Chaque mois, dans les 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans les 10 derniers) et pour la musique (vers le milieu) je vous entretiens sur une des mes trois massives passions: le cinéma.
Je vous parle d'un effort qui m'a charmé pas sa réalisation, ses images, sa narration, ses interprètes, sa musique, ses cadrages, son audace, son originalité, sa justesse, sa subtilité, sa finesse, bref un film dont j'ai aimé la plupart des choix et je tente de vous expliquer pourquoi il voyage longtemps avec moi, après coup.
Quiconque me connaît sait que j'aime les choix des frères Coen depuis leurs tout début.
INSIDE LLEWYN DAVIS de Joel Coen. (Ethan aussi, lui, produit et co-scénarise).
Joel & Ethan lisent la biographie du chanteur folk Dave Van Ronk. Ils adorent. Ils choisissent alors de s'inspirer de cet univers et d'y mettre du leur. Leurs univers sont disjonctés. Hilarants. Brillants. L'humour y est au rendez-vous, si cet humour n'y est pas noir, il est alors plongé dans un monde de demi-perdant, ce que cette planète compte tout plein.
Humilité et humiliation marchent toujours main dans la main chez les frères Coen. On peut même parfois passer du comique au grotesque en deux trois gestes. L'application au détail est formidable dans leur oeuvre. Et quand je parle de détail, je ne parle pas nécessairement d'accessoire, je parle d'un petit morceau de dialogue qui en dit très long sur quelqu'un où sur un univers entier d'un personnage. Dans Inside LLewyn Davis, John Goodman ne joue que quelques scènes sur la route, mais toutes ses lignes nous en disent long sur le personnage qu'il incarne.
Un autre n'apparaît que lors de la scène finale, et n'aura que moins de 5 lignes (et un élan du poing) mais on comprendra vite toute la couleur du personnage. Dans TOUS leurs films, même les plus petits rôles sont étudiés avec un formidable soin.
Parfois c'est 100% le contraire, moins on en sait sur un personnage, plus on est troublé.
Plus souvent qu'autrement, plus on est aussi amusé.
Au début des années 60, Llewyn Davis, un ancien travailleur des ports de New York, est chansonnier dans les bars. Il a fréquenté la copine d'un ami, et l'aurait, peut-être, mise enceinte. Elle le méprise sévérement pour ça. Llewyn tentera sa chance pour un contrat de disque, à Chicago, auprès d'un très important gérant d'artistes, que l'on devine être inspiré profondément de l'ancien gérant de Bob Dylan, Albert Grossman. Une référence claire au trio Peter, Paul & Mary, alors inexistant dans l'univers de la narration est d'ailleurs faite avec le superbe F.Murray Abraham.
C'est une des choses les plus agréable du film, cette capacité de faire croiser fiction et faits réels.
Llewyn Davis n'est pas le plus chanceux des artistes, Quand un couple d'amis bourgeois, qui le prenne comme leur "copain artiste" (et qu'on soupçonne doit lui remplir les poches un peu, de temps à autres), quand ce couple demande de garder leur chat le temps d'un week-end, une série d'emmerdes s'ensuivent.
C'est aussi typique de l'univers des frères Coen. Un geste tout simple, en début de film, fait souvent boule de neige. Presque toujours dans le délire.
Dans Inside Llewyn Davis, on est plongé non seulement dans l'univers musical de New York de 1962, mais aussi dans son hiver. Et Dieu seul sait à quel point j'aime l'hiver. Leur hiver à l'écran est splendide. La photographie de Bruno Delbonnel est bleutée, ce qui ajoute au charme du film. Film très inspiré de L'Odyssée d'Ulysse.
Le souci du détail dont je vous parlais est bien exposé dans cette scène d'enregistrement de chanson de Llewyn, avec son ami, qui ne se sait pas cocufié. Vers la 36ème seconde, un simple regard d'Oscar Issac fait sourire. 20 secondes plus loin, on rit pour vrai. Mais l'approche mentale du personnage est respectée et crédible. À 0:36 secondes, on le sent inconfortable, 10 secondes plus loin, de plus en plus humilié, puis il lance finalement qu'il est un peu gêné du gig.
La suite du clip placé en hyperlien rappelle tout le pathétisme du personnage principal.
Non seulement on rigole beaucoup dans ce film rempli de clins d'oeil au réel univers folk de 1962, mais on y sent le désespoir, toujours réel, de certains artistes, en plus de découvrir beaucoup de bonne musique.
J'avais acheté le film sans l' avoir vu au préalable, chose que je ne fais jamais. Convaincu que je l'aimerais.
Je me trompais. Je l'adorerais au point de le réécouter deux à trois fois par année. J'ai aussi acheté le livre autobio de Dave Van Ronk, que j'ai dévoré, et la trame sonore.
Un film des frères Coen est toujours un cadeau pour moi. Celui-là, plus que les autres encore.
Un morceau inédit et un clin d'oeil au dernier plan, en référence à Bob Dylan ferme ce très joli film.
Que j'ai réécouté encore cet hiver.
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