Lire c'est penser, prier, parler à un ami, l'écouter, l'entendre, le comprendre ou pas, c'est ouïr des confessions, des fantasmes, c'est avoir l'oeil et la tête sur de nouvelles idées. de nouveaux angles, c'est forger ses propres idées, les confronter, c'est écouter de la musique, suivre un rythme. c'est vivre des moeurs qui ne sont pas les nôtres, adverses ou nouvelles, c'est explorer sous une nouvelle lumière. c'est s'ouvrir les sens et agrandir les espaces. C'est se ballader sur la plage du monde et des gens qui le compose. Lire c'est apprendre la vie par les yeux, la tête et le coeur. C'est un regard, une inspiration, un respire. Lire c'est la vie des autres et la sienne aussi.
Chaque mois (vers la fin) je vous parle d'un livre qui m'a séduit par son auteur, son contenu, son sujet, parfois les trois. Et j'essaie de vous dire un peu pourquoi.
Lire c'est aussi un peu mon métier. Lire pour moi, c'est mieux respirer.
AMERICAN PASTORAL de Philip Roth
J'ai commencé à lire Roth par son premier, Portnoy's Complaint. Je le lisais au boulot quand mon patron, un homme que je respectais beaucoup, m'a vu le lire et m'a alors recommandé de lire Patrimony. Excellent livre sur le rapport père/fils, que j'ai aussi lu très vite. 22 ans séparait le premier livre du second que je lisais de lui, et encore, je le trouvais fort sensible et intelligent. Roth est de ces auteurs juifs des États-Unis qui visent le roman ultime en y plantant l'adjectif "American" dans leur oeuvre. Le nom de Roth est toujours lancé quand vient le temps de parler de Nobel de littérature, ce qui confirme qu'il ne l'aura probablement jamais. Mais il en a la plume.
Roth a un alter ego dans ses livres: Nathan Zuckerman qu'il réutilise ici et là. Il a écrit 9 livres mettant en vedette Zuckerman. American Pastoral est le 6ème de ces romans. Il lui a valu le Pulitzer de 1998.
Le livre raconte la vie du couple d'intouchables qu'étaient Seymour Irving Levov dit "le Suédois" et son épouse Sylvia, dont la beauté avait été récompensé d'un prix local dans les années 50. Lors d'un rassemblement d'anciens étudiants de Newark, Zuckerman retrouve le frère de Levov. Qui lui parlera de son grand frère. qui était l'idole de tous, et qui, de par ses multiples succès sportifs et scolaires, ainsi que son succès en affaires, et son mariage parfait avec la femmes parfaite, avait tout de l'homme intimidant parfait. Le couple est devenu la famille parfaite quand ils ont eu une fille. Toutefois, le tumulte des années 60, l'intensité de l'adolescence, feront faire à leur fille toute sorte de choses de l'ordre de la manifestation et de la révolte. Ce qui sabotera la santé mentale de Sylvia, et plongera Le Suédois dans une instabilité parentale douloureuse. Les choix de leur fille auront un impact extraordinaire sur l'unité familiale et peu à peu, le couple parfait, la famille parfaite, ne sera que failles et chute libre.
Roth intègre, dans l'histoire de la famille Levov, de réels évenements comme les terribles manifestations de Newark en 1967, le scandales du Watergate, la révolution sexuelle, Deep Throat, le phénomène autant que le nom de code, les mouvements sociaux radicaux comme les Black Panthers et les multiples bombes qui sautent entre 1969 et 1973. La présidence de Lyndon B.Johnson est bien présente dans le roman et Roth trace un portrait des États-Unis d'alors, avec un amour certain pour l'époque et ses rues agitées.
Le roman est en partie inspiré de Swede Masin, (photo plus haut avec sa femme) un réel athlète originaire de Newark, rare garçon aux cheveux blonds dans le quartier juif, qui avait beaucoup inspiré Roth et ses contemporains. Il n'a toutefois pas eu de fille ayant placé sa famille dans de drôles de situation en raison de ses engagements sociaux.
Moi-même jeune père quand j'ai lu le livre, j'ai tout de suite senti une filiation envers le pauvre suédois du roman. J'ai moi-même fait souffrir mon père de par mes choix dans la vie, je le sais. Je me posais aussi la question si mon fils me ferait souffrir de la sorte en grandissant. Pour le moment, ce n'est pas le cas. J'ai un fils parfait. Une fille de la même trempe. Pour nous en tout cas, je ne parle pas dans l'absolu.
Ewan McGregor, qui ne cesse de vibrer aux même endroits que moi, dansant sur les mêmes sensibilités tout le temps, a fait de l'adaptation du roman en film, sa première réalisation, en plus d'incarner Levov dans le résultat final. Jennifer Connelly et Dakota Fanning brillent aussi dans le film. Les deux femmes sont particulièrement formidables dans le film.
Le livre nous amène plus loin. Dans les États-Unis des années 60 et 70, dans les familles lustrée mais dont le vernis craque avec le temps, dans la sensibilité familiale sombre et complexe.
Pour coeur de révolutionnaire, pour coeur de père, pour bay boomer, pour une idée des agitations de cette époque, pour splendeur Gatsbienne de Weequahic.
Parce que les bombes ne font d'heureux qu'au sens figuré.
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