dimanche 19 mars 2017

Cru Au Temps/Cruauté

(à D.L. & J.J.L.)

Vous avez remarqué que mes 6 dernières chroniques se nichaient subtilement dans les arts?

C'est que le réel m'écoeure.

Le réel m'a offert récemment un bris inutile de mon fils d'une perte valeur de près de 400$. Le même jour, mon ordi portable, qui est mon bureau, mon travail, en fait ma vie, qui n'a pas deux mois d'existence encore, brisé (photo) par on-ne-sait-qui et qui le sera de plus en plus car il s'ouvre et il se ferme en menaçant chaque fois d'agrandir la cicatrice jusqu'a éteignoir complet à court terme car de l'autre côté de la fente, c'est l'écran. Une tempête de neige massive a fauché (au minimum) 8 vies au Québec. Existe-t-il plus cruel en hiver que de mourir dans une voiture enlisée dans une tempête ou fauché par une déneigeuse? La tempête m'a fait pelleter pendant deux jours et m'a coûté 57$ d'essuies-glaces parce que la glace les avaient crochis avant d'en démolir les caoutchoucs. Un refus de contrat de traduction, un dermatologiste qui m'a sérieusement torturé à l'azote, une boîte de 10 000 vis de différentes tailles, mal fermée au préalable, qui s'ouvre par en dessous et qui en vide 9 999, un mal de gorge qui s'installe gravement...là je ne suis qu'entre lundi dernier et mercredi dernier, je vous épargne les jours suivants, qui auront été des jours de merde astronomique et exponentielle. Comme ce bouton sur le bout de la langue qui m'empêche de turluter et un mal de dents....vraiment...

Avant, quand je passais un mauvais coton, j'investissais dans la culture. Je m'achetais un disque, un livre, un film ou tout simplement les trois. Cette fois je trouvais qu'on flambait déjà beaucoup d'argent pour rien. J'ai préféré écrire sur l'art. Ou inspiré de l'art.

C'est mon réel point de fuite. Et comme je consomme beaucoup d'art, je fuis beaucoup.
C'est souvent le plus près que je puisse être de ce que les chinois appellent l'obssessive compulsive meltdown.

Je suis né dans les restes de la tempête du siècle de 1971, un an plus tard. Dans une province alors tout aussi paralysée que la nôtre l'était la semaine dernière. Du moins c'est ce qu'on me dit, moi ma mémoire au sortir du ventre de ma mère...La semaine dernière était comme un test de la nature sur l'Homme. Et ça a fini 8-0 pour la nature. J'adore l'hiver, vraiment, mais dans le ballet des déneigeuses* qui m'empêchaient de sortir de chez moi 4 matins sur 5 et avec la merde qui me collait au cul. J'ai récité quelques chapelets d'église.

Puis j'ai jasé (en pelletant) avec mes voisins. Des gens tout ce qu'il y a de plus conventionnels. Qui jouent au golf et qui ont une peur sourde des anglais.  Des baby-boomers.

On ne croit plus au temps. On s'est mis d'accord là-dessus, ensemble.
Au temps propre (la météo) comme au temps figuré (le passage du temps).

Les ombres de ma semaine dernière me semblent d'une futilité sans nom.

Lui, mon voisin, a un père de 90 ans. Celui-ci a eu de graves problèmes de santé dans le temps des fêtes. Il a dû le placer en institution entre janvier et février et ce fût un fardeau pour tous.

Elle, ma voisine, sa femme, doit composer avec plus lourd encore. Sa mère est non seulement tout aussi vieille, mes de ses 3 filles, seule ma voisine est en Amérique. Ils sont d'origine française. Les 2 autres filles sont en Europe. Donc la charge de s'occuper de la vieille mère, maintenant dans la démence, repose entièrement sur ma voisine du 450. Depuis le temps des fêtes, aussi, l'idée de la placer dans un centre pour aînés est fortement suggérée. Mais la vieille dame ne veut pas. Elle n'est toutefois plus autonome et draine maintenant toute l'énergie de sa fille. TOUTE l'énergie de sa fille. La vieille dame est redevenue une enfant. Sa fille, ma voisine, s'en occupe presque en tout temps.

Récemment, la vieille dame est tombée dans le coma. La situation était si grave que les deux filles d'Europe se sont déplacées avec leurs familles. Tout le monde l'a pleuré. Ma voisine pleurait déjà, depuis si longtemps. Les docteurs ont mit les trois soeurs face à la lourde décision de mettre un terme à la vie de leur mère. La vieille dame s'est ranimée, avant qu'une décision n'ait pu être prise. Lorsque qu'on lui en a parlé à elle, car elle est condamnée à mourir incessament. la vielle dame a précisé, dans sa confusion démentielle, qu'elle souhaitait vivre. Alourdissant les épaules de ma voisine. Qui n'en a plus. D'épaules.

Mais qui a toujours un coeur.

Lourd.

Si lourd.

Le temps a passé, la vieille dame a repris du mieux. Dans la mesure où la démence peut être "mieux". Les deux soeurs et leur famille sont retournées en Europe.

Ma voisine essaie depuis de respirer sous son banc de neige.
C'est maintenant elle qui semble dans le coma.

Mes problèmes sont un flocon qui fond.



*déneigeuses qui ont fait un travail formidable by the way

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