En Amérique, du moins.
Elle grignote une danoise, penaude, tristounette de sa sortie de la veille, qui était décevante, en regardant au travers des vitres de la bijouterie Tiffany's, dans l'espoir de quelque chose de mieux. Sur l'air de Moon River, une version instrumentale, extra-diégétique. Le film est une adaptation libre du roman de Truman Capote du même nom. Capote pensait à Marylin Monroe pour le rôle d'escorte de luxe, mais celle-ci a choisi de passer outre, ne voulant justement pas être associée à trop de rôles qui la lierait à la promiscuité. Comme on voulait rendre moins "osée" le personnage d'escorte, Blake Edwards s'est alors tourné vers la plutôt conservatrice Audrey Hepburn pour incarner le personnage.
Mais bien que conservatrice en théorie, la jolie Audrey est devenue une précurseure de la contre-culture du début des années 60, une icône des jeunes femmes indépendantes. Sans le savoir complètement, Audrey évoquait quelque chose de sexuel, avant même que le révolution sexuelle soit elle-même jugée acceptable dans les années 60.
Holly est naïve et un esprit libre. Elle refuse de baptiser son chat car ceci serait un trop lourd engagement de sa part, envers lui. L'indépendance l'habite. Elle se colle à de multimillionnaire et quand ceux-ci veulent davantage de sa présence, la couvre de cadeaux, elle se pousse, afin de ne jamais se commettre avec personne.
Tout changera dramatiquement quand un auteur en devenir déménagera dans l'immeuble où elle réside.
Le film de 1961 parle du désir humain pour une vie stable et l'envie de totale liberté. Le film reste extrêmement conservateur et ne passerait pas, de nos jours, le test du temps. Holly, bien que cherchant et incarnant la liberté totale, "se réalise" enfin en tombant en amour avec un homme. Dans le livre de Capote, l'auteur qui change sa vie est un homosexuel et Holly a une affaire avec une femme.
Mais l'époque conservatrice de 1961 avait tout même condamné le film, extrêmement propre, comme étant obscène.
En 1961, la révolution sexuelle restant encore souterraine, tout ça était encore une rébellion secrète, comme une note amoureuse glissée entre élève, en classe. Et en 1961, si vous vous faisiez prendre à glisser une note amoureuse à un autre élève et que le professeur vous prenait à le faire, vous risquiez l'expulsion scolaire purement et simplement. La sexualité dégagée par la jolie Audrey était provocatrice et tout un cran de la société a beaucoup aimé.
Ça avait beaucoup à voir avec ses beaux yeux. Son merveilleux collier. Son porte-cigarette. Son style. Style qui était guidé par le talent de Hubert Taffin de Givenchy, 34 ans, couturier français, qui lui avait dessiné sa robe noire, qui a fait histoire. J'ai eu la photo, en haut de page, dans ma chambre toute mon adolescence. De Givenchy, 10 ans avant, habillait déjà la belle Audrey.
C'était pour moi non seulement la définition de la beauté et du style, mais aussi l'image d'un certain féminisme, et l'image de l'indépendance féminine.
Et de l'envie de cabotiner qu'on retrouve dans son oeil.
L'insolence m'a toujours séduit. Me séduit encore.
Hubert Tafin de Givenchy était un fameux créateur de style. Il avait habillé Lauren Bacall, Ingrid Bergman, la comtesse Mona von Bismark, Sunny Von Bulow, Maria Callas, Marlene Dietrich, Jean Seberg, Greta Garbo, Grace Kelly, Jeanne Moreau, Jackie Kennedy Onassis, des barons, des baronnes, de princesses, et la duchesse de Windsor, Jayne Wrightman, entre autre clients.
Il avait aussi dessiné la robe d'Audrey pour le film Sabrina, 7 ans avant.
De Givenchy est décédé paisiblement dans son sommeil à l'âge de 91 ans, dans la nuit de samedi à dimanche dernier.
Il nous as quitté, probablement dans le plus chic pyjama satiné qui soit.
L'industrie de la mode perdait, le weekend dernier, un de ses plus brillants créateurs.
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