, joué et livré. En anglais, ce morceau aurait fait le tour du monde. Je me suis toujours demandé qui était cette fille moche et sans talents rencontrée à Macao qu'à chaque fois qu'elle aimait son amour se serrait devant elle comme un ulcère d'estomac qui lui tenaillait l'intérieur. L'intérieur. Jeune fille associée à la laideur. Ou celle pas trop belle qui chantait des ballades. Allez hop un peu de sincérité, le monde est toujours encore pas mal à pleurer. (remarquez la censure de "Allah" remplacé par "Zeda" dans le clip).
La chanson tître est enregistrée dans un jam de studio avec Yves Desrosiers. Leloup crie les accords en cours de jam, il a toujours largement encouragé sa gang à créer en leur criant en tout temps "Exprimez VOUS!".
Jean-François Lemieux collabore beaucoup sur l'album. Il est ici à la basse. Et l'influence grunge, lugubre, sombre est directement inspirée de la personnalité de Lemieux. Un vampire comme moi.
Fashion Victim est un morceau de Lemieux, justement, qu'il avait composé pour son band Les Gamins du Rythme, que Leloup lui emprunte, réarrange et sur lequel il ajoute des paroles en enregistrant dans la nuit. La qualité de l'enregistrement est inégale.
Pigeon est un morceau que Leloup aime beaucoup et qui le représente bien. Leloup fait la rencontre d'un musicien reggae, Patrice Moïse, se lie d'amitié avec, et dans la nuit, ils composent et enregistrent le morceau ensemble sur un 4 pistes. La qualité sonore est négligeable mais le reggae reste un intéressant soleil de nuit.
La dernière chanson pouvait être excellente. Co-écrite avec Christopher Anderson, leader de Blood of Zion, elle est aussi issue d'une rencontre festive qui se transforme en jam de nuit enregistré maladroitement. Vers la fin une mauvaise coupe reprend le jam, un peu comme Godard ferait une faisait une fausse coupe au montage.
Pour amateur de folk, de funk, de pop, de grunge, de reggae, de désordre organisé, de rebelle instable, de musique québécoise, de littérapop, d'artiste échevelé, froissé, froissant.
L'album a eu 20 ans, en octobre dernier.
*C'est la photo en question, je suis le sourire en chandail gris, automne 1996.
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