lundi 20 février 2017

Calder Willingham

Né le 23 décembre 1922 à Atlanta, il quitte le collège militaire pour travailler au United States Office of War Information  à Washington.

Il quitte l'endroit pour écrire à New York. Là où il se fera écrivain. Son premier roman, End as a Man est lancé en 1947 et le rend aussitôt célèbre. On y parle clairement de sexe, de comportements et d'attitudes sexuels, on y critique la culture machiste militaire et on suggère de l'homosexualité. Ce sont beaucoup trop de tabous pour les prudes États-Unis d'après guerre. La New York Society for the Suppression Vice, institution créée dans le but de contrôler les moeurs de la population, poursuit la maison d'édition Vanguard Press pour obscénité.
De multiples auteurs se portent à la défense de Willingham, la cause devient un vaste débat d'opinion publique et les poursuites tombent. Mais pas avant que le livre ne deviennent un best seller. Les critiques aiment beaucoup aussi et on salue son humour sauvage et ses dialogues et situations réalistes.

Le livre fait tant de bruit, que Willingham le transforme en pièce de théâtre, qui mettra en scène, entre autre, un jeune James Dean. Le producteur Sam Spiegel lui fait adapter le livre en film et Ben Gazzara commencera sa carrière cinématographique avec ceci, rebaptisé The Strange One.

Willingham enchaîne avec le début d'une trilogie de livres semi-autobiographiques. Geraldine Bradshaw se déroule dans un hôtel de Chicago et autour d'un valet d'hôtel durant la Seconde Guerre Mondiale. Rôle qu'avait tenu Willingham dans la vie. Le valet en question fantasme sur la fille dont le livre porte le titre et à nouveau, les prudes États-Unis trouvent cela trop énervant. Le second livre place ce même valet à Los Angeles, dans Reach to the Stars, (Là où Willingham avait aussi été valet d'hôtel plus jeune). À nouveau, le valet y va d'observations ludiques et sexuelles, sur le gratin d'Hollywood cette fois. Il publie dès l'année suivante, Gates of Hell, son seul recueil de nouvelles, particulièrement axé sur l'humour.

Les critiques aiment beaucoup Willingham, le public aussi, et on le place facilement parmi les nouveaux jeunes auteurs d'après guerre à suivre comme Norman Mailer, James Jones, Truman Capote, Gore Vidal ou Tom Wolfe dans Greenwich Village. William Faulkner se trouve parmi ses plus grands fans.

Natural Child paraît en 1952, et raconte 4 jeunes individus, 2 hommes et 2 femmes, ainsi que leur vie de bohème à New York. La narration sophistiquée ainsi que l'oreille parfaite de Willingham pour les dialogues réalistes de la jeunesse des États-Unis en feront un autre succès et un bijou dans son oeuvre. To Eat a Peach paraît 3 ans plus tard et chronique la vie et les aventures (ludiques) de moniteurs de camps d'été.

Un jeune réalisateur du nom de Stanley Kubrick avait adoré Natural Child et demande à Willingham de l'aider à adapter un livre de Stefan Zweig pour le cinéma. Le projet ne fonctionnera pas mais Kubrick retient l'homme pour le faire retravailler le scénario de Jim Thompson pour son prochain film: Paths of Glory. On aimera tant son apport qu'on lui fait retravailler un peu du scénario de The Bridge of the River Kwaï. Toutefois, David Lean est un homme fort difficile et Willingham et lui ne s'entendent pas. Calder ne sera jamais crédité pour le peu auquel il a contribué au film.

Willingham et Kirk Douglas se sont liés d'amitié sur le plateau de Paths of Glory et Calder travaillera sur son prochain film. Quand Douglas embarque sur son projet suivant, il engage ses bonnes collaborations: Kubrick et un ami commun, Willingham. Spartacus sera un gros succès commercial.

Willingham travaille encore avec Kubrick sur l'adaptation d'un livre de Charles Neider pour Marlon Brando. Mais Kubrick quitte et Willingham le suivra. Brandon tiendra les rênes du film. Willingham, ami de Vladimir Nabokov, qui est sans le sou aux États-Unis, lui suggère de faire adapter ses merveilleuses nouvelles pour le cinéma. C'est Willingham qui mettra en contact Kubrick et Nabokov pour Lolita.

Ça aura pris 8 ans à Calder Willingham à tricoter son prochain roman: Eternal Fire qui replace l'action, là où il a grandi, dans le Sud, en Georgie. Probablement son meilleur effort, l'histoire gothique raconte le mariage entre un jeune héritier et une enseignante pleine de vertus aux idées suicidaires. Une critique dira de lui qu'il est le seul auteur vivant digne de pouvoir tenir le manteau de Dostoievsky dans une bagarre de rue.

Willingham revient au cinéma pour adapter la nouvelle de Charles Webb, The Graduate. Mike Nichols n'aime pas ce qu'il en fait et engage Buck Henry pour retravailler le script. Une bataille juridique prouve qu'on a gardé beaucoup trop de ce que Willingham avait fait et son nom doit être placé au générique. Il sera co-nommé pour l'Oscar de la meilleure adaptation cinématographique. Il se fera de Dustin Hoffman un ami. Ils retravailleront ensemble sur Little Big Man.

Entre temps, Calder lance un autre livre, Providence Island, racontant l'histoire d'un producteur télé dont la vie est déséquilibrée par sa femme maladivement timide et androgyne. Hollywood achète les droits d'adaptation et voudra en faire un film mettant en vedette le couple d'acteurs Paul Newman et Joanne Woodward dans les rôles principaux, Mais le film ne se fera pas. Willingham travaille une adaptation des mémoires de prison de Malcolm Braly pour Dustin Hoffman, mais celui-ci fera Papillon à la place. Willingham travaille aussi sur un traitement du film Patton, dont Françis Ford Copolla signera finalement le scénario seul.

Calder lance son 9ème livre, Rambling Rose, racontant sa famille et son éveil sexuel, enfant, en Georgie. Bien que jamais sa famille n'ait eu de femme de ménage ouvertement sexuelle comme Rose, tout le reste du livre est inspiré de ses proches. Il travaille aussi avec Altman.

Son avant-dernier livre sera le dernier volet de la trilogie, débutée avec Geraldine Bradshaw et Reach to the Stars dans les années 50. The Big Nickel. Son dernier livre sera un essai satirique mal reçu en 1977, The Building of Venus Four.

Il connait l'agonie par la suite, sa maison passant au feu et lui faisant tout perdre, le faisant tomber dans une dépression qui lui ruine la santé. En 1989 il adapte une de ses propres nouvelles pour Martha Coolidge.

Il travaillait avec Steven Spielberg sur un scénario intitulé Julie's Valley, racontant l'histoire d'une famille de pionniers des États-Unis, attaquée par des autochtones sur la piste de l'Oregon, quand on lui diagnostique un cancer du poumon fatal.

Il en décédait hier, il y a 22 ans.
L'auteur, largement oublié et pratiquement introuvable, avait 72 ans.


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