Je vous ai dit que je ne m'étendrai pas sur ma passion de l'hiver. Aujourd'hui, je ferai un peu le contraire. Mais croisé avec une autre passion. Une musique. Un album.1h36 de marche samedi dans la petite neige de Noël.
Une chanson, une chronique, une image, un sourire, un moment, ça peut vous placer dans une zone qui, pendant un certain temps, vous accepte en pleine flottaison mentale avec menace de vous faire atterrir en zeitgest de plaisir.
La neige qui danse dans les rues en tourbillons a parfois cet effet sur moi.
L'album de Joni Mitchell The Hissing of Summer Lawns a aussi cet effet sur moi. Le matin. Étrangement, je trouve que c'est un album à écouter entre 5h30 et 7h30 le matin. Ça démarre bien une journée pour moi. La fille de Winnipeg qu'est Joni connait la luxe estival qui fait suite à nos hivers.Cet album n'est pas un album qu'on écoute tout simplement, il s'agit d'un album dans lequel on entre. Il créé un climat psychologique tout en musique. C'est un chat qui se frotte à votre jambe. C'est une zone mentale où la domesticité, le désir, l'ennui, et une humide révolte silencieuse cohabitent. Une rivière sur laquelle on peut s'enfuir et patiner. L'album est un murmure matinal plus qu'une annonce, les chansons épongent nos peaux comme l'eau d'une douche, douces menaces en sons suggérant qu'un vent siffleur est sur le point de s'animer dans la brand new day, en surface manicurée.
L'album capture un moment dans la carrière de de Joni où elle tentait de s'éloigner de la clarté de son folk confessionnel habituel, vers quelque chose de plus elliptique, quelque chose de socialement observateur, et sonorement aventureux. Avec des effluves jazz et avant-gardistes. Des percussions africaines du Burundi. Une impression de faire un tour du monde dans son cubicule, au bureau. Des personnages de femmes qui s'emprisonnent elles-mêmes, se menacent entre elles-mêmes. Encagées entre elles. Sacrifiées pour peu. Joni était alors une rare auteure-compositrice interprète dans un monde mâle. Elle avait fait sa place. Avec une belle aisance mais non pas sans avoir à se battre. Le confort atteint pouvant aussi être une forme de captivité. L'herbe est verte, la maison bien tenue en banlieue, mais quelque chose ne tient pas en équilibre. La lumière et l'ombre côte à côte. Non fusionnée. L'année d'avant, Diamond Dogs, 8e album studio de David Bowie, premier sans ses Spiders From Mars, sans Ziggy Stardust dans la peau, tournant The Man Who Fell To Earth cette année-là, tout en enregistrant son 9e album, travaillant son plastic soul, dans un brouillard surcocaïné, était lancé. L'album met le pied en territoire dystopique, dans la décadence et la dislocation théâtrale. Joni l'évoque dans sa chanson titre. Son futur urbain rôde autour de la banlieue suggérée par la pochette. Différents terrains, mais même appétit existentiel. Les deux artistes questionnant en même temps l'identité et l'aliénation. Au travers de différentes lentilles.Le sifflement des herbes d'été, le sifflements tourbilllonnés des neiges d'hiver dans les rues.
Entre menace et confort. Audace et traditionnel. Une beauté nichée. Ce qui fait durer une oeuvre artistique, c'est l'endroit où il vous place mentalement et physiquement à chaque apparition. Le catharsis entre le jour au bureau, l'hiver qui fonce, la tension qui monte avant la folie du temps des fêtes fait effet La fracture du jour, opère. J'ai écouté très souvent cet album le matin, avant de travailler, au bureau, les matins de 2025. Au point que ce fût le 3e album le plus écouté de ma part cette année. Après Delaware de Drop Nineteens que je découvrais cette année, je ne sais trop comment, et mon album fétiche, Low, de David Bowie. Qu'il tricotera 2 ans après celui-là, de la grande Joni. Ici, relativement affranchie.Low, un autre album qui place dans un état de pleine conscience d'univers parallèles libérateurs.
Dans un monde qui cherche souvent à nous encager.
Immersion psychologique qui ne vous change pas autant qu'il vous réarrange.
Et vous réenligne sur ce qui compte vraiment: se libérer.
Flotter sur l'eau. Même en hiver.
Graham Nash, David Crosby & James Taylor sont aussi de l'album. Anciennes amours. Nouveaux sons. L'album avait été mal reçu. Comme souvent ce qui est en avance sur son époque. Comme Low.
L'écouter l'été reste encore plus pertinent, car le sifflement des hautes herbes dans le vent, on l'entend.
The Hissing of Summer Lawns a eu 50 ans, cette année.Devinez quel album j'ai écouté ce matin, après avoir traversé le sifflement des neiges, dans le rues, tourbillonnées ?
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