samedi 24 mai 2014

Le Joie de Vivre en Iran

C'était ce que l'appelle un vidéo viral.

Sur la chanson joviale Happy, de Pharrell Williams, vous dansez, sans même être obligé d'en chanter les paroles, simplement dansez, l'air joyeux, dans les rues de cette ville que vous aimez. Copiant le vidéo original de Williams, si possible.

Personne ne sait trop qui a commencé quoi. Il y a eût Paris, Milan, Londres, Colorado Springs, Prague, Hong Kong, Bucaramanga, Saigon, Tokyo, Amsterdam, Dublin,Tanger, New York, les Hautes Tatras en Slovaquie, Santiago, même Montréal s'y est mise. En version personnelle aussi.

C'est peut-être justement ces pays, où les femmes sont généralement émancipées, qui ont donné ce parfum d'occident à un vidéo tout ce qu'il y a de plus rafraîchissant en provenance de Téhéran, mais qui a emprisonné 7 personnes la semaine dernière.

La vidéo a été tournée en mars dernier dans le cadre de la "happy day" du 20 mars. Une initiative, oui, d'Occident. Plus de 400 000 personnes on regardé la vidéo de Téhéran. Neda, Bardia, Roham, Reihanet, SPDH, Afshin, Siavash et Sina ont dansé sur les images de Sol. Reihnaet, dans certains plans, se pose sur ses deux mains, la tête en direction du sol et les deux pieds accotés sur les épaules d'un homme, dos à dos. On peut entendre son rire en plein milieu de la chanson, et à la toute fin, son rire encore, un rire merveilleux. C'était le but avoué du réalisateur, qui écrit à la toute fin : Nous avons fait ce vidéo en 8 heures, utilisant un Iphone 5 S, la chanson "Happy" est un prétexte pour montrer notre bonheur. Nous avons savouré chaque secondes sur laquelle nous avons travaillé, en espérant que ce clip ait mis un sourire sur votre visage.

Il en a mis un sur le mien.
Mais pas sur les autorités de Téhéran.

Ceux-ci ont arrêté les 6 danseurs, 3 hommes et 3 femmes, ainsi que le réalisateur, pour "obscénité offensant la morale publique".  Il faut savoir qu'en Iran, la loi exige des femmes qu'elles soient voilées et surtout qu'elles ne soient pas trop "flirteuse" à l'égard des hommes. Toute initiative de flirt devant être mâle et surtout privée.

L'auteur, Pharrell Williams a aussitôt condamné les autorités en disant que "C'est d'une tristesse incroyable que de penser que ses jeunes ont été arrêtés pour avoir voulu répandre la bonheur."

Tapez Happy we are from... et insérez la ville que vous voulez, vous y trouverez du bonheur en 4 minutes 11 secondes. Et vous aurez définitivement un sourire qu'on ne veut pas reconnaître en Iran.

À Tunis, Asma El Costantini écrit à la toute fin: Merci à ceux qui ont partagé avec nous leur joie de vivre malgrés(sic) la crise que traverse notre chère Tunisie en ce moment...

À Abu Dhabi, on commence avec une version acoustique locale à la guitare de la chanson, d'une réelle beauté. Un peu plus loin dans ce clip, on voit une jeune femme danser et derrière elle, une photo sur le mur montrant une autre jeune femme, si épris de joie de vivre, si heureuse, que sa bouche est grande ouverte dans un sourire qui accote celui de celle qui danse devant nous. Ça m'a frappé. C'était comme si les images s'amusaient de l'effet qu'elles produisaient sur les gens. Comme si elles prenaient vie. Ça aussi ça agace Téhéran. Ces images qu'ils jugent péjorativement "occidentales" tout comme nous jugeons souvent les leurs "islamiques" tout aussi péjorativement.

À Marrakech, Un plan nous montre un homme et une femme dansant devant un centre commercial avec un deuxième homme, portant des verres fumés, qui se montre interdit au mouvements des deux autres, jusqu'à ce qu'il se laisse contaminer et danse lui aussi dans la joie. Métaphore à la fois savoureuse pour nous et inquiétante pour Téhéran. L'Influence autre que religieuse est mal bienvenue dans l'oeil de certains en Iran.

Les sourires des gens qui dansent, peu importe le pays, sont tout simplement fantastiques. Vous tomberez en amour plusieurs fois si vous visitez les 4 minutes 11 proposées plus haut (et ferez une indigestion de la chanson). Vous serez impressionnés par les décors, amusé par celui qui danse avec sa lance ( Ouagadou) ou encore flabbergasté par celui qui fait un spinorama dans les airs en moto marine à Dakar...je crois (À Dakar, Bonheur se dit "Bégué", ça je sais)

À Abidjan en Côte d'Ivoire, à la deuxième minute, on verse dans la chorégraphie de groupe, le temps d'un léger remix. On découvre des pays riche de joie de vivre ici et là. Tout ce qu'il y a de plus rafraîchissant et de sain.

Le Président Iranien Hassan Rouhani a officiellement dit "qu'on ne devrait pas être trop dur à l'égard du bonheur, il s'agit d'un droit humain, ainsi les comportements causés par la joie ne devraient pas être un problème". Ça semble être du "damage control" de l'image internationale de l'Iran puisque les 6 danseurs ont été libérés sous condition de s'excuser publiquement et le réalisateur, au moment d'écrire ceci, était toujours en prison, lui.

Ironiquement, ce même Président venait tout juste d'encourager les jeunes à utiliser l'internet afin de communiquer. Cette injection d'Occident revient leur piquer le cul.

Au même moment, à Cannes, l'actrice iranienne Leila Hatami recevait du Président du Festival de Film, Gilles Jacob, un baiser sur la joue. Causant du même coup un léger scandale dans les journaux.

Rien n'est parfait nulle part.

La joie de vivre en Iran est sérieusement contingenté.
Principalement au féminin.

Ça aussi c'est triste.

Mais un peu comme ce garçon dans un des clips qui porte le gilet "Obey" et qui commence à danser comme on esquiverait des balles de fusil tirées dans les jambes, il y a toujours moyen de sortir la tête de l'eau dans la mer du Monde.

Courage, Iraniennes.
Courage.

Clap along if you feel happiness is the truth.
La seule, oui.

Aucun commentaire: