Québec/Edmonton.
J'allais rejoindre deux amis pour un voyage à L.A.
Travaillant sur une terrasse dans le Vieux-Québec pendant que eux deux travaillaient chez des concessionnaires automobiles à Edmonton pour l'été, nous allions nous rejoindre à la mi-août en Alberta avant de se rendre ensemble sur la côte Ouest des États-Unis en voiture.
Je devais d'abord prendre l'avion de Québec pour les rejoindre en Alberta. Peu familier avec le concept, mais attiré par le faible prix du billet d'avion, j'avais acheté un billet "standby". Quand l'agente a invité les gens à l'embarquement, j'ai été refoulé.
"Pourquoi?" j'ai demandé avec toute l'attitude adolescentine qui m'habitait alors.
"Parce que vous n'êtes pas certain d'embarquer, jeune homme, vous avez un billet "standby", on doit remplir l'avion en premier afin de voir si il y a de la place et ensuite...peut-être..."
"Et si il n'y a plus de place?"
"Il faudra prendre l'avion suivant"
Là j'ai un peu paniqué. Je pensais à mon ami Peake qui avait prit congé cette journée là à Edmonton et qui devait venir me chercher à l'aéroport à une heure précise, qui ne le serait plus (précise) si je prenais l'avion suivant. 1990, c'était bien avant les téléphones intelligents, avant même le téléphone cellulaire, avant l'internet! Nous n'avions (en bon adolescent) aucun plan pour nous rejoindre, une fois là-bas.
Après une certaine angoisse à faire les 100 pas devant la femme afin qu'elle comprenne que je prendrais même une place dans les toilettes si il le fallait, je fus finalement admis dans l'oiseau de fer.
À l'aéroport, je me rappelle avoir oublié d'enlever mes lunettes, que j'avais porté dans l'avion pour lire, mais dont je n'avais jamais complètement révélé l'existence à mes amis, gêné par celles-ci que j'associais à Agnan dans Le Petit Nicolas. Je me rappelle que la première chose que Peake m'avait dite était "Hey Jones! t'as des lunettes?" en me retrouvant.
Soulagés pour ma part de le retrouver, pour la sienne d'avoir congé ce jour-là dans un job qui l'emmerdait divinement, nous avions choisi de nous rendre à son appart (un sous-sol en fait), de prendre nos maillots et e nous rendre à la piscine municipale. Il faisait atrocement chaud.
Les Albertaines ne sont pas vilaines. Tout en testostérone que nous étions, nous avions les antennes fort aiguillées sur le sexe opposé. À l'entrée de la piscine, il y avait cette jolie brune, appuyée sur des casiers qui semblait seule et indécise à entrer dans l'enceinte de la piscine. On s'est échangé de longs regards, Peake convaincu qu'elle le toisait lui, moi convaincu du contraire. Quand plus tard, elle est finalement apparue autour de la piscine, on s'est tous deux convaincus que c'était pour nous. Elle nous regardait trop de loin. Encore convaincus que c'était moi qui l'intéressait et lui, l'inverse nous avions parlé d'un potentiel intérêt double, et, à plus long terme dans la nuit, d'un possible ménage à trois, si elle s'intéressait vraiment aux deux.
Puis, après une milliseconde, nous avions été dégoûté par la perspective de glisser une main sur la jambe poilue de l'autre par inadvertance ou encore de tomber la bouche au mauvais endroit dans de forts peu probables contacts de peau. Nous avons décidé d'un commun accord qu'elle était indécise, nous trouvant tous les deux de son goût et qu'elle nous toisait de loin afin de justement faire un choix.
Ayant passé l'été seul dans le 418, tandis que le reste de ma famille, mes parents, mes deux soeurs, avaient été au chalet tout l'été, quand je revenais à la maison, souvent, je lisais sur le patio derrière, là où le soleil plombait le plus souvent en écoutant de la musique. Comme nous étions en août et qu'il avait fait très soleil cet été-là, et que de plus je travaillais sur une terrasse, donc dehors une bonne partie de la fin de journée, j'étais très bronzé. Je le suis déjà d'avance étant d'origine Atikamecw, mais Peake aussi est si foncé que certaines personnes l'avaient déjà cru rital.
Tous deux célibataires, nous voulions bien paraître. Je devais donc me distinguer.
Au secondaire, nous allions régulièrement sur l'heure du dîner, manger chez Peake qui avait le luxe d'avoir une voiture (son père était concessionnaire, facilitant l'accès à des voitures) et mangeant rapidement, nous nous amusions à faire de fameux plongeons avec multiples boucles dans sa piscine creusée sur l'heure du midi avant de retourner à l'école. Nous étions sans peur et nos figures, avec le recul, devaient être impressionnantes. Je nous revoie tourbillonner dans les airs comme on oserait jamais plus le faire aujourd'hui.
Muni de cette confiance d'épervier, je suis grimpé sur le plongeon de la piscine d'Edmonton. Je me savais regardé sous ses verres fumées. Et peut-être pas juste par mademoiselle.
J'étais sur scène.
À cette époque, pas besoin de plier le ventre, nous n'étions que muscles et six-pack.
J'ai grimpé, grimpé, grimpé, une à une, les marches du plongeon. J'ai pris mon élan et ai plongé. Multipliant les tourbillons dans les airs avec la grâce du papillon, l'agilité du parachutiste et la fougue de l'athlète.
J'étais Dieu. Illuminé, illuminant.
Puis, il y a eu une EXTRAORDINAIRE explosion qui m'a pincé l'ensemble du visage. Désordonnant mes cheveux comme ils n'avaient jamais été mêlés, sacrifiant le tiers de ma crinière, ramenant mon oeil droit dans ma joue gauche et mon oeil gauche près de l'oreille droite, faisant claquer mes dents comme si j'avais mordu un fil électrique, plissant ma bouche comme si on me donnait la plus grande baffe planétaire et remontant mon maillot si haut dans mon cul que j'ai un instant cru que mon anus allait devenir mon nombril.
J'ai sorti une tête désormais de la couleur des fraises et des bleuets lorsque mélangés, et je jure avoir entendu l'écho d'un fantastiquement gros "SPLASH".
Et un silence dans une foule de plus de 100 personnes qui se traduisait par "is he dead?"
J'ai regardé la jolie brune pour voir si elle m'avait vu et oui, elle me regardait par dessus ses lunettes fumées, la bouche ouverte. La mienne ne répondait plus. Je venais de faire le plus gros flat de l'univers calculant en crétin les mouvements possibles sur le plongeon de chez Peake, un plongeon de 2 pieds, et ceux impossible sur un plongeon de 15 pieds à Edmonton...
J'ai compris que c'était sérieux quand deux soigneurs m'ont accueillis à la sortie de l'eau.
L'agitation, les cris et les mouvement nerveux, m'ont fait comprendre que je m'étais fait un giga-wedgie tout seul comme un grand.
Le visage rouge, mauve, bleu et vert comme un gland.
Comme si on avait essayé de rentrer mon nez par l'intérieur et ramener ma mâchoire derrière ma nuque.
J'étais hors compétition pour la brune. Je boitais inexplicablement en plus et il me manquait 2 ongles d'orteil.
Peake avait aussi eu besoin des soigneurs pour une crampe au ventre.
Étouffé par les rires.
J'avais laissé mon ego sur la patio à Québec.
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