Je vous en parlerai davantage pour ses 70 ans, l'an prochain.
Mais qui étaient-ils?
Paul-Émile Borduas avait d'abord été apprenti restaurateur et peintre décorateur des églises du village de St-Hilaire où il était né et avait grandi. Il avait oeuvré ensuite à Sherbrooke, Halifax puis dans les églises de Montréal. Il est encouragé à s'inscrire à l'école des Beaux-Arts et y obtient son diplôme en 1927. Il est ensuite subventionné par l'église pour aller étudier les styles en France jusqu'en 1930. Il y découvre Cézanne, dont les paysages sont volontairement imprécis et qui sera une grande influence sur son art.
De retour en Amérique, il est tour à tour professeur de dessin dans une école primaire de Granby, puis enseignant à l'école du meuble de Montréal, ville où il trouve une épouse et fonde une famille de 3 enfants. Il découvre André Breton et sa conception de l'art devient plus radicale. Il préconisera alors une approche plus intuitive dans la création, plus expressionniste abstraite, expérimentale et non représentative conduisant à un renouvellement en profondeur du langage artistique. Son oeuvre la plus célèbre est L'Étoile Noire.
En avril 1942, il expose 45 gouaches au Foyer de l'Ermitage à Montréal qui font sensation. Un mouvement se créé.
Marcel Barbeau est étudiant de Borduas à l'école du meuble. Il s'ouvre sur l'art moderne et le développera dans ses peintures et ses sculptures. Ses oeuvres associent plusieurs techniques: le dripping, la marte ou la ficelle, les traces au pinceau ou au couteau, les gravures au couteau dans la peinture d'abord appliquée au couteau ou pinceau et parfais des empâtements. Tout ça est audacieux et nouveau dans les années 40. Certains de ses tableaux présentent une composition all over qui le situe à la fine pointe de l'avant-gardisme esthétique de l'époque. Il poursuivra cette production jusqu'à la fin des années 50. Il s'est aussi intéressé au dessin, à l'estampe, au collage, à la photographie et à la performance. Fenêtre sur l'avenir sur le site de l'Université McGill est l'une de ses oeuvres. Il est père de la cinéaste Manon Barbeau et grand-père de la cinéaste Anaïs Barbeau-Lavalette.
Jean-Paul Riopelle est aussi élève de Borduas, peintre, graveur, sculpteur, il sera immense dans le rayonnement artistique Québécois à l'international. Il a 7 ans quand son plus jeune frère meurt, ce qui le cicatrise à vie. Il peindra des natures mortes à partir de ses 6 ans en compagnie d'un artiste Montréalais, Henri Bisson. Étudiant à la polytechnique avant de le devenir à l'école du meuble, il est fortement intéressé par les enseignements de Borduas, mais encore plus par André Breton qu'il ira rencontrer et fréquenter à Paris à partir de 1949. Breton le surnommera, avec une condescendance colonialiste, le "trappeur supérieur". Riopelle rencontre un grand succès en Europe. Il perfectionnera la technique du all over en éliminant toute forme de perspective dans le tableau au moyen d'éclats de peinture comme le fait Jackson Pollock aux États-Unis. Riopelle se tournera aussi vers le pochoir avec des bombes en aérosol. Il se découvre une passion pour les oiseaux et les intégrera à ses oeuvres. et la termine avec quatre 1er prix internationaux . À sa mort en 2002, le Québec lui fait des funérailles nationales. L'Hommage à Rosa Luxembourg est l'une de ses oeuvres les plus célèbres. Riopelle est le seul artiste Québécois à avoir pleinement vécu la grande période parisienne de l'après-guerre.
Pierre et Claude Gauvreau sont frères. Le premier est artiste-peintre à l'École des Beaux-Arts quand Borduas remarque ses oeuvres et l'invite à se joindre à son groupe d'artistes dans son atelier. Claude est plus jeune de 3 ans. Il a fait ses études en philosophie et sera poète, dramaturge, peintre et critique d'art libertaire. Il sera une voix forte du mouvement automatiste. Pierre ne sera pas toujours peintre. Il aime beaucoup l'écriture aussi. Il réalise des décors pour la naissante télévision au Québec, fait de la narration pour certains courts reportages de l'ONF, réalise des épisode de Pépinot, Radisson, CF-RCK, Rue de l'Anse (en plus d'en écrire les textes) Chez Denise, puis écrit les séries télévisées Le Temps d'une Paix, Cormoran et Le Volcan Tranquille. Il produit aussi beaucoup de films dont la comédie Ixe-13 et Le Temps d'une Chasse de Françis Mankiewicz au début des années 70.
Claude, entre 19 et 21 ans, rédige Les Entrailles, une série de 26 objets dramatiques en lesquels apparaissent déjà des esquisses de ce qui deviendra son style: l'exploréen. Quand Borduas s'exile pour New York en 1953, Claude se fait le nouveau leader des automatistes, mais le mouvement se saborde. Il prendra cela très personnel. Amoureux fou de l'actrice Muriel Guilbault, elle aussi membre des automatistes, celle-ci ne lui rendra pas cet amour. Quand elle se pend à l'âge de 29 ans, S'en est trop. Claude est si bouleversé qu'il en devient amnésique. Il fera de nombreux séjours en psychiatrie, auprès du docteur Jacques Ferron entre autre. En 1971, il travaille jusqu'à très tard dans la nuit avec Jean-Pierre Ronfard sur Les Oranges Sont Vertes parce qu'il refuse de prolonger la séance de travail le lendemain. jour où devraient débuter les premières répétitions. Il est retrouvé empalé le lendemain matin sur une clôture, tombé du toit ou y ayant plongé. inondé des bronches, de son propre sang. Il était l'auteur des emportements gaillards. Il avait 45 ans.
Fernand Leduc est ancien étudiant de l'École des Beaux-Arts. Il fait la connaissance de Borduas vers 1941. Sa conjointe, la comédienne, chanteuse et future animatrice Thérèse Renaud l'attire dans les automatistes. Leduc, peintre, prend contact avec André Breton en 1945 et le rejoint 2 ans plus tard. Il fondera l'association des artistes non-figuratifs de Montréal dont il sera aussi le président. Il passe une large partie de sa vie en France ou en Italie. Feu Rouge, les Portes, Composition ou Ciel d'Hiver à Chapala 16 (2008) sont parmi ses oeuvres les plus célèbres. Thérèse Renaud joue chante, et conduit des entrevues pour Radio-Canada mais est aussi poétesse surréaliste (4 recueils) et écrivaine (4 récits). Elle fera aussi de l'astrologie professionnellement.
Jean-Paul Mousseau s'intéresse à la peinture auprès du Frère Jérôme alors qu'il n'a que 13 ans. Il sera à ses côtés jusqu'à ses 18 ans. Étudiant de Borduas à l'école du meuble, il créera des murales pour Hydro-Québec, ainsi qu'au métro Peel de Montréal, aux stations Viau, Honoré-Beaugrand et Square-Victoria. Mousseau fût l'un de premiers artistes de chez nous à intégrer l'art dans l'urbanité quotidienne. Il prendra même la place de celui qui était à la tête des design du metro, dans le rôle de coordonateur des projets. Ses travaux sont aussi visibles à l'aéroport de Montréal et dans plusieurs tours à bureaux de Montréal.
Mousseau épouse l'actrice Québécoise Denise Guilbault, soeur de Muriel Guilbault, qui n'aura que 21 ans quand sa grande soeur et idole se suicide. Denise devient alors Dyne et épouse Jean-Paul Mousseau. Actrice, elle sera Dyne Mousso. Ensemble ils sont parents de l'actrice Katherine Mousseau, Le couple divorce en 1964. Quand Jean-Paul revient travailler dans les églises pour le clergé, vers 1953, ce sera considéré comme une trahison du groupe qui avait si fermement condamné l'emprise du clergé sur la société québécoise. Les automatistes font chacun leur route vers cette époque.
Marcelle Ferron est peintre et exposera tardivement. Seulement en 1951. Quand elle a 27 ans. En 1953, elle s'installe à Paris. Elle y fera du dessin, de la peinture, mais se développera un grand talent dans le vitrail. C'est par le vitrail qu'elle sera appelée à participer à la conception du métro de Montréal, auteure du vitrail de la station Champs-de-Mars entre autre chose. On y voit de ses oeuvres aussi au métro Vendôme, à l'hôpital Ste-Justine, au siège social de l'OIAC de Montréal, à la place du Portage à Gatineau et au tribunal de Granby. Elle est la soeur du docteur et écrivain Jacques Ferron, du médecin Paul Ferron et de l'écrivaine Madeleine Ferron.
Françoise Sullivan suit des cours d'arts plastiques à l'École des Beaux-Arts en y faisant de la peinture fauviste et cubiste. Elle étudie aussi la danse moderne à New York (ville fétiche des automatistes et où y naît aussi un mouvement du même nom sans lien avec celui du Québec autre que le nom). C'est comme danseuse, avec ses partenaires Jeanne Renaud et Françoise Riopelle, qu'elle sera des automatistes. Toujours vivante, à 93 ans, elle apprendra la sculpture auprès d'Armand Vaillancourt, apprendra la soudure et fera les décors de projets chorégraphiques de Jeanne Renaud et Françoise Riopelle.
Renaud est une pionnière de la danse moderne et chorégraphe québécoise. Elle a aujourd'hui 88 ans.
Françoise L'Espérance Riopelle fût danseuse et chorégraphe. Elle a épousé Jean-Paul en 1930 et l'a suivi à Paris. Ils se sont perdus et Françoise a fait un bout de sa vie avec Neil Chotem, qui écrivait la musique de ses chorégraphies et qui a collaboré au dernier album d'Harmonium en 1976. Françoise a aussi 88 ans de nos jours.
Madeleine Arbour est d'abord étalagiste avant de participer aux premiers jours de la télévision en construisant des marionnettes et en élaborant les scénarios pour La Boîte à Surprises de 1959 à 1965. Designer, elle concevra les décors du Théâtre du Rideau Vert et de la Compagnie de Théâtre Jean-Duceppe. Dans les années 70, elle fait de la télé, avec une chronique de design dans Femmes d'Aujourd'hui et participe aussi à Patofville. Elle enseignera pendant 20 ans à l'Institut des Arts Appliqués de Montréal et s'occupera d'esthétique de présentation au CEGEP du Vieux-Montréal. Elle a réaménagé les espaces de Via Rail Canada, des salons Panorama des gares de Montréal, Ottawa et Toronto, la décoration et l'aménagement des avions d'Air Canada, des appareils Boeing et Airbus, tout comme les aires publiques de la résidence du gouverneur-général du Canada. Elle aura 94 ans dans 2 jours et, à l'époque des automatistes, l'alors peintre et dessinatrice avait 25 ans.
Maurice Perron était un ami d'enfance de Jean-Paul Riopelle. Il sera les yeux et le relayeur des automatistes. Photographe et éditeur, c'est par la maison d'édition qu'il créé lui-même que Le Refus Global sera publié. Ainsi que sa suite du poète Paul-Marie Lapointe, La Vierge Incendiée et Projections Libérantes de Borduas un an plus tard. Il mettra en images les automatistes en étant leur photographe attitré. Il n'a alors que 23 ans.
Enfin, Bruno Cormier, psychiatre et psychanalyste, fait la rencontre de Borduas en 1941, Séduit par la vision du groupe, il contribuera en y glissant son mot dans Le Refus... sous le titre L'oeuvre picturale est une expérience. Ami de Claude Gauvreau et de Françoise Sullivan, il a aussi écrit des poèmes et des pièces de théâtre. Cormier fût surtout, dans les années qui suivront, un expert international de la psychologie criminelle.
Ces 15 dissidents ont signé Le Refus Global de Paul-Émile Borduas et étaient les automatistes.
C'est le journaliste Tancrède Marsil Jr qui le premier les affuble du nom, 5 ans après la création du groupe d'artistes.
Aujourd'hui, il y a 70 ans.
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