(À la mémoire de Dad)
Chaque mois je vous entretiens d'un album que je considères humblement mythique dans ma vie personnelle qui est mienne.
Trêve de pléonasmes, je m'inspire de 4 albums fétiches pour titrer ma chronique:
Par ordre chronologique:
"Blonde on Blonde" de Bob Dylan
"The Idiot" d'Iggy Pop
"Low" de David Bowie
et "The Unforgettable Fire" de U2
Je connais ces 4 albums par coeur. Note par note. Fragments de son par fragments de son. Ces albums sont ma seconde peau.
Et comme je suis charnel et que la musique est sexe, ce sont des orgies formidables qui s'agitent dans mes sens quand j'écoute de la musique.
B.I.B.I. c'est moi, mais c'est aussi la terminaison d'Habibi, qui veut dire "mon amour" en dialecte irakien.
C'est aussi ça la musique: l'amour.
Mon père était amour. Il adorrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrait Elvis.
1957.
Dad avait 9 ans. Il était extrêmement surstimulé. Voire, incontrôlable. Une manière que sa pauvre mère a trouvée pour lui calmer les nerfs a été de lui faire découvrir Elvis. Mon père se déhancherait toute sa vie sur du Elvis. Je le revois chanter "'À marche tout croche, woo, woo, woo, yeah, yeaaaaaaah" pour simuler "I'm All Shook Up" et faire rire en même temps.
Dans le film de Jean-Marc Vallé, C.R.A.Z.Y, il y a beaucoup de mon père dans le personnage de Michel Côté.
Quand Elvis sort un album de Noël en octobre 1957. l'album est rouge et Elvis se trouve parmi les cadeaux sur la pochette. Le premier côté du vinyle est consacré à des chansons de Noël dites traditionnelles, et le second côté offre un Elvis Gospel. Par hasard, ou par espionnage, Frank Sinatra, autre vedette des années 50, lance aussi un album de Noël un mois avant sous le même concept de la face A composée de morceaux traditionnels et la Face B de morceaux Gospel.
Le disque rouge de Noël d'Elvis vendra pour 3 millions d'exemplaires. En 1970, on réédite l'album, avec un Elvis en montagne (on trouve la neige où on peut au Tennessee!) sur la pochette. Celle-là vendra 10 millions.
5 ans plus tard, on relance ce même 33 tours, avec une pochette bleue, récupérant la tête d'Elvis de la pochette précédente, et l'enrobant dans une couronne de ruban de Noël. Pour cette version, on rébrasse les titres et mélange le gospel et le traditionnel. C'est cette version que mon père, qui a 37 ans, achètera. De mes 3 ans à mes 17 ans, j'ai entendu ce disque dans le salon où on montait nos sapins de Noël autour du foyer.
On vendra au total plus de 30 millions d'albums de Noël d'Elvis.
BLUE CHRISTMAS D'ELVIS PRESLEY
1957.1970.1975.
Le premier morceau a été commandé par le King au tandem Jerry Lieber & Mike Stoller qui lui avaient déjà signé Hound Dog, Jailhouse Rock et Don't. et qui écrira de nombreux hits des Coasters. Originalement intitulé Christmas Blues, ce morceau jugé "risqué" parce que bluesé, a été placé en premier pour ouvrir avec audace,
C'est justement l'audace que l'auteur Irving Berlin n'a pas aimé pour la relecture du second morceau, une composition de Mr. Berlin. Pour Berlin, White Christmas, c'était Bing Crosby* et surtout pas ce démon qui choquait les églises. Il parlera même de profanation. Berlin a appelé toutes les radios à bannir non seulement la chanson, mais l'album au grand complet. Consigne que les radios n'ont pas suivies, heureusement. Un DJ a été limogé pour avoir joué la chanson. Mais aussitôt réengagé ailleurs.
Le troisième morceau est jazzé et tout simplement floconné. Impossible pour moi de ne pas imaginer une soirée de flocons de Noël sur cet air entrainant. Par moment, dans le clip mis en lien, Elvis me fait vraiment penser à mon père.
La quatrième chanson a une valeur particulière pour les gens de l'armée et Elvis allait être de ceux-là un an plus tard, jusqu'en 1960. Splendide chanson, encore à saveur jazz. Soft comme une ondée de neige de fin de soirée.
Celle-là, la pièce titre, mon père l'adorait tout simplement. À écouter l'intro, je le vois tenter de l'imiter dès les premiers accords en prenant le regard du flirteur et en se décrochant la mâchoire tout en claquant des doigts et se secouant les hanches.
La chanson qui clôturait la Face A était le seconde nouvelle composition (après le premier morceau) conçu spécialement pour cet album. Le morceau était signé Aaron Shroeder (qui signerait d'autres hits d'Elvis dans le futur) et Claude Demetrius, qui, lui aussi, scorerait fort avec le King.
La famille Presley était excessivement pieuse et on peut deviner que la chanson qui ouvrait la face B avait une valeur toute particulière pour maman Presley.
Silent Night est la chanson préférée de Noël de ma mère. On y entend presque le vent dans cette version du King.
C'est un morceau de Tommy Dorsey qu'Elvis chante dans un profond gospel en troisième offrande de la face B. Trrrrrrrrrrrrrès populaire sur les radios dites "noires" aux États-Unis de l'époque.
Je crois que la seconde moitié de cet album était moins favorite pour mes athées de parents car je ne me rappelle pas beaucoup de I Believe,
Je me rappelle très bien le morceau suivant par contre. Le clip mis en lien me rappelle aussi tout à fait le foyer du 902 Chemin St-Louis. Voilà un autre morceau signé Tommy Dorsey.
Pour terminer l'album, Elvis nous enveloppe de sa voix de miel avec un autre morceau extraordinairement pieux. On y entend une attaque vocale qui rappelle Art Garfunkel dans un morceau qui viendra beaucoup plus tard. C'est vrai que ça fait moins Noël la face B, voilà pourquoi on a dû user la Face A pas mal plus souvent.
Pour amateur d'Elvis, de blues, de Noël. de Gospel, de jazz, de rock'n roll, de crooners, de nostalgiques mois de décembre enneigés...
Bénies soient les régions du Québec qui ont de la neige en ce moment.
*Voilà un autre album qui a joué sans relâche dans nos Noël, mais ça, c'était plus ma mère.
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