À la fin des années 60, Montréal, Jean Drapeau en tête, est toujours pleine d'ambition. Mais la nouvelle grande ambition vient du ministère des transports canadien: on veut un nouvel aéroport afin de délester l'aéroport de Dorval devenu trop petit et étant de plus en plus près de la ville.
On étudie d'abord les territoires à proximité, Vaudreuil-Dorion ou les Basses Laurentides. Québec souhaitera Drummondville sur la Rive-Sud Ce sera plus éloigné encore au nord qui sera choisi: Mirabel.
On veut s'inspirer du tandem Orly/Charles-de-Gaulle en France et se partager le trafic aérien avec Dorval.
Le site retenu est en milieu agricole et on doit exproprier les gens habitant sur un très grand territoire couvrant dix fois la superficie qui au final sera occupée par l'aéroport en soi. Les expropriés sont horrifiés et ne s'en remettront jamais. On exproprié non seulement des agriculteurs mais aussi de simples citoyens. Louis Fortin et Éric Gagnon-Poulin se sont intéressés à ses gens dans leur documentaire sur le sujet.
Nous sommes en 1969 et Pierre Eliott Trudeau, le père de l'autre, ne fait que commencer à violer les droits d'autrui, à un an de la crise d'octobre et de ses infectes mesures de guerre.
Mirabel sera le plus grand aéroport au monde. Les constructions, débutées au début de 1970, ne prendront que 5 ans et coûteront 500 millions de dollars. Une performance d'une rapidité remarquable. Le 4 octobre 1975, l'aéroport est inauguré avec un ronflant discours de P.E.T. et le passage de Boeing 747-200 (d'Air Canada) et du Concorde Français de présérie F-WTSA 02.
Les vols intérieurs (incluant ceux aux États-Unis) auront lieux à Dorval, tandis que les vols internationaux auront lieux à Mirabel. La distance marquée (40 KM et plus d'une heure de route en période de trafic aux heures de pointe) rend les correspondances difficiles, voire impossibles. On devait construire des liaisons routières avec la 13 et une route (la 50) en direction d'Ottawa qui n'est pas très loin. Rien de tout ça ne sera fait. la 13 s'arrêtera à la 640, obligeant un détour par la 15 et la 50 ne verra pas le jour avec l'ouverture de l'aéroport d'Ottawa.
De plus, peu à peu, le poids économique de Montréal s'affaisse au profit de Toronto qui pour sa part, prend de plus en plus d'ampleur.
Le gouvernement fédéral est contraint d'octroyer de plus en plus de vols internationaux à l'Ontario.
On prévoyait recevoir 40 millions de passagers en l'an 2000 et passer d'une aérogare et de deux pistes à six aérogares et autant de pistes.
Au contraire, les crises pétrolières de 1973 et 1979 plombent très sérieusement l'aile de tous les avions se posant à Mirabel. Ceci jette une consternation encore plus bouleversante chez les expropriés qui ont le sentiment très renforcé de s'être fait tasser pour rien. Dès 1981, le gouvernement fédéral lance une programme de rétrocession d'une grande partie des terrains.
Des 97 000 acres expropriées, en 1985, Brian Mulroney en rétrocède 80 000 et Stephen Harper en rétrocèdera 11 000 autres en 2006. Le gouvernement ne gardera que les constituants de l'aéroport, soit 6000 acres (2428 hectares).
En 1992, le gouvernement canadien change le mandat de Transports Canada et se débarrasse de l'éléphant blanc en confiant la gestion de l'aéroport à Montréal. C'est Aéroports de Montréal (ADM) qui s'occupe aussi de la gestion, de l'exploitation et du développement des installations de Dorval, qui prend Mirabel en main pour un bail devant (originalement)se terminer en 2052.
En 1997, ADM annonce que tous les vols passagers seront dirigés vers Dorval (devenu avec une sombre ironie l'aéroport Pierre Eliot Trudeau) car la coordination devient un véritable cauchemar et les vols internationaux ne sont pas à la hauteur des attentes de 1969. Les attentes de...Pierre Eliot Trudeau...
L'aéroport reste ouverte pour les livraisons de marchandises et reste disponible aux activités de construction aéronautiques.
Le dernier vol passagers a lieu le 31 octobre 2004, un vol d'Air Transat en direction de Paris.
En 2006 un consortium lance Rêveport*, un projet qui propose un vaste complexe-récréo-touristique sur le site de l'aérogare qui deviendrait à la fois un centre commercial, un hôtel, qui comprendrait une plage intérieure et des dômes géodésiques.
Cependant, la crise économique de 2008 achève cette idée.
La compagnie française d'aérostructures aériennes Aerolia Inc,, qui a pour principal partenaire Bombardier, compte s'en approcher et choisit en 2012 d'y installer son usine d'assemblage et d'ajouter le mot "Canada" à leur nom d'entreprise afin de marquer l'importance de leurs ambitions.
Mais ADM juge que l'aérogare est maintenant désuète et que son potentiel à des fins commerciales autres qu'aéroportuaires est quasi nul et économiquement injustifié.
On y démolit les premières installations mercredi dernier.
*On aurait pu craindre le pire avec un tel nom atroce...
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