Dès ses 19 ans, il joue du saxophone dans le Silas Green from New Orleans Traveling Show où son style à l'aube des années 50, rend le public si agressif qu'il est assailli et on lui détruit son saxophone.
Méchant début.
Le saxophone sera son instrument de prédilection toute sa vie. Il choisit l'alto. Il joint le groupe de Pee Wee Crayton et voyage avec lui jusqu'à Los Angeles. Il multiplie les emplois, entre autre comme garçon d'ascenseur afin de pouvoir se faire un petit salaire et la nuit jouer de son instrument dans les bars.
Déjà, sa manière de jouer est tout à fait inorthodoxe. Le jazz est en plein effervescence. Le bebop et le dixieland dominent la scène musicale. Un tout jeune Miles Davis, John Coltrane, Charlie Parker, Gerry Mulligan, Gil Evans, Lee Konitz, Dizzie Gillespie, Duke Ellington, Ben Webster, Bud Powell, J.J.Johnson... les pointures sont grosses dans le monde du jazz et Coleman tient à s'y tailler une place. Le jazz d'influence cubaine commence aussi à pointer du nez.
L'approche harmonique de Coleman et sa manière de jouer est une technique improvisée qui rend justice à ce qu'il entend et non à ce qu'il lit sur des feuilles de musique. Sa manière de jouer sans suivre de structures harmoniques construites autour de refrains et de couplets ne trouve pas beaucoup d'écho chez la plupart de ses confrères musiciens. Miles Davis le détestera toute sa vie. Paul Bley, en revanche, sera un proche collaborateur dès ses débuts.
Sa première session studio en 1958 met en vedette Don Cherry à la trompette et Billy Higgins à la batterie. C'est toutefois l'année suivante qui sera déterminante pour Coleman. Il lance Tomorrow Is the Question! un album composé d'un quartet qui exclu le piano. Le piano ne reviendra pas dans la musique de Coleman avant les années 90 d'ailleurs.
Il greffe Charlie Haden à son équipe à la double contrebasse et enregistre The Shape of Jazz To Come, un album au titre hautement prétentieux mais qui le rendra immortel. Ce classique de l'avant-garde du jazz divisera à nouveau les amants du jazz. Certains le perçoivent comme un iconoclaste, harmoniquement incohérent et non structuré. D'autres, comme Leonard Bernstein ou Virgil Thomson le trouve génial, très certainement innovateur et s'en inspire pour leurs propres compositions.
Coleman est engagé au fameux Five Spot Jazz Club de New York pour un long contrat de spectacles. Lionel Hampton est si impressionné parce ce qu'il entend qu'il demande à se joindre au quartet. Roy Eldridge l'adore aussi, mais Coleman reste principalement controversé car sa musique est jugée innacessible pour la plupart des quidams.
Sa manière unique de jouer lui vient de l'utilisation d'un saxophone de plastique qu'il utilisait au tout début de sa carrière. Ne pouvant s'en payer un en métal, il est tombé amoureux du son que son sax en plastique lui donnait et s'en est inspiré, lorsqu'il a pu s'acheter un sax en métal, pour travailler son son en conséquence.
Free Jazz: A Collection Improvisation sort en 1960 et met en vedette une pléiade de grands interprètes. Cherry à la trompette, Freddie Hubbard aussi à la trompette, Eric Dolphy à la basse clarinette, Haden et Higgins toujours respectivement à la basse et à la batterie. L'album est controversé alors que la batterie joue un tempo régulier tandis que le reste du band joue un double tempo. La dychotomie auditive ne fait pas l'unanimité. L'audace de Coleman dérange.
Jouant très rarement des standards contemporains, préférant toujours ses propres compositions, Coleman se trouve quand même un public.
Il forme un nouveau trio dans les années 60, se met au violon (qu'il joue de la gauche), à la trompette et enregistre sans relâche toujours dans le style, difficilement accessible, de l'avant-garde jazz.
Dans les années 80, Jerry Garcia des Grateful Dead joue de la guitare sur un de ses albums. Coleman joint aussi Pat Metheny le temps d'un disque comme co-compositeur de tous les morceaux.
En 1990, la ville de Reggio Emilia en Italie propose un portrait de l'artiste en trois jours mettant en vedette Coleman, Don Cherry, Charlie Haden et Billy Higgins, le quatuor original du fameux Shape of Jazz To Come.
Coleman joue sur la trame sonore de The Naked Lunch de David Cronenberg en 1991. Il renvoie l'ascenseur à Jerry Garcia en jouant avec lui sur scène en 1993. Il apparaît sur la trame sonore de Finding Forrester de Gus Van Sant en 1995. Il fait place au piano sur ses compositions pour la première fois en 1996.
Il joue sur l'album expérimental de Lou Reed The Raven en 2003.
Coleman aura enregistré 49 albums en 53 ans. Il aura eu un impact certain sur le monde du jazz et sur les oreilles de son public.
Raflant même, ironiquement, le prix Miles-Davis (pas un fan de Coleman du tout) au Festival de Jazz de Montréal en 2009.
Son complice de toujours Charlie Haden s'était discrètement éteint il n'y a même pas un an.
Impatient de toujours, Ornette est allé le rejoindre pour de nouveaux jams jeudi dernier.
Il aura soufflé dans son sax jusqu'à la fin de ses 85 ans.
Jour de son dernier souffle.
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